- Le Roi-Soleil se lève aussi - Philippe Beaussant - Folio n°3635
Le lever du Roi-Soleil tous les matins de son existence est - à lui seul - un vrai cérémonial. Tout le monde s'y présente, s'y précipite, pour voir, pour savoir, pour apprendre et commenter, pour raconter et médire. Paradoxalement, la première personne à pénétrer dans la chambre royale - vraie place publique s'il en est -, est sa nourrice, Pierrette Du Four, bien avant la cohorte de valets, médecins, nobles, courtisans et autres parasites. Elle seule disposait du privilège de voir Louis XIV au sortir de son royal sommeil. Avant même la reine mère, Anne d'Autriche. "L'autre, la donneuse de sein, n'était ni noble, ni bas-bleu, ni précieuse, elle ne chantait pas d'airs de cour. Or, c'est celle-ci, et non l'autre, qui était au pied du lit du roi et "venait la baiser", alors que la première n'avait même pas accès à la chambre, pour le Lever". Au "Petit Lever", consistant à ouvrir les rideaux entourant le lit royal, à poser la petite perruque sur l'auguste crâne, et à vêtir le roi de ses bas, haut-de-chausses et robe de chambre, succède le "Grand Lever". Dans un protocole minuté, orchestré par l'Huissier et le Premier Gentilhomme, entre la foule des secrétaires d'État, princes de sang, aristocrates de haute ligne, ambassadeurs, chroniqueurs. C'est un véritable ballet auquel Louis XIV doit se plier chaque jour que Dieu fait. Molière, esprit indépendant, toujours prompt à se moquer des Grands qui étouffaient plus qu'ils n'entouraient le roi, faisait partie de cette cohorte matinale. "[...] il avait le privilège de faire partie des Secondes Entrées, et d'être présent au Lever, non en figurant, mais en acteur, puisque c'est lui qui faisait le lit du roi. Car ce privilège - c'en était un - de tirer et de lisser le royale couverture revenait au Valet de chambre-tapissier, et Molière l'était. [...] Outre le fait que ce titre lui permettait d'être "gracieusé en tout occasion" par Louis XIV, Molière, selon toute apparence, en était fier. La Grange, son fidèle bras droit, le souligne dans la
Cette intime connivence avec Louis XIV permettra à Molière d'écrire et de réaliser ses pièces les plus savoureuses autour de la vie de cour, des intrigues et incompétences des conseillers politiques et militaires qui réjouiront le roi et feront la joie du public. Molière ne sera pas le seul artiste à connaître cette proximité avec le Roi-Soleil. Marin Marais, le virtuose de la viole et Michel-Richard Delalande, surintendant de la chapelle de Versailles feront partie de la vie artistique de Louis XIV.
"Le Roi-Soleil se lève aussi" de Philippe Beaussant est une page d'histoire sur le quotidien de Louis XIV et l'empreinte laissée dans la France du 17e Siècle. Dès les premières pages de cet essai, on comprend que la vie du jeune roi ne sera que charges, rituels, coutumes, contraintes. Vie très éloignée de l'idée que l'on pourrait s'en faire. Entouré d'un aréopage de personnages - nobles, valets, artistes, ministres et autres flatteurs -, pas toujours bienveillants, sa vie n'aura de privée que le nom. Rien ne sera intime, préservé, personnel au nom de la royauté. Qu'il décide de porter perruque flamboyante, bouclée, tombant en cascade crantée jusqu'à sa poitrine pour cacher une calvitie précoce et c'est tous les pairs de France et de l'Europe qu'il influence. Racine, Louvois, Vauban, le roi d'Espagne, Bach, jusqu'à Frédéric II l'imiteront. Les Anglais la portent encore pour rendre la justice dans leurs tribunaux ! Tout ce qu'il fait, tout ce qu'il dit voire même pense appartient au domaine public, à la royauté. Les courtisans et ses détracteurs s'en emparent ; l'histoire le grave dans le marbre pour la postérité. Durant ses besoins naturels, Louis XIV traite des affaires du pays avec ses ministres. De là, la création du fameux Cabinet ministériel parvenu jusqu'à nous. Par la beauté lyrique et stylistique de Philippe Beaussant se dresse un autre portrait, différent, du Roi-Soleil, le munificent, l'absolu, celui d'un homme qui a toujours su le poids de sa charge devant Dieu et les hommes. Roi timide jusqu'à l'excès, au point d'être embarrassé de prendre la parole en public, il théâtralisait sa vie en participant à des ballets qu'il avait écrits lui-même. En Louis XIV se joue deux personnages, en totale contradiction. D'un côté, le monarque autocratique qui règnera de main de maître sur le royaume de France, particulièrement après la disparition de Mazarin, et le fera rayonner par
D'autres blogs en parlent : Pascal, Lisa, La souris des archives, Yueyin (qui m'a donné envie de le lire), Blue Grey, Cuné, Quinquabelle ... D'autres peut-être ?! Merci de m'en faire part dans un commentaire que je vous ajoute à la suite.