- Father - Vito Bruschini - Buchet & Chastel Éditions
"C'était une nuit sans lune. Un ciel noir comme de l'encre, percé de milliards de petits points lumineux, pesait sur les champs de la campagne sicilienne. On eût dit qu'il suffisait d'étendre la main pour toucher le fleuve de la Voie lactée. Cette lueur permettait de distinguer les contours des montagnes à l'horizon. La chaleur du jour avait laissé place à une brise marine, et la magie de ce paysage, si âpre et si sévère le jour, s'adoucissait dans le parfum des citrons et des fleurs d'oranger".
Sous la voûte étoilée d'une Sicile éclatante mais rude, austère, le village de Salemi est le témoin mutique des passions humaines. Au cœur de cette campagne brûlée par un soleil incandescent, l'aube du 20ème Siècle semble se peindre avec le sang, la sueur, les larmes et les peines de ses habitants les plus fragiles, les plus précaires, les plus vulnérables. Peu s'intéressent réellement à leur funeste sort. Surtout pas l'aristocratie locale, toute puissante sur ces terres arides. Parmi eux, le prince Ferdinando Licata apparaît - comme à contre-courant -, sensible à la condition misérable des plus humbles. Étrange personnage que ce prince qui tranche avec la noblesse sicilienne. C'est sans doute le mélange subtil de ses aïeuls tout à la fois insulaires et anglo-saxons qui le rend plus compatissant, plus compréhensif, plus conciliant vis-à-vis des revendications populaires en ces années de disette. Bien que d'extraction aristocratique, le prince Licata cultivait un esprit libertaire et un sens profond, singulier de l'équité. Cultivé et raffiné, intelligent et diplomate, il savait négocier avec ses coreligionnaires aussi bien qu'avec ses métayers. "Les nobles de la région considéraient Ferdinando Licata comme un extravagant. En outre, ils ne comprenaient pas pourquoi il refusait le titre de don, alors qu'il en avait doublement la légitimité ; d'une part, il descendait d'une famille aristocratique et, d'autre part, il se trouvait à la tête d'une société composée de nobles et de paysans. Mais Ferdinando préférait se faire appeler patri par ses protégés, car il était comme un père pour eux. Et, en échange, la communauté du territoire reconnaissait son autorité avec une vénération qui touchait au fanatisme". Cependant, ce prince disposait de méthodes peu orthodoxes pour asseoir sa réputation et son pouvoir auprès des plus démunis de ses concitoyens. Il n'hésitait pas à souffler le chaud et le froid pour arriver à ses fins en affaires, et faire plier les plus coriaces de ses adversaires. Tous les moyens étaient bons pour obtenir ce qu'il désirait, du chantage aux pires sévices.
Aux années sèches, stériles et improductives, vont se succéder d'autres périodes, plus sombres, plus calamiteuses, plus douloureuses encore pour chacun. L'arrivée du fascisme en Italie avec son cortège de haine, de violence, d'intolérance, semant terreur et horreur partout dans le pays va bouleverser l'ordre des choses. La puissance tutélaire du prince Licata, son charisme auprès des déshérités, la crainte mêlée de respect qu'il faisait naître chez ses pairs, gênaient beaucoup de monde à Salemi et alentours. La région était désormais entre les mains d'une bande de voyous, nervis du pouvoir en place et désireux d'en imposer à la population par la répression et la barbarie. C'est aux États-Unis que le prince Licata trouvera refuge, pour mieux revenir et rendre justice. "La plus grande mystification de la violence est de prétendre éradiquer le mal. En réalité, elle ne fait qu'alimenter la haine et le ressentiment".
Avec "Father" de Vito Bruschini, le lecteur suit deux histoires qui se croisent et s'entrecroisent pour finir par se rejoindre en un point de jonction et n'en faire qu'une : la grande histoire. La première de ces histoires est celle de la Sicile au seuil de la dictature fasciste, dans les années 1920 - 1921. Au travers du quotidien des habitants de Salemi, village agricole et pauvre, l'auteur revient sur les relations complices et complexes - voire alambiquées - de l'aristocratie locale avec leurs régisseurs et ouvriers agricoles. La Sicile, île du bout du bout de la botte italienne, a toujours vécu en marge, selon ses lois, ses coutumes, ses rites, faisant fi du pouvoir insulaire et officiel. Terreau propice à l'éclosion de sociétés parallèles, secrètes et puissantes, c'est naturellement là que se développera et se nourrira la mafia. Et malheur à qui oserait contrevenir à son organisation, ou s'opposer à sa suprématie.
La seconde histoire commence en 1939, date à partir de laquelle les événements changent la donne en Italie et en Sicile. Les mesures coercitives à l'encontre des Juifs, des opposants au Duce - communistes ou démocrates -, incitent beaucoup de personnes à fuir le pays et à trouver refuge aux États-Unis, devenant ainsi une terre d'accueil pour ces opprimés. Et parmi eux, les mafieux sont venus grossir les rangs des familles déjà installées.
Si la première partie de "Father" alterne entre les années 1920 et 1939 pour mettre en place personnages multiples et actions, la seconde se focalise sur la création et l'expansion de Cosa Nostra, organisation mafieuse créée par des Siciliens qui ne supportaient plus la prégnance des Irlandais dans leurs affaires. Ainsi, la conjonction entre fiction et réalité historique est faite. A partir de là, Vito Bruschini revient sur le poids de la mafia dans la préparation du débarquement Allié en Sicile en 1943, et sur la légende selon laquelle Lucky Luciano y aurait joué un rôle déterminant en incitant les parrains locaux à participer à la libération de l'île moyennant des avantages politiques conséquents. Si l'ensemble se lit aisément, il n'empêche pas les longueurs propres à tous premier romans et qui - parfois - alourdissent la forme au détriment du fond, captivant à plus d'un titre.
D'autres blogs en parlent : A propos de livres, Un coin de blog, Les livres que j'aime, Belle de Nuit ...D'autres, peut-être ?! Merci de vous faire connaître que je vous ajoute à la liste.
229 - 1 = 228 livres dans ma PAL ...
"Father" de Vito Bruschini a été lu dans le cadre de la Rentrée Littéraire. Encore une fois, je tiens à remercier Abeline Majorel du site Chroniques de la rentrée littéraire et la maison d'éditions Buchet Chastel pour la découverte de ce roman.
Sous la voûte étoilée d'une Sicile éclatante mais rude, austère, le village de Salemi est le témoin mutique des passions humaines. Au cœur de cette campagne brûlée par un soleil incandescent, l'aube du 20ème Siècle semble se peindre avec le sang, la sueur, les larmes et les peines de ses habitants les plus fragiles, les plus précaires, les plus vulnérables. Peu s'intéressent réellement à leur funeste sort. Surtout pas l'aristocratie locale, toute puissante sur ces terres arides. Parmi eux, le prince Ferdinando Licata apparaît - comme à contre-courant -, sensible à la condition misérable des plus humbles. Étrange personnage que ce prince qui tranche avec la noblesse sicilienne. C'est sans doute le mélange subtil de ses aïeuls tout à la fois insulaires et anglo-saxons qui le rend plus compatissant, plus compréhensif, plus conciliant vis-à-vis des revendications populaires en ces années de disette. Bien que d'extraction aristocratique, le prince Licata cultivait un esprit libertaire et un sens profond, singulier de l'équité. Cultivé et raffiné, intelligent et diplomate, il savait négocier avec ses coreligionnaires aussi bien qu'avec ses métayers. "Les nobles de la région considéraient Ferdinando Licata comme un extravagant. En outre, ils ne comprenaient pas pourquoi il refusait le titre de don, alors qu'il en avait doublement la légitimité ; d'une part, il descendait d'une famille aristocratique et, d'autre part, il se trouvait à la tête d'une société composée de nobles et de paysans. Mais Ferdinando préférait se faire appeler patri par ses protégés, car il était comme un père pour eux. Et, en échange, la communauté du territoire reconnaissait son autorité avec une vénération qui touchait au fanatisme". Cependant, ce prince disposait de méthodes peu orthodoxes pour asseoir sa réputation et son pouvoir auprès des plus démunis de ses concitoyens. Il n'hésitait pas à souffler le chaud et le froid pour arriver à ses fins en affaires, et faire plier les plus coriaces de ses adversaires. Tous les moyens étaient bons pour obtenir ce qu'il désirait, du chantage aux pires sévices.
Aux années sèches, stériles et improductives, vont se succéder d'autres périodes, plus sombres, plus calamiteuses, plus douloureuses encore pour chacun. L'arrivée du fascisme en Italie avec son cortège de haine, de violence, d'intolérance, semant terreur et horreur partout dans le pays va bouleverser l'ordre des choses. La puissance tutélaire du prince Licata, son charisme auprès des déshérités, la crainte mêlée de respect qu'il faisait naître chez ses pairs, gênaient beaucoup de monde à Salemi et alentours. La région était désormais entre les mains d'une bande de voyous, nervis du pouvoir en place et désireux d'en imposer à la population par la répression et la barbarie. C'est aux États-Unis que le prince Licata trouvera refuge, pour mieux revenir et rendre justice. "La plus grande mystification de la violence est de prétendre éradiquer le mal. En réalité, elle ne fait qu'alimenter la haine et le ressentiment".
Avec "Father" de Vito Bruschini, le lecteur suit deux histoires qui se croisent et s'entrecroisent pour finir par se rejoindre en un point de jonction et n'en faire qu'une : la grande histoire. La première de ces histoires est celle de la Sicile au seuil de la dictature fasciste, dans les années 1920 - 1921. Au travers du quotidien des habitants de Salemi, village agricole et pauvre, l'auteur revient sur les relations complices et complexes - voire alambiquées - de l'aristocratie locale avec leurs régisseurs et ouvriers agricoles. La Sicile, île du bout du bout de la botte italienne, a toujours vécu en marge, selon ses lois, ses coutumes, ses rites, faisant fi du pouvoir insulaire et officiel. Terreau propice à l'éclosion de sociétés parallèles, secrètes et puissantes, c'est naturellement là que se développera et se nourrira la mafia. Et malheur à qui oserait contrevenir à son organisation, ou s'opposer à sa suprématie.
La seconde histoire commence en 1939, date à partir de laquelle les événements changent la donne en Italie et en Sicile. Les mesures coercitives à l'encontre des Juifs, des opposants au Duce - communistes ou démocrates -, incitent beaucoup de personnes à fuir le pays et à trouver refuge aux États-Unis, devenant ainsi une terre d'accueil pour ces opprimés. Et parmi eux, les mafieux sont venus grossir les rangs des familles déjà installées.
Si la première partie de "Father" alterne entre les années 1920 et 1939 pour mettre en place personnages multiples et actions, la seconde se focalise sur la création et l'expansion de Cosa Nostra, organisation mafieuse créée par des Siciliens qui ne supportaient plus la prégnance des Irlandais dans leurs affaires. Ainsi, la conjonction entre fiction et réalité historique est faite. A partir de là, Vito Bruschini revient sur le poids de la mafia dans la préparation du débarquement Allié en Sicile en 1943, et sur la légende selon laquelle Lucky Luciano y aurait joué un rôle déterminant en incitant les parrains locaux à participer à la libération de l'île moyennant des avantages politiques conséquents. Si l'ensemble se lit aisément, il n'empêche pas les longueurs propres à tous premier romans et qui - parfois - alourdissent la forme au détriment du fond, captivant à plus d'un titre.
D'autres blogs en parlent : A propos de livres, Un coin de blog, Les livres que j'aime, Belle de Nuit ...D'autres, peut-être ?! Merci de vous faire connaître que je vous ajoute à la liste.
229 - 1 = 228 livres dans ma PAL ...
"Father" de Vito Bruschini a été lu dans le cadre de la Rentrée Littéraire. Encore une fois, je tiens à remercier Abeline Majorel du site Chroniques de la rentrée littéraire et la maison d'éditions Buchet Chastel pour la découverte de ce roman.