- L'œil social du 20ème Siècle

Et pour comprendre l'engagement de cet humaniste photographe, pourquoi ses photos sont si puissantes et dégagent une telle force, pourquoi ses portraits nous interrogent, il suffit de se pencher sur l'histoire de sa vie. Né de parents Juifs d'Europe Centrale ayant fui les pogroms, Willy Ronis sera bercé - enfant -, par la musique jouée par sa mère, pianiste. Ce penchant aurait pu le conduire naturellement vers une carrière de compositeur. Comme toujours, la vie, le destin, en décideront autrement.
Son père - retoucheur en photographie dans un studio de renom - ouvre son propre laboratoire sous le pseudonyme de Roness, dans le 11ème arrondissement. Pour ses 15 ans, il lui offrira son premier appareil photo, un folding Kodak. Willy Ronis commence à réaliser quelques clichés de la Tour Eiffel, quelques autoportraits et des photos de familles. Mais, à cette époque, la photo ne l'attire pas du tout. Non. Son rêve est d'être musicien. Aussi, lorsque

Son père meurt en 1936. L'affaire paternelle périclite. Il vend le studio et change de vie. Willy Ronis décide de devenir photographe indépendant, privilégiant les recherches personnelles aux travaux stéréotypés ou commerciaux. Sans le savoir, Willy Ronis va témoigner de sa vision personnelle, poétique et sociale de la rue, du quotidien des ouvriers et des petites gens. 1936, c'est l'année du Front Populaire. Willy Ronis sera à Paris, parmi la foule pour raconter les changements qui se font jour. Membre du Parti Communiste, le Front Populaire sera l'occasion pour Willy Ronis de rendre compte des manifestations, meetings et grèves bloquant le pays, mais aussi les bals populaires et les premiers congés payés. Le 14 juillet 1936, il sera Place de la Bastille pour figer sur la pellicule la victoire du Front Populaire en compagnie d'autres grands photographes de l'époque : Robert Capa, David Seymour et Henri Cartier-Bresson. Plus que le cortège des élus et hommes politiques présents, c'est la foule des anonymes qui le subjugue. Parmi les photos prises lors de ce moment historiques, il y a la "petite fille au bonnet phrygien" qu'il réussira à vendre au journal l'Humanité.
Mais il faut vivre. Pour cela, Willy Ronis réalisera des reportages pour différents

La guerre est une période difficile, particulièrement pour Willy Ronis. Après l'instauration du régime de Vichy, il lui est impossible d'exercer sa profession soumise au contrôle de la propagande allemande. En 1941, il rejoint Nice, ne se sentant plus en sécurité à Paris. Pour survivre, Willy Ronis deviendra aide-décorateur pour le cinéma, assistant-portraitiste en studio ou encore directeur de troupe de théâtre ambulante. A la fin de la guerre, il retourne à Paris et reprend son activité de photographe. Pour la SNCF, Willy Ronis couvrira le retour des prisonniers de guerre ou les joies de la victoire et de la liberté retrouvée. En 1946, il rejoint le Groupe des XV et l'agence Rapho où se trouvent déjà Brassaï et Landau. La même année, Willy Ronis fonde l'école humaniste française avec Robert Doisneau.
Dès les années 1950, Willy Ronis réalise une galerie de portraits de parisiens et de scènes de la vie quotidienne. Il aime par-dessus tout capter les moments de joie, les instants de bonheur, d'amour et les peines des quartiers populaires. Ses lieux de prédilection se nomment Saint-Germain-des-Près, Belleville, les cafés de Montmartre. Sa passion pour Ménilmontant permettra à l'observateur avisé de percevoir l'évolution de ce village au cours des années d'après-guerre. Mais la société française évolue et sa vision idéalisée est en décalage par rapport aux bouleversements économiques qui se profilent. Willy Ronis quitte Paris pour le Sud de la France. Il continuera néanmoins à photographier la capitale, de Belleville et ses

Se sentant fatigué, Willy Ronis décide - en 2001 -, d'arrêter d'arpenter les rues à la recherche de son inspiration. Il réalisera une ultime séries de nus, aspect plus discret de son immense talent, et révélateur de son regard empreint d'une grande douceur et de délicatesse sur les femmes. Lui qui déclarait que : "ce ne sont pas les photographes qui m'ont apporté ma nourriture essentielle, ce sont les peintres", est devenu une sorte de peintre social, témoin inestimable de tout le 20ème Siècle.
6 commentaires:
Merci pour ce très beau billet ! C'est un de mes photographes préférés ;-) Il y a quelques années j'ai assisté à une conférence qu'il a donné à l'école du Louvre. C'était très émouvant, devant une salle immense pleine à craquer :) Ce petit homme (sa taille)délicieux est un immense photographe remplit d'émotion ! Merveilleux !
@ Alice : Merci pour ce petit mot concernant ce grand homme que j'ai perçu comme une personne délicieuse dans sa voix ... Lors de l'émission sur France Inter, c'était un moment d'une grande intensité ;-D
Quel bel article! C'est un fabuleux photographe, à l'oeuvre diverse, touchante, parfois poigrante! J'adore!
@ Chiffonnette : Merci mille fois pour ton compliment ;-D J'ai une passion pour cet homme et pour son regard plein d'empathie pour notre société ...
J'ai découvert ce photographe il y a quelques années : une grande expo lui était consacrée le long des bords de Marne qu'il avait photographiés.
Ou bien peut-être l'ai-je découvert quand j'ai appris à danser le rock : la salle de danse était recouverte de photos de Ronis des années 60. Des couples en noir et blanc en train de danser.
@ Anne-Sophie : C'est un photographe qui a souvent été présenté dans des lieux atypiques. Il n'est pas étonnant que tu l'ais vu sur les bords de Marne ou dans une salle de danse. Ses photos représentent souvent le quotidien des parisiens. Il y a eu une grande expo de ses clichés à Paris en 2004, je crois.
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