Je voulais vous faire un point sur les challenges auxquels je compte participer (j'ai d'ailleurs commencé certains sans en parler à personne, je sais, c'est mal !). Mais, il faut que je les recense et que je regroupe les logos ... Cela se fera dans quelques jours !
30 janvier 2010
COUPS DE COEUR 2009 ... ENFIN !
Je voulais vous faire un point sur les challenges auxquels je compte participer (j'ai d'ailleurs commencé certains sans en parler à personne, je sais, c'est mal !). Mais, il faut que je les recense et que je regroupe les logos ... Cela se fera dans quelques jours !
25 janvier 2010
ZWEIG ET SES MONDES
- Le Monde d'hier - Stefan Zweig - Livre de Poche n°14040
Cher Stefan Zweig,
Me permettez-vous de vous appeler par votre prénom et votre nom, et non par ce terme usuel et impersonnel de Monsieur, parce que je vous connais un peu et vous admire tant. Je sais vos grandes qualités d'écrivain, d'homme, d'humaniste soucieux de votre prochain et de l'avenir d'un monde qui a sombré - peu à peu - dans le chaos, au point de vous engloutir avec lui. Je vous écris cette longue missive parce que j'ai lu avec attention et concentration votre magnifique "Monde d'hier", que j'ai plongé avec délice, bonheur et nostalgie dans une époque et dans une région d'Europe chère à mon cœur.
Avec toujours autant d'humilité, de simplicité et de sensibilité propres à votre écriture, vous nous racontez votre famille. Celle de votre père, viennois et originaire de Moravie dans ce qui fût - avant 1914 - l'empire austro-hongrois. Ce père qui a fait fortune dans l'industrie et le commerce des tissus, sorti des ghettos d'Europe centrale, érudit, cultivé, raffiné et réservé, a toujours refusé les charges honorifiques. "Quoi qu'il fût infiniment supérieur à la plupart de ses collègues par son maintien, ses qualités sociales et sa culture - il jouait excellemment du piano, écrivait avec élégance et clarté, parlait le français et l'anglais -, il se déroba aux distinctions et aux charges honorifiques et, de sa vie, ne sollicita ou n'accepta aucun titre ni aucune dignité, bien qu'en sa qualité de gros industriel on lui en offrît bien souvent. N'avoir jamais rien demandé, n'avait jamais dû dire "s'il vous plait" ou "merci", cette secrète fierté lui était plus chère que tout signe extérieur de distinction". En cela aussi, vous êtes son digne descendant, vous qui avez cultivé l'élégance et la discrétion jusque dans vos œuvres. Par votre mère, vous voilà avec un soupçon de sang italien. Sa famille a essaimé partout dans le monde à la manière des Rothschild ou des Camondo. Comme eux, elle descend d'une lignée de patriciens, de banquiers et ne se sentait aucun lien ni attache avec l'orthodoxie juive. Elle en tirait une sorte de fierté qui, parfois vous amusait, souvent vous exaspérait.
Vous avez été élevé à Vienne, capitale de cet immense empire s'étendant jusqu'aux confins de l'Europe et où il faisait si bon vivre. Vienne, épicentre culturel et intellectuel de votre vie, ville deux fois millénaire, cité du théâtre et de la grande musique accessible à tous, qui a rassemblé en son sein tant d'écrivains, d'artistes, de musiciens prestigieux. Vienne, à la confluence de toutes les nations de son empire,
Quoi que votre enfance ait été belle, vous avez eu du mal à supporter l'austérité d'un enseignement strict et ennuyeux. Le jour où vous avez quitté cet endroit malodorant, sinistre et morne aura été un de vos plus beaux souvenirs. De cette période, vous avez conservé le goût, la passion de la liberté et une haine pour l'autoritarisme et le doctrinaire. Inconsciemment, vous prépariez votre personnalité à ce devenir fait de voyages et d'errance. C'est toujours au lycée que vous vous êtes épris d'art et de culture. Quoi de plus naturel, au vu de votre milieu social et de votre ville d'origine. Très tôt, donc, le théâtre, la littérature, les concerts de musique classique et la poésie empliront votre quotidien, orienteront votre avenir. Vous cachiez les poèmes du jeune Rilke dans les couvertures de vos cahiers de lycéens. Le plaisir du risque était plus fort que tout. "Nous fourrions notre nez partout avec une avide curiosité. Nous nous glissions aux répétitions de la Philharmonique, nous furetions chez les bouquinistes, nous inspections chaque jour les vitrines des libraires afin de savoir aussitôt ce qui avait paru la veille. Et avant tout, nous lisions, nous lisions tout ce qui nous tombait entre les mains. Nous empruntions des livres dans les bibliothèques publiques, nous nous prêtions mutuellement tout ce que nous dénichions. Mais le meilleur endroit pour nous instruire de toutes les nouveautés restait le café".
Vous sentiez un vent nouveau venir. Cette jeunesse pleine d'espoir et talentueuse poussait déjà les anciens vers la sortie, en douceur, en ce début de 20ème Siècle pleins d'aspirations de toutes sortes. Arthur Schnitzler formera le mouvement culturel "Jeune Vienne" avec Hermann Bahr, Richar Beer-Hofmann, Peter Altenberg. Mais celui qui vous fascinait tous était Hugo Von Hofmannsthal, bien plus précoce, bien plus brillant que Rainer Maria Rilke. Cela a donne à votre groupe de lycéens l'envie de vous lancer dans le théâtre, la musique, la littérature. Certains seront même publiés dans des revues d'avant-garde. Pour vous, ce seront deux des plus remarquables, Die Gesellschaft et Die Zukunft. Malgré votre jeune âge, vous avez préféré les joutes intellectuelles aux combats sportifs, les découvertes intellectuelles aux promenades campagnardes des environs de Vienne pourtant si promptes au repos et à l'apaisement, les discussions subtiles aux conversations oiseuses avec des jeunes filles.
Avant le désespoir d'une situation sans issue, vous voilà étudiant à l'université. Vous choisissez la philosophie en humaniste que vous êtes et serez toujours. Les corporations étudiantes se battant en duel et tirant fierté de leurs balafres sur le visage comme autant de marques de virilité vous gênent. Non, ce qui vous passionne, c'est la poésie. Quelle joie lorsque vos premiers poèmes sont publiés et que vous recevez les encouragements de Rilke. Le compositeur Max Riger - l'égal de Richard Strauss - mettra en musique six de vos poèmes. La gloire frappe à votre porte. Vous avez à peine dix-neuf ans. Ce premier recueil sera publié à la Neue Frei Press, dont le rédacteur n'est autre qu'un certain Théodore Herzl. Celui-ci vous exhortera à voyager, à découvrir d'autres horizons, à vous ouvrir à d'autres cultures afin de mieux ressentir les différents mouvements littéraires. Votre premier séjour sera Berlin. Ce court déplacement en Allemagne sera une parenthèse d'intense liberté où vous fréquenterez la bohème berlinoise mêlant aristocrates, bourgeois, prolétaires, homosexuels, morphinomanes, repris de justice, êtres jugés amoraux par votre milieu et dont vous recherchez la présence tout au long de votre existence. Après Berlin, ce sera la Belgique et la rencontre avec celui qui deviendra un de vos intimes, le poète Emile Verhaeren." Ainsi il se tenait en chair et en os devant le jeune homme que j'étais, lui, le poète, tel que je l'avais souhaité, tel que je l'avais rêvé. Et dès cette première heure de contact personnel, ma résolution était prise : servir cet homme et son œuvre". Puis, ce sera Paris, ville qui vous a émerveillé pour son vent de liberté apparente. Vous en aviez sans doute une image édulcorée et romantique, mais qu'importe, elle vous a emballé, emporté, vous l'avez sublimée. C'est toujours à Paris que vous rencontrerez Rilke qui vous avait encouragé à persévérer dans la poésie. Homme discret, Paris ne savait encore rien de son talent. Il était - comme vous - un inconnu dans la capitale et cela vous convenez à tous deux. De votre rencontre avec Rodin, vous aurez appris "[...] la concentration, le rassemblement de toutes les forces, de tous les sens, la faculté abstraite de soi-même, de s'abstraire du monde, qui est le propre de tous les artistes".
En plus de l'art, vous vous lierez avec des hommes politiques brillants de votre époque, particulièrement Walter Rathenau, qui vous a ébloui par son envergure politique et intellectuelle, son dualisme, sa volonté de tout faire, tout tenter pour sauver l'Europe. C'est Rathenau qui vous incitera à visiter l'Inde et les États-Unis afin de mieux comprendre le vieux continent. Petit à petit, ce siècle naissant
Le retour dans l'Autriche de cet entre-deux guerres vous désespérera. Qu'ont-ils fait de votre bel empire, si paisible ? Ils l'ont réduits à néant. Un état minuscule, dépouillé, amoindri moralement et économiquement. Cela vous désolera. Cependant, dans tout négatif, il y a toujours une part de positif. La société autrichienne voudra oublier, rayer, enfouir ces quatre années d'horreur pour vivre, vivre intensément, se dépouiller des oripeaux du passé, de tout ce qui corsetait, enfermait, vrillait la société, bridait l'esprit. L'art allait évoluer vers de nouvelles formes. Plus de liberté, plus d'audace ! On dépoussière les traditions, l'ordre des choses est bouleversé. On bouscule les modes de penser, d'être, de vivre. "Une époque d'extase enthousiaste et de fumisterie confuse, mélange unique d'impatience et de fanatisme. Tout ce qui était extravagant et contrôlable connaissait un âge d'or : la théosophie, l'occultisme, le spiritisme, le somnambulisme, l'anthroposophie, la chiromancie, la graphologie, le yoga indou et la mysticisme paracelsien. On s'arrachait tout ce qui promettait des états d'une intensité dépassant ce qu'on avait connu jusque-là, toute espèce de stupéfiants, la morphine, la cocaïne et l'héroïne ; au théâtre, l'inceste et le parricide, dans la politique, le communisme et le fascisme étaient les seuls thèmes, extrêmes, qu'on accueillît favorablement : en revanche, on proscrivait
Mais très vite, de sombres et inquiétants nuages vont plomber votre ciel serein. D'abord l'Italie mussolinienne avec ses Chemises noires vous angoisseront. Puis, ce sera au tour de l'Allemagne d'être viciée par cette atmosphère délétère et nauséabonde avec la montée du national-socialisme. Cet entre-deux guerres qui verra la firmament de votre reconnaissance partout en Europe quoi que vous publiiez, sera bientôt annihilé par les forces fascistes qui pratiqueront la censure et les autodafés d'auteurs jugés indignes, dégénérés. Par votre religion et votre pacifisme, vous ne serez pas épargné. Ils vous pousseront à l'exil. Ils vous rendront la vie impossible et désespérante au point de préférer une mort digne et consentie à une errance contrainte et humiliante. En vous suicidant le 22 février 1942, vous laisserez un vide difficile à combler dans le monde littéraire qui se sentira désemparé, orphelin, désolé, perdu. Il faudra attendre trois ans pour que le monde vous redécouvre et vous rende votre dignité perdue en faisant de vous l'un des auteurs de langue allemande les plus appréciés et les plus connus de votre génération.
"Le Monde d'hier" de Stefan Zweig est un (re)lecture commune avec Karine:) et Flo.
23 janvier 2010
22 janvier 2010
LE PROCES EN IMPUISSANCE
- Le Congrès - Jean Guy Soumy - Laffont Éditions
Tout a commencé un an auparavant, lorsque son père l'avait renvoyé au pays pour guérir une vilaine blessure à l'aine qui ne se refermait pas. Cette estocade, qui avait failli l'émasculer, va lui permettre de faire la connaissance d'Esther, fille d'un maître lissier influent d'Aubusson et protestante. Esther, son père et son époux fuient le royaume avant qu'il ne soit trop tard pour eux. Ils espèrent trouver un bateau pour l'Angleterre ou la Hollande - pays protecteurs de la religion réformée -, quelque part en Saintonge. Mais la route est longue, difficile et périlleuse, entre loups, brigands et soldats du roi chargés de surveiller la région. Et puis, Guillaume est attiré, aimanté par la personnalité d'Esther et ce qu'elle dégage de sensualité. "Son départ était comme l'arrachement d'un membre. Une perte absolue. J'étais incapable de me résoudre à la savoir jetée sur les routes aussi incertaines seulement protégée par quelques illuminés. L'apitoiement n'est pas dans ma nature et quand bien même l'aurait-il été, ma vie sur les chantiers en aurait fait disparaître toute trace. Mais ce matin-là un cercle m'enserrait la poitrine comme lorsque dans les concours de lutte un homme vous broie à vous étouffer. Soudain, je me décidai".
Sur un coup de tête, Guillaume décide de guider le groupe afin de les aider à arriver sain et sauf au port de La Rochelle pour embarquer vers la liberté. A l'instant du départ, comme un remerciement, une promesse amoureuse, Esther confiera - dans un murmure - sa cadette, Jehane, aux soins de Guillaume. En la rencontrant, chacun sait que leur destin est désormais lié, pour le meilleur et - surtout - pour le pire. Jehane, qui a abjuré la foi protestante pour protéger les bien de sa famille, de ses proches et amis ; Guillaume, qui vit hors de la religion, comme un mécréant. "Jehane en vint à m'interroger sur mes convictions religieuses. Au début, je l'assurai de ma loyauté à la religion catholique. Une fidélité bien tiède à vrai dire puisque je ne fréquentais ni les messes dominicales ni les confessionnaux, au grand courroux des curés, qui, à plusieurs reprises, m'avaient menacé du tribunal. Je tentais de donner l'image inexacte d'un homme plus éloigné des rituels que rebuté par l'idée même de la foi. Puis, au fil de nos conversations, je lui avouai un jour ne croire en rien de divin".
Reste maintenant pour Guillaume à convaincre son père - Joseph - de cette union
"Le Congrès" de Jean Guy Soumy relate une affaire peu banale dans l'histoire en général et dans la littérature en particulier, celle d'un procès en impuissance au cours duquel le mari doit honorer - publiquement - son épouse devant un parterre de religieux, de médecins de toutes sortes, de courtisans de cour et de bavardes matrones afin de prouver ses qualités de reproducteur. C'est l'outrage qui va être imposé à Guillaume Vallade, héritier d'une charge de bâtisseurs, proche du Surintendant et du roi Louis XIV, et à sa femme Jehane, protestante convertie. Comment en sont-ils arrivés devant ce tribunal si particulier, à la limite de la pornographie autorisée dans un royaume devenu si puritain ? Tout simplement pour des questions de prérogatives, de pouvoirs, d'ascendance sur des membres puissants et décisionnaires de cette famille renommée. Lorsque l'influence change de main ou échappe à certaines personnes avides de reconnaissance sociale, celles-ci sont souvent prêtes à tout pour récupérer leur dû. C'est toute l'histoire du "Congrès" de Jean Guy Soumy. Dans ce roman historique, on retrouve cette société du 17ème Siècle flamboyant, celle de la munificence de Louis XIV avec l'édification du château de Versailles, du petit Trianon, des jardins et fontaines, mais aussi siècle de pudibonderie et de rigorisme religieux avec la révocation de l'Édit de Nantes. Dans cet univers où chacun veut briller, parader, se montrer sous son
Un grand merci à BOB et aux éditions Robert Laffont pour cet envoi judicieux et captivant de bout en bout.
D'autres blogs en parlent : Stephie, Pimprenelle, Le blog livres de Paris Normandie avec une interview de l'auteur, Geisha Nellie .... D'autres, peut-être ?! Merci de vous faire connaître par un petit commentaire.
17 janvier 2010
ETRANGERE A SA VIE
- Manhattan - Anne Revah - Arléa éditions - 1er Mille
Cette jeune femme décide de fuir. Fuir son passé, son présent, son histoire personnelle, sa vie, Victor - son mari -, ses enfants, pour faire le point tant qu'il est encore temps. Cette fuite en avant et désespérée, c'est son kit de survie. Elle n'a pas peur. Elle veut juste remettre à plat toutes les choses de sa vie, se débarrassant des scories qui la plombent, se nettoyer de l'intérieur pour retrouver sa sérénité et affronter la fin en paix. Elle ne laisse rien derrière elle, pas de lettre, de justification, d'indices. Libre à chacun de croire, d'imaginer la suite. "Victor ne saurait jamais pourquoi j'avais disparu ; il penserait qu'un amour secret m'avait rendu la vie impossible, qu'un suicide impulsif m'avait arrachée à lui, il ne pourrait pas penser que je les avais quittés. Je laisse Victor avec les souvenirs d'une vie ensemble, je le laisse dans notre vie, je le perds, lui et les enfants, je les pousse loin du temps qui reste. Je sais ce qui viendra, c'est en moi que je porte la suite, les taches blanches sortiront une à une de leur réserve, elles donneront des douleurs, des entraves, je deviendrai une femme infirme avant de vieillir, je finirai par en mourir, mais je ne verrais pas la peur sur les visages, la tristesse sur leurs sourires de façade. Je veux vivre ce qui vient avec soulagement".
Elle a décidé d'écrire une longue lettre. Une seule et unique missive. Pour dire tout
Son existence, cette jeune femme l'a toujours détestée parce qu'elle ne lui avait rien imposé, la laissant faire tout ce qu'elle voulait. Une vie cousue de fil blanc, facile et aisée, bonnes études, beau mariage, bonne situation professionnelle. Mais elle était incapable d'avoir une opinion à elle, d'exister par elle-même, d'oser être elle face aux autres. Elle a vécu sur des apparences, a laissé croire qu'elle savait tout sur tout, maîtrisé tout pour que personne ne vienne gratter la surface et découvrir la sombre réalité. La devanture était lisse, sans aspérité, propre et nette, alors que l'intérieur était un grand vide, froid, ténébreux, sans âme. "J'ai fait de ma vie une vitrine pour compagnon du devoir. Ce n'était pas une vie sans joie, c'était une vie sans vie". Elle qui a toujours refusé l'existence qui lui avait été dictée par les circonstances, ira jusqu'au bout de sa fuite.
"Manhattan" d'Anne Revah est une petite pépite littéraire dans cet univers où les mastodontes écrasent tout sur leur passage, surtout le meilleur ! En quatre-vingt dix pages, cette jeune romancière fait vivre au lecteur une tranche de vie - décisive - de son personnage principal. Cette jeune femme dont on ne saura que peu de choses, atteinte d'un mal incurable et fatal, qui décide de tout plaquer pour retrouver la quiétude et affronter la mort l'âme en paix. Qui n'a jamais pensé faire comme elle ? Prendre le minimum pour se soustraire à une situation angoissante et insurmontable, pesante, insupportable, pour refaire sa vie ailleurs, différemment, se recréer, renaître, se défaire de son ancienne peau pour s'inventer un
Plusieurs blogs en ont parlé, dont le coup de cœur de Jérôme Garcin, Leiloona, Amanda, Yohan du Biblioblog, George Sand et moi, Lily, Sylire, Antigone, Kathel, Canel, Karine et ses livres, Mot à Mots, Laure, Cathulu, Pralineries ... D'autres, peut-être ?! Merci de me le faire savoir par un petit commentaire !
14 janvier 2010
TOUT LE PRIX DE L'AMITIE ET PLUS ENCORE

J'aime ...
1. Lire, lire et lire ... encore et toujours ! Cela vous étonne ?! Moi, pas du tout. Je lis tout le temps, le jour, la nuit au cours de mes insomnies, dans les transports en
2. Flâner dans les librairies ... Regarder, toucher, ranger et remettre en ordre les livres déplacés par des personnes peu soucieuses des ouvrages. Lire les 4ème de couvertures et acheter des œuvres juste pour la beauté de ces mêmes couvertures, sans en connaître le sujet abordé ! Sentir, humer l'odeur des vraies librairies si caractéristique, empreintes de senteurs de l'imprimerie quand on prend bien le temps de respirer et de s'imprégner de l'atmosphère de ces lieux si particuliers. et presque magiques. Je regrette souvent cette absence de fauteuils pour se poser un instant et prendre le temps de feuilleter un livre découvert, lire quelques extraits avant son achat, comme c'est le cas dans certains pays.
3. Visiter les musées, les lieux historiques et culturels ... Une déformation certainement due à mes études et mon éducation ! Dès que j'arrive dans un lieu que je ne connais pas, en France ou à l'étranger, je m'empresse de m'informer sur tout ce qu'il y a à découvrir, à visiter, à voir. Juste pour le plaisir des yeux, des sens.
4. Boire du thé et de la bière ... J'aime les deux, mais pas en même temps ! Tout comme les vrais amateurs de bons vins dégustent, goûtent, hument les parfums, les effluves, les senteurs des tanins qui se dégagent d'une excellente bouteille de grand cru, je fais de même avec le thé et la bière. J'apprécie aussi bien le thé noir, corsé, fumant et odorant, relevé aux épices, aux écorces d'agrumes ou aux fleurs que le thé vert, plus doux, plus délicat, plus léger que l'on peut boire à toute heure du jour ou de la nuit ! Pour la bière, c'est la même chose. J'ai une préférence pour deux bières en particulier, la Pilsen Urquell, tchèque - sans doute la meilleure bière du monde, inégalée dans sa fabrication - et la Guinness, irlandaise. J'en bois de la même façon que pour mon thé, en prenant mon temps, en lisant et en regardant autour de moi, étonnée que le monde aille si vite, alors que le plaisir réside dans l'art de la nonchalance assumée.
5. Faire de la photo et marcher ... Ces deux activités sont complémentaires et indispensables à mon équilibre intérieur. J'ai toujours un appareil photo sur moi. Soit parce que je sais où je vais et que j'y vais pour prendre des photos ; soit parce que - lors d'un déplacement - je me dis que je peux découvrir quelques merveilles et instants subtils à immortaliser, lieux originaux à conserver. Marcher et photographier, pour se reposer, se détendre, se relâcher, se recentrer sur soi et sur
6. Partir à la campagne, au vert ... Que ce soit la Normandie, le Limousin, la Gascogne ou à l'étranger, dès que je le peux, dès que j'ai quelques jours devant moi, je me réfugie à la campagne, au vert, au calme, là où les oiseaux babillent et pépient, où l'on entend l'eau des ruisseaux murmurer, où les champs sont entrecoupés de bocages et de chemins herbeux et caillouteux menant d'un village à l'autre le chemineau curieux. C'est là que l'on peut me rencontrer, au détour d'un chemin de campagne, écoutant le temps qui passe, lisant ou photographiant.
7. Barnabé, mon chien ... Mon basset fauve de Bretagne, avec ses poils roux et bouclés sur ses pattes en canard, ses grandes oreilles tombantes et son regard toujours étonné de tout, sa queue longue et raide qui fouette l'air pour faire la fête aux personnes qu'il aime, son aboiement en flûte et ses jappements de meute lorsqu'il flaire un chat ou un lapin (il les confond !), sa joie lorsqu'il comprend qu'il va partir en promenade et courir dans les bois et les champs.
J'aurais pu rajouter tout un tas d'autres choses que j'aime, particulièrement vos blogs de lecture que je lis dès que j'ai un moment, même si je ne mets pas toujours de commentaire. Vous m'apportez tous et toutes tellement de joie et de bonheur que je vous inclus d'office dans ce prix de l'amitié.
Enfin, Sybilline a eu l'extrême bonté de me décerner le Prix de l'amitié sincère. Je la remercie infiniment pour avoir pensé à moi. Je dois, à mon tour, remettre ce prix à sept blogs. C'est un vrai calvaire, mais il faut faire un choix : Bouh, In Cold Blog, Le Kikimundo, Lounima, Mango, Émilie, Michel ... Beaucoup de blogueurs et blogueuses ont reçu ce prix. Si certains sont oubliés, sachez que je vous apprécie tous et toutes quand même pour votre présence - même passagère - sur ce modeste blog de lecture.
11 janvier 2010
SCHIZOPHRENIA
- Thérapie - Sebastian Fitzek - Livre de Poche Éditions n°31584
Quatre ans que le docteur Larenz tente vainement de répondre à cette question, la tournant et la retournant dans tous les sens, en faisant une obsession au point de ne plus penser qu'à cela. Celle-ci devenait sa raison d'être, de vivre, d'exister. Désormais, plus rien ne serait comme avant tant que la réponse à cette disparition n'apparaîtrait pas, telle une apparition dans le désert. "Il n'avait plus aucun souvenir de ce qui s'était passé juste après le choc. Il ignorait à qui il avait parlé et où il était allé, pendant que sa famille sombrait dans le chaos. Isabel avait été la plus courageuse. C'était elle qui avait fouillé le placard de Josy à la demande de la police, pour savoir ce qu'elle portait ce jour-là. C'était elle qui avait décollé une photo de l'album familial, afin que l'on pût mettre le portrait de la petite sur les avis de recherche. Et c'était elle, enfin, qui avait informé le reste de la famille, pendant que lui errait sans but à travers les rues de Berlin. [...] Trois mois plus tard, alors qu'elle avait déjà repris son activité de consultante, Viktor avait vendu son cabinet. Et il ne s'était plus occupé du moindre patient depuis".
En partant s'exiler sur l'île de Parkum, dans la mer Baltique, le docteur Larenz espère remettre de l'ordre dans ses pensées, se recentrer, retrouver le moral, y voir plus clair dans cette affaire confuse et trouble. Mal lui en prendra ! Se croyant seul avec les habitants sur cette île du bout du monde, arrive une inconnue pour le
Si vous aimez les livres qui font trembler de peur tout en titillant votre intérêt ; si vous avez envie de lire un thriller à vous couper le souffle, à vous maintenir les yeux ouverts toute la nuit (ou presque) telle une chouette effraie ; enfin, si vous aimez vous torturer les méninges à essayer de vous y retrouver dans les méandres de l'âme humaine torturée, alors "Thérapie" de Sebastian Fitzek est le roman qu'il vous faut ! En un peu plus de trois cents pages, vous avez là ce qu'il faut pour passer un moment tout à la fois excitant et terrifiant. Parce que "Thérapie" est un cauchemar éveillé, même pour le lecteur avide de sensations fortes. Imaginez un père recherchant illusoirement sa petite fille volatilisée, évaporée dans la nature, sans un indice, atteinte d'un mal soi-disant inconnu de la médecin moderne ; cet homme, brillant et reconnu professionnellement, qui perd pied, lutte, se bat et se débat pour rester à flot malgré le malheur qui s'est abattu sur lui, le faisant souffrir physiquement et moralement, quand débarque de nulle part cette jeune femme lui racontant sa pathologie, ses troubles schizophréniques ressemblant à s'y méprendre à l'histoire de Joséphine Larenz. Tout au long de "Thérapie", une question lancinante revient en mémoire : Qui est le fou dans cette histoire ?. Qui est atteint de troubles hallucinatoires. Le psychiatre qui refuse la disparition de sa fille, Anna Spiegel qui semble être évanescente, Isabel Larenz qui vit comme avant.
Un grand merci à Livraddict pour cet envoi et cette découverte d'un auteur de grand talent.
Les blogs qui en parlent : Claude Le Nocher, Ys, Bene, Virginie, Canel, Myarosa, Cacahuète, Jess, Laure, Deliregirl ... D'autres, peut-être ?! Merci de vous faire connaître par un commentaire que je vous ajoute à la liste.
9 janvier 2010
A UNE FEMME VENEREE ...
- Lettres à sa mère - Antoine de Saint Exupéry - Folio n°2927
Il est des moments en littérature comme dans la vie, que l'on désire à tout prix partager. Je veux parler de ces instants de bonheur pur, vrai et éblouissant qui vous font aimer la vie et les livres. "Lettres à sa mère" d'Antoine de Saint Exupéry en fait désormais partie. L'instant de sa lecture a été un délice. Celui de sa séparation, un moment de tristesse. Il me fallait le laisser rejoindre sa place dans la bibliothèque, à l'ombre d'autres livres appréciés. Cette appréhension était apaisée par le fait d'en parler et de prolonger cette relation. Comme beaucoup, je vous un culte secret au "Petit prince", depuis mon enfance. Culte qui ne s'est jamais démenti depuis. Et qui restera en l'état jusqu'au bout. J'ai lu, à l'adolescence, la plupart des livres de Saint Exupéry. Tous m'ont fait rêver, voyager, aimer l'inconnu et ses trésors. J'ai aimé son écriture, empreinte de délicatesse et de générosité. J'ai apprécié sa tolérance envers les autres et le regard qu'il posait sur toutes choses et sur chaque être.
En lisant "Lettres à sa mère" qui est un recueil de la correspondance de Saint Exupéry avec sa mère couvrant la période 1910 - 1944, j'ai appris beaucoup, énormément sur l'homme, sur l'auteur, sur l'humaniste qu'il était. Antoine de Saint Exupéry était très lié à sa mère, Marie, par une affection et une tendresse de chaque instant. "Je suis ravi, enchanté, aux anges et si je vous avais près de moi je serai au troisième ciel. Écrivez-moi bien souvent, vos lettres sont un peu de vous". En enfant, puis en adulte prévenant, il s'inquiétera toujours de la santé de cette mère adorée. Au travers de ses écrits, on le ressent comme un jeune homme doux, quelque peu mélancolique et angoissé par les événements de l'existence. Son enfance, heureuse et douce, revient au long de ses lettres, comme un îlot protégé par les ravages qu'ils ont traversé en commun. "Et je rêve aussi beaucoup à vous et me souviens d'un tas de choses de vous quand j'étais gosse. Et cela me navre le cœur de vous avoir si souvent fait de la peine. Je vous trouve si exquise, si vous saviez, maman, et la plus subtile des "mamans" que je connaisse. Et vous méritez tant d'être heureuse [...]".
On apprend ainsi qu'Antoine de Saint Exupéry joue du violon et compose des morceaux, qu'il écrit des vers, prend des cours de dessin. Tout ce qu'il créé, invente, écrit et décide est partagé avec sa mère. Une femme intelligente, cultivée et artiste, hors du commun, qui a surmonté tant de chagrins, tant de souffrances et de difficultés. Ces drames de l'existence, vécus ensemble, leur ont donné une intimité proche de la relation fusionnelle, qui les unit au-delà de la mort même. Sa position de chef de famille a contribué à faire de Saint Exupéry un homme responsable dès son plus jeune âge. Cette surprotection qu'il prodigue à sa mère et à ses sœurs, sera la même pour ses équipes de pilotes, plus tard. "Et quand mes avions partent, c'est comme mes poussins. Et je suis inquiet jusqu'à ce que la TSF m'ait annoncé leur passage à l'escale suivante - à 1 000 kilomètres de là. Et je suis prêt à partir à la recherche des égarés".
Au final, on (re)découvre un auteur d'une grande profondeur d'âme, soucieux et presque torturé par l'avenir d'un monde qui se délitait petit à petit et le devenir des siens. Lui qui savait si bien qu'il ne pouvait rien contre la marche inexorable de l'histoire, aurait tant voulu rendre la vie belle et lumineuse à ceux qu'il aimait. "Pourquoi faut-il que tout ce que j'aime sur terre soit menacé ? Ce qui m'effraie bien plus que la guerre, c'est le monde de demain [...]. La mort, ça m'est égal, mais je n'aime pas que l'on touche à la communauté spirituelle. Je nous voudrais tous réunis autour d'une table blanche".
* Billet précédemment publié sur mon ancien blog et relu dans le cadre du défi de Marie L.
5 janvier 2010
LE LIED DE LA VIE
- La chorale des maîtres bouchers - Louise Erdrich - Livre de Poche n°30809
C'est le hasard - ou la fatalité - et le manque d'argent pour aller jusqu'à Seattle qui l'amèneront à s'établir à Argus dans le Dakota du Nord. "Le bourg d'Argus était la création du chemin de fer, et le chemin de fer n'avait aucun droit d'être là. Pourtant, une fois la rivière franchie, impossible de l'empêcher de poursuivre sa route dans le néant". Grâce à la qualité de son travail, à la saveur unique de ses saucisses et aux économies durement gagnées, Fidelis avait pu s'établir à son compte et acheter une petite ferme pour abriter son bonheur composé d'Eva et du petit Franz. Ils avaient fait de leur habitation un havre de paix, de sérénité, de douceur. Fidelis était un homme ordonné, méticuleux, rigoureux, qui ne laissait rien au hasard, ne faisait rien sans réfléchir. De tout cela, il en tirait une grande force morale sur laquelle Eva pouvait se reposer. Mais à Argus, malgré la vie qui s'écoule comme une rivière paisible, la chorale de Ludwigsruhe manquait terriblement à Fidelis. Il décidera d'en créer une de toutes pièces avec certaines bonnes volontés du village. "Leurs voix montaient, seules, puis, dès le second refrain, se mêlaient dans la nuit en un chœur fervent. Sur les mélodies plus familières, ils chantaient instinctivement en harmonie. Le shérif Hock avait une voix de tête déchirante. La baryton de Zumbrugge avait la profondeur d'un violoncelle et une âme inattendue, chez l'auteur de tant de saisies impitoyables. Tant qu'il avait un verre de schnaps à la main, Roy Watzka pouvait chanter toutes les parties avec la même conviction [...]". Même son rival professionnel et ancien employeur dans la bourgade d'Argus, Pete Kozka, amateur de chant se réconciliera avec Fidelis Waldvogel pour joindre sa voix à celle de la chorale d'Argus. Roy Watzka, l'ivrogne notoire du bourg, se découvrira un organe vocal ignorait jusque-là !
Delphine Watzka, contorsionniste occasionnelle dans des cirques minables du comté et revenue à Argus pour renouer avec son enfance et son débauché de père se prendra immédiatement d'amitié pour Eva. Elle deviendra vendeuse à la boucherie et femme à tout faire auprès de la famille Waldvogel. Delphine qui verra défiler dans cette boucherie toute la population d'Argus, des plus nantis au plus démunis. "Car le magasin et les animaux morts nourrissaient une gamme compliquée d'êtres - du banquier, dont le steak cuit à la perfection était déposé devant lui
Que dire de plus sur la "Chorale des maîtres bouchers", sinon que ce roman est un pur joyau de la littérature amérindienne. Il y a tous les ingrédients dans cette œuvre magistrale pour en faire un très grand livre, un classique qui restera dans les annales, au même titre que les livres de Toni Morrison, Faulkner ou encore Steinbeck. "La Chorale des maîtres bouchers", ou l'histoire des États-Unis analysée au microscope par une romancière qui nous ciselle - tel un orfèvre - le quotidien de Fidelis Waldvogel, de sa famille, des principaux habitants d'Argus des années 1920 aux années 1950. Et ce que l'on peut dire de ces personnes-là, c'est qu'ils sont pour le moins curieux, singuliers, originaux. A commencer par le pivot de cette fresque - Delphine Watzka - originaire de la lointaine Pologne, fille d'un ivrogne qui n'a plus désaoulé depuis la disparition de sa femme adorée, qui rêvait de faire du théâtre, et avait servi de table humaine à Cyprian Lazarre, son drôle de compagnon - mi-indien, mi-français -, et équilibriste hors pair. Cyprian, qui vivait de bric et de broc, de trafic d'alcools dû à la Prohibition, et qui était plus attiré par les hommes que par les femmes, malgré ses sentiments pour Delphine. Il mettait cette attirance sur le compte de son traumatisme dans les tranchées en 1917. Ou encore Clarisse, amie d'enfance de Delphine, aussi belle qu'intelligente, et qui a décidé de reprendre la société de Pompes Funèbres de son oncle Stub. Elle allait ainsi devenir la meilleure embaumeuse de cadavres de la région. Dans ce monde étrange, à l'écart des turbulences de l'histoire et du reste de la société - telle une communauté indienne vivant dans sa réserve, à l'abri de tout - on trouve aussi la mystérieuse Un-Pas-Et-Demi qui arpente continuellement la campagne pour récupérer tout ce qui est jeté, inutilisé et le
Tous les avis sur BOB ... Et un grand merci à Suzanne du site "Chez les Filles" pour cet envoi merveilleux, dont la lecture était prévue de longue date et qui a précipité ma décision !
2 janvier 2010
LE RETOUR A LA VIE
Le 27 janvier 1945, le camp de Buna-Monowitz est libéré par quatre soldats russes, arrivés là par hasard sur leurs chevaux. Pour Primo Levi et ses camarades, laissés sur place par leurs tortionnaires plus pressés de fuir l'avance de l'Armée Rouge que de suivre les ordres au pied de la lettre, ce 27 janvier est un jour comme les autres. On traîne les morts jusqu'à la fosse commune pour libérer de la place à l'infirmerie du camp, on tente de survivre avec rien, on attend. Quoi ? La fin de l'horreur ou le début cauchemardesque de la culpabilité du survivant ? En attendant, les rescapés vont être pris en charge par de robustes infirmières de l'Armée soviétique, dont le premier geste sera une bonne - et non moins réelle - douche tiède pour tous. C'est à cette occasion que Primo Levi apprendra ses premiers mots russes : "Po malu, po malu !" ("Doucement, doucement !").
Lavé, rasé pour une ultime fois, habillé de frais, il sera séparé de ses amis français en meilleure forme que lui, pour être renvoyé à l'infirmerie, dans un autre "Service des contagieux". Bien que très différente de celle du temps de ses bourreaux, Primo Levi retrouvera dans ces lieux les mêmes êtres décharnés qu'auparavant, mais aussi les autres, les anciens privilégiés, transformés, changés, métamorphosés, et continuant néanmoins leur sombre besogne pour plaire aux soldats russes, indifférents et lassés des combats, parce que vainqueurs. A peine sorti de l'infirmerie, Primo Levi sera expédié dans un autre camp sur une charrette réquisitionnée par les militaires russes. "Entraîné moi aussi dans ce tourbillon, par une nuit glaciale, après une abondante chute de neige, je me trouvai, bien avant l'aube, chargé sur une charrette militaire, en même temps qu'une dizaine de compagnons que je ne connaissais pas. Le froid était intense ; le ciel, criblé d'étoiles s'éclairait du côté du levant et promettait une de ces admirables aurore de plaine auxquelles, au temps de notre esclavage, nous assistions interminablement, sur la place d'appel du camp. Notre guide et escorte était un soldat russe. Il était assis sur le siège et chantait aux étoiles, à gorge déployée, s'adressant de temps en temps aux chevaux, à la façon russe, étrangement affectueuse, avec des inflexions gentilles et de longues phrases modulées. Nous l'avions interrogé sur notre lieu de destination, bien entendu, mais sans en tirer rien de compréhensible, sauf que, d'après son souffle rythmé et le mouvement de ses coudes, repliés comme des pistons, sa tâche devait se borner à nous amener à une voie de chemin de fer".
Au milieu de cette plèbe contenant presque toute une humanité étique et étonnée d'avoir survécu au pire, il rencontrera un grec - Mordo Nahum - qui traînait avec lui un drôle de sac aussi haut que lourd, lui donnant un aspect plutôt insolite. Arrivé à Cracovie en compagnie de son nouvel ami grec - et première étape d'une longue errance pour Primo Levi -, après avoir ripaillé avec des prisonniers italiens,
Pour tous ceux et celles qui ont lu "Si c'est un homme" de Primo Levi et qui auraient peur de poursuivre avec "La Trêve", je tiens à vous rassurer immédiatement, ils sont antithétiques. Cela peut vous paraître étrange, mais "La Trêve" raconte le retour à la vie, à la normalité, au quotidien de cette poignée d'hommes et de femmes miraculeusement rescapés d'un enfer dont on a parfois du mal à comprendre le déferlement de haine et de violence dans lequel ils évoluaient. En relatant l'après, Primo Levi a aussi pris du recul par rapport à l'événement et à son expérience personnelle dans "Si c'est un homme" - écrit dans l'instant ou presque -, à tout le moins dans la tourmente de cette déportation et la découverte de la vie concentrationnaire. Dans "La Trêve", tous sont sortis d'un même cauchemar et les choses - d'un coup - reprennent leur place naturelle. Les anciens favorisé de Buna-Monowitz tentent de conserver leurs précédentes fonctions et avantages avec leurs nouveaux maîtres, ou essaient de se faire oublier par les autres déportés. Les autres veulent rentrer chez le plus rapidement possible et par tous les moyens, enterrer l'horreur dans l'abîme de ses souvenirs, laisser le camp et les coups, la faim, le froid et la peur des sélections derrière soi. Bref, encore le chaos, à la différence près que cela est sur un mode plus léger, plus déluré, où chacun à sa part de chance avec le destin, parce que sur tous souffle un vent de liberté tant attendue, tant méritée. Au cours de cette "Trêve" pittoresque et picaresque, Primo Levi croisera deux vendeurs, hâbleurs, voleurs hors du commun qui l'aideront à se débrouiller avec les moyens du bord, Mordo Nahum - juif grec de Salonique, taciturne et mutique - et Cesare, juif romain parlant un italien incompréhensible, mâtiné d'hébreu et d'argot du quartier populaire de San Lorenzo, que tout le monde comprenait grâce à ses gestes et ses mimiques. Dans cette humanité hébétée et ébahie d'être encore en vie, Primo Levi découvrira des soldats russe aussi jeunes que désinvoltes, une armée de vainqueurs indifférente à tout et vivant du trafic avec la population locale ou les rescapés pour améliorer son ordinaire, où tout un chacun surnage dans une joyeuse pagaille. Il côtoiera des voleurs ratés et des vrais arnaqueurs qui reprendront leurs anciennes activités en quête de bonnes affaires à réaliser, de vrais héros et des paysans mâdrés. Dans "La
Les avis concernant "Si c'est un homme" (déjà lu, dans le cadre du Blog o Trésor), se trouvent chez Sylire et Lisa.