28 mai 2011

COURAGE ET SOLITUDE

  • Nina Schenk von Stauffenberg – Un portrait – Konstanze vons Schulthess – Éditions des Syrtes


« Celui qui ose faire quelque chose doit être conscient que c'est bien en tant que traître qu'il entrera dans l'histoire allemande. Cependant, s'il s'abstient d'agir, il serait alors un traître face à sa propre conscience ». C'est en ces termes que le comte Claus Schenk von Stauffenberg parle des hommes du 20 juillet 1944.

Peu le savent, mais Hitler n'avait pas que des collaborateurs zélés et fanatiques de sa politique de la Terre brûlée. Certains ont résisté. De l'intérieur. Pas évident quand on était Allemand de se battre contre les siens, sa famille parfois, au cœur même de son pays. Encore moins lorsque l'on portait l'uniforme de la Wehrmacht, que l'on était officier d’État-major et issue d'une très vieille lignée d'aristocrates. Surtout, tous savaient les conséquences immédiates non seulement pour les conspirateurs, mais pour la famille au sens large. A l'époque, cela se nommait la sippenhaft. Malgré cela, sachant les risques pris pour sa vie et celle de ses enfants, Nina Schenk von Stauffenberg va soutenir son mari – dès le début – dans cette entreprise utopique et insensée. « Elle savait, en tout cas à ce moment-là, que ce qui motivait mon père au premier chef n'était pas la perspective de réussir un coup d’État, mais que l'attentat avait pour lui une valeur hautement symbolique. Il considérait que c'était son devoir moral de montrer du courage civil, peu importe que l'attentat réussisse ou non. Il s'agissait de prouver au monde qu'il existait une résistance contre Hitler, telles étaient sa conviction et celle de ses compagnons de lutte. Cette attitude transparaît aussi dans un communique que l'un des conspirateurs, le général de division Henning von Treschow, fit parvenir à mon père avant juillet 1944 : « L'attentat doit réussir … S'il devait échouer, il faut quand même agir à Berlin. Car ce n'est plus notre objectif pratique qui importe, mais le fait que le mouvement de résistance allemande ait osé ce coup décisif devant le monde et devant l'Histoire. Tout le reste est indifférent ».

Son époux arrêté et fusillé parce que jugé traître à sa patrie, Nina von Stauffenberg va vivre le pire : les geôles de la Gestapo, le camp de Ravensbrück, la solitude, la peur, la séparation d'avec ses quatre jeunes enfants. Pour tenter de conjurer ses craintes, de dépasser ses angoisses, par goût pour la vie aussi, Nina von Stauffenberg va s'organiser psychiquement, se maintenir mentalement en vie, pour son défunt mari, pour sa famille. Pour retrouver ses enfants, surtout. Jamais elle ne faillira. Jamais elle ne lâchera prise. Avec une opiniâtreté absolue, une pugnacité infinie, et la foi de s'en sortir chevillée au corps, elle s'astreindra à des activités faisant diversion. Son éducation, sa culture littéraire et musicale lui serviront d'exutoire. « L'extinction des feux avait lieu à neuf heures, et ma mère risquait de sombrer complètement dans le néant. Elle avait toujours été une couche-tard et il n'y avait pas moyen pour elle de s'endormir de bonne heure. Elle eut finalement l'idée d'organiser pour elle toute seule des soirées musicales et littéraires imaginaires. Pour les concerts, elle faisait jouer dans sa tête les pièces pour piano, et des arias entières de symphonies. Pour les soirées littéraires, elle se récitait des poèmes, par exemple « La cloche » de Schiller ou des passages des pièces de Shakespeare. Toute sa culture artistique lui servait à fuir intérieurement sa situation oppressante ».

Ce qui lui a permis de tenir face à la violence de la répression, c'est indéniablement son indépendance d'esprit. Mariée très jeune, élevée dans un milieu où les valeurs morales étaient élevées, où le respect des traditions était intact, où chaque événement de l'existence était régi par un code établi, formalisé, Nina Schenk von Stauffenberg n'en demeure pas moins une femme affirmée, énergique, moderne – voire anticonformiste – pour l'époque. Avant d'être la mère de ses enfants, elle voulait être la femme, la partenaire, l'amante de son mari. C'est cette assurance naturelle, cette stabilité intellectuelle et cette sérénité intérieure qui permettront à Nina von Stauffenberg de se tenir aux côtés des conjurés du 20 juillet 1944, dont son mari, de les encourager par sa présence et de ne pas déchoir en gardant toujours le silence. « Il fallait que leur relation soit forte pour que ma mère arrive à ne pas montrer sa peur constante et le renforce continuellement dans ses convictions. Au début, oui, elle avait douté, mais elle se rangea vite de son côté : « Je ne voulais pas être un fil à la patte » dit-elle plus tard. Elle voulait rester dos à dos avec son mari pour le soutenir. « Dos à dos ? » Et non pas côte à côte ? J'ai beaucoup réfléchi à cette formulation. L'image qui s'impose à mes yeux quand j'essaie d'imaginer deux personnes dos à dos est celle d'une confiance absolue, mais elle a aussi quelque chose de défensif ».

En rédigeant la biographie de Nina Schenk von Stauffenber, Konstanze von Schulthess rend, avant tout, un vibrant et pudique hommage à sa mère, à la force de caractère qu'elle a déployée pour aider son mari dans son attentat contre Hitler, et dans sa détermination à survivre au pire pour ses enfants. « Nina schenk von Stauffenberg – Un portrait » où l'histoire d'une jeune femme de la noblesse allemande, pétrie de convenances et de bonnes manières, qui va se retrouver au cœur du complot du 20 juillet 1944 qui aurait dû modifier – en cas de succès – l'ordre des choses. Car à travers cette hagiographie, constituée de lettres, de témoignages familiaux et d'entretiens, se dévoile un pan de la grande histoire de la 2ème Guerre mondiale encore peu et mal connue : la résistance allemande au sein même du régime national-socialiste et de l'armée allemande.

Konstanze von Schulthess nous parle avec émotion de cette mère tant aimée, mais aussi de son père qu'elle n'a pas connu, étant née en janvier 1945. Certes idéalisé, icône d'une petite fille qui a chéri et respecter son père au travers des récits de sa mère, Konstanze von Schulthess revient sur l'engagement de Claus Graf von Stauffenberg dans la résistance allemande, dès 1938. Elle bat en brèche une idée longtemps répandue par les historiens sur l'ambigüité concernant le combat de son père. Certes, comme la majorité de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie allemandes, il a soutenu l'arrivée des nationaux-socialistes au pouvoir en 1933. Toutefois, celui-ci prend rapidement conscience des aspects monstrueux, barbares et primaires que revêt cette politique à l'égard de certaines catégories sociales. Son appartenance au Cercle de Kreisau, constitué d'opposants au régime nazi et animé par le comte Helmut James von Moltke le confirme dans sa décision d'en finir avec Hitler et sa clique. Dès 1941, l'ensemble des membres du Cercle de Kreisau avait décidé de l'élimination physique d'Hitler. Nina Schenk von Stauffenberg aura connaissance, dès cette période, des intentions fortes du groupe. Des risques aussi. Au lieu de l'en dissuader, elle soutiendra son mari jusqu'au bout, et au-delà même, entretenant ses convictions et sa mémoire.

« Nina Schenk von Stauffenberg – Un portrait » est un ouvrage très sobre, très digne, exempt de fioriture qui présente l'existence d'une femme qui a vécu son destin dans la solitude et l'abnégation. Ce portrait est un apport supplémentaire dans la reconnaissance de ces femmes qui ont lutté dans l'ombre de l'Histoire. Que son auteur en soit remerciée.

Je tiens à remercier l'équipe de Babelio et les éditions des Syrtes pour m'avoir fait découvrir Nina von Stauffenberg.

241 - 1 = 240 livres dans ma PAL ...


21 mai 2011

PAUSE ... EN PHOTOS !

Un léger manque de temps dans la rédaction de mes billets. Une envie de prendre le temps de lire, de vous lire et de laisser des commentaires ici et là. Je fais une toute petite pause de quelques jours. Juste pour prendre un peu de recul sur tout.

Je vous laisse en compagnie de quelques petites photos d'émaux aux belles couleurs du ciel, bleu, de Limoges et de vitraux lumineux de la gare.













17 mai 2011

KAZANSKAÏA OU LA VIERGE A L’ENFANT

  • Le royaume des Voleurs – William Ryan – Les deux Terres Éditions



« La majeure partie du travail politique incombait au NKVD, la police secrète, même si, qui vous viviez dans un État prolétarien, tout ou presque était politique, d'une certaine façon. Aux yeux de certains, tout crime représentait une attaque contre le système socialiste ; néanmoins, la distinction entre crime traditionnels et crimes politiques demeurait, pour le moment du moins. Évidemment, les miliciens en uniformes aidaient le NKVD à résoudre des affaires politique (l'Armée rouge elle-même donnait un coup de main de temps en temps), mais en général, Korolev et les autres inspecteurs étaient libres de faire ce qu'ils faisaient le mieux : traquer et arrêter les auteurs de crimes graves qui n'entraient pas dans le domaine politique ».

En revenant de son rendez-vous avec le colonel Grégorine du NKVD, le capitaine Alexis Dmitrievitch Korolev du service des enquêtes criminelles de la milice de Moscou se demande pour combien de temps encore son service restera indépendant. Il faut dire qu'à Moscou en 1936, les choses changent, bougent et les hommes passent au gré des dénonciations plus ou moins fantaisistes. Et le Parti a tout fait pour ériger la diffamation au rang de sport national. Les camarades citoyens s'en donnent à cœur joie, en accusant à tour de bras sur des détails sans intérêt, pour obtenir le moindre avantage sur les autres. Une vraie surenchère de la délation ! La crainte du capitaine Korolev est de devoir travailler pour le NKVD, la redoutable et crainte police politique du système, dont personne n'ose même prononcer les quatre lettres de peur de se retrouver à la Loubianka – le quartier général – à devoir rendre des comptes. En attendant d'être très certainement absorbé par le NKVD et détesté par l'ensemble des citoyens soviétiques, Korolev continue son travail. Sa spécialité : les enquêtes criminelles délicates. Et pour celle de la rue Ravine, il va être servi. « Avant même d'entrapercevoir la fille assassinée, Korolev devina qu'une chose horrible lui était arrivée. Il le sentait. Malgré toutes ses années passées dans l'armée, ou peut-être à cause d'elles, il détestait l'odeur du sang. Il n'aimait pas sa vision non plus, or le sol de marbre blanc en était couvert. Les visages sereins des saints qui encerclaient la pièce regardaient au loin, comme s'ils voulaient se convaincre que cette scène effroyable, à leurs pieds, s'était produite ailleurs. Et il ne pouvait pas leur en vouloir. Il n'y avait pas que le sang : la pauvre fille allongée sur l'autel avait souffert. Il ravala un flot de bile et sentit ses ongles s'enfoncer dans ses paumes. Il accueillit la douleur avec soulagement. Le corps avait été affreusement mutilé. Korolev devait faire un effort pour contrôler son estomac ; la salive était acide et salée dans sa bouche. Il se rassura en se disant que s'il pouvait tenir encore dix secondes, ça irait : la première minute était toujours la plus difficile. Il avança d'un pas supplémentaire et la toisa ; elle avait dû être jolie quand la vie colorait sa peau. Seul le diable en personne pouvait être l'auteur d'une telle atrocité ».

Les seuls indices probants : les dents d'une blancheur exceptionnelle et la qualité des vêtements que l'on ne trouvait pas encore en URSS, surtout en 1936 avec le plan quinquennal qui s'engageait plutôt mal. Tout laisse à penser que la victime est certainement une étrangère. C'est léger pour un début d'instruction. C'est infime et c'est déjà trop, car voilà que les tchékistes vont reprendre l'affaire à leur compte. Qu'est-ce qui peut bien intéresser la Tcheka dans un crime aussi sordide, probablement perpétré par un tueur psychopathe ? Pour Korolev, il n'y a rien dans cette histoire qui soit du ressort de la police politique. Hormis la nationalité de la victime, Américaine. Et encore ! Mais ce qui inquiète particulièrement le capitaine Korolev, c'est que le NKVD veut faire une enquête parallèle à la sienne. Il leur servira de paravent, d'alibi parfait pour la population qui déteste les tchekistes. « Voilà ce qu'on attend de vous : mettez tout en œuvre pour attraper le meurtrier, consacrez toutes vos ressources, tous vos efforts à cet objectif. Suivez chaque piste, interrogez tous les suspects, remuez ciel et terre en agissant comme si c'était un crime ordinaire. Nous pensons que les traîtres ne sont pas au courant de notre propre enquête, alors ne faites rien qui puisse les alerter. Compris ? Il est possible que ce meurtre ait été commis par un fou, mais il s'agit plus vraisemblablement de l'œuvre de ces saboteurs. Les mutilations et les actes de tortures ne sont qu'un leurre. Menez votre enquête avec vigueur et peut-être qu'ainsi vous détournerez l'attention de nos propres investigations ».

En 1936 à Moscou, l'ennemi n'est pas seulement le capitalisme. Le ver est aussi dans le fruit du socialisme soviétique, et il faut absolument l'en extraire. Le NKVD est son remède radical. Malheur à ceux qui ne le comprendraient pas très vite.

« Le royaume des Voleurs » de William Ryan où la technique des Poupées russes ! L'auteur commence par une banale investigation autour d'un crime barbare commis par ce qui pourrait être un tueur dément qui sévit à Moscou, pour aboutir – au final – par une plongée au cœur du système politique soviétique au milieu des années 1930. Ces années 1930 en URSS sont synonymes de bouleversements politiques, économiques et sociaux. On est à l'aube des grandes purges orchestrées par un Parti tout-puissant pour graver l'hégémonie stalinienne dans les décennies à venir. Procès truqués contre de soi-disant complots, épuration d'intellectuels par un Staline au sommet de son pouvoir, sont dans l'air du temps.

Et le « Royaume des Voleurs » est empreint de cette atmosphère délétère, malsaine, corruptrice, glauque, où chacun surveille l'autre pour s'accaparer le peu qu'il dispose encore. A tort ou à raison, tout le monde est suspect, soupçonné de trahison envers la cause, parce que tout le monde peut devenir l'ennemi du Peuple, donc du système et par-là même du Régime en place. Ainsi, le capitaine Korolev l'a très bien compris, qui se tient en retrait de cette hystérie collective qui semble gagner toute la population. Ancien de l'armée du Tsar, révolutionnaire en 1917, il n'oublie pas qu'il aurait pu devenir prêtre orthodoxe sans l'arrivée de Lénine au pouvoir. Et c'est cette ambivalence qui le rend sympathique au lecteur. Korolev a revêtu l'uniforme de la milice comme un sacerdoce, par morale chrétienne, pour sauver la société de ses maux, et a fait sienne la cause du Parti et de la Révolution socialiste, jusqu'à un certain niveau de tolérance. Lorsque celle-ci est atteinte, au lieu de devenir un dangereux réactionnaire, il s'en remet à Dieu et à saintes icônes. Moindre mal !

Dans le « Royaume des Voleurs », c'est la société russe des années 1930 qui est mise à nue, entre terreur des dénonciations et rigueur extrême des plans quinquennaux qui se suivent et affament tout le monde. Malgré les espoirs mis dans la Révolution de 1917, rien n'a changé parce que tout a été bouleversé. Les strates sociales sont toujours prégnantes, même si les leaders communistes ont remplacé l'aristocratie russe. Et le NKVD s'est substitué à l'Okhrana, la redoutable police secrète du Tsar. Il y est question d'icône miraculeuse et protectrice, de réseaux mafieux, d'intérêts politique et personnel, de faux coupables et de vraies crapules. William Ryan a réussi le pari de mélanger subtilement grande histoire de l'ex-URSS dans les années 1930 et enquête policière, personnages officiels et fictifs pour le plaisir du lecteur. Au final, cela donne une ambiance proche et réaliste du quotidien de l'époque dans un pays peu appréhendé sous cet angle. Au détour de quelques pages, il arrive même au lecteur de croiser un certain Isaac Babel presque plus vrai que nature !

D'autres blogs en parlent : Bibliotheca, Delph, Nina, Malou, Lily, Maeve, Morgouille, Yv, Sylla, Miss Alfie, Luocine, Pyrostha, Velda, Babelio ... D'autres billets, peut-être ?! Je pense en avoir fait le tour, mais sait-on jamais ! Dans le cas contraire, merci de me laisser un commentaire pour que je vous rajoute à la liste.

242 - 1 = 241 livres dans ma PAL ...

"Le royaume de Voleurs" a été lu dans le cadre d'un partenariat avec Babelio et Les deux Terres éditions. Je les en remercie tous les deux.


14 mai 2011

NAITRE VICTIME, NAITRE COUPABLE

  • La marque du père – Michel Séonnet – L'un et l'autre Gallimard Éditions



« Mais t'ai-je vraiment entendu dire ces mots-là – « groupe sanguin » - ou bien ai-je recousu l'affaire bien plus tard, lorsque d'avoir lu dans des livres, j'ai su ? Le silence entre nous vient sans doute de plus loin, quand j'étais tout petit, un jour où j'aurais été dans tes bras, ou bien couché sur toi, dans l'herbe, tu profitais de l'été, tu avais pris une herbe et tu me taquinais. J'avais voulu t'imiter. Pas dans l'œil !, tu m'avais dit. Tout le monde savait bien que tu étais chatouilleux. Alors : Guili-guili, sous ton bras, guili-guili, et l'herbe qui chatouille autour de ce petit rond bleu comme si c'était le point marqué, là qu'il fallait chatouiller pour que ça produise le plus d'effet. Arrête ! C'était un cri très fort. Très sec. Une voix de colère sans doute inconnue. J'ai pleuré. C'est rien, a dit maman qui m'a pris dans ses bras. Toi tu t'es relevé, et tu es parti. Colère du père pour un guili-guili ? Je n'ai rien compris. Ou plutôt, j'ai compris qu'il ne faudrait jamais plus, que ce que j'avais touché là c'était la marque même du silence dont personne ne devait jamais parler ».

Quelle image de son père, Michel Séonnet peut-il bien conserver après sa mort ? Quels souvenirs, profondément ancrés dans son esprit, peuvent ressurgir à la faveur d'un 60ème Anniversaire de la Libération, lui qui refuse de le fêter sereinement dans la paix retrouvée ? Quelle marque son père lui a-t-il laissée, imprimée à jamais dans sa mémoire d'homme, dans sa vie, dans sa chair, comme un signe de différenciation, de honte, d'opprobre, d'humiliation irréversible face aux autres ? Ce père, donneur de sang universel et si fier de pouvoir sauver une existence, porte en lui, sur lui, la marque d'une infamie. « Après tout, qu'est-ce qui me prouvait, lorsque j'étais enfant, que tous les papas n'avaient pas, comme toi, ce rond bleu tatoué sous le bras, ou une autre de ces lettres – le A, le B – qui disaient le groupe sanguin puisque c'était ça ton explication la seule fois où j'avais osé demander (à la plage peut-être, ou dans le jardin, un jour où tu étais torse nu), où j'avais essayé de demander, plutôt, parce que, les mots ne venant pas, je n'avais pu faire autre chose que fixer avec une telle intensité la marque sous ton bras que toi, pour te débarrasser de ce regard, pour pouvoir baisser le bras sans avoir l'impression que tu le refermais aussi sur mon regard inquisiteur fiché là comme une tique suçant ta vie et ton secret : « groupe sanguin », tu avais dit […] ».

Comment vivre, survivre, exister presque face à ce père entré dans la Milice de Darnand à vingt ans, puis intégré dans la Division Charlemagne et, en bout de course – comme en bout de souffle – dans les Waffen SS ? Que reste-t-il à un fils après une telle histoire, un tel passé marqué par le déshonneur d'avoir appartenu aux collaborateurs, aux complices de la haine, aux serviteurs zélés du racisme et de l'antisémitisme ? Pour tenter de comprendre un tel engagement, Michel Séonnet partira sur les traces de Joseph, son père, remontant le temps. Il ira à Marseille, berceau des origines paternelles, pour essayer de déceler le moindre indice lui permettant de reconstituer le puzzle, de trouver un embryon de réponse. Mais à Marseille, comme ailleurs, l'auteur se heurtera encore et toujours à la crainte d'être découvert et puni, aux remords pour les actes commis par ce père qu'il aime malgré tout. « La première fois où je suis venu seul à Marseille – mais aujourd'hui encore je ne suis pas sûr d'y avoir complètement échappé – ma hantise était de croiser quelqu'un qui m'aurait arrêté en pleine rue (un des anciens camarades de mon père, ou pire : une de ses victimes), croyant me reconnaître, ou me trouvant au moins un air de ressemblance : J'ai connu un Séonnet, pendant la guerre. Vous ne seriez pas son … Il m'est arrivé à plusieurs reprises, d'hésiter à donner mon nom – notre nom – devant des personnes de sa génération. Surtout lorsque c'étaient des Juifs ! Est-ce que la malédiction porte sur le nom ? Pendant longtemps, je me suis contenté de signer de mon prénom suivi de l'initiale du nom. Quand on me demandait, je disais que je ne savais pas pourquoi ».

Un vrai chemin de croix. Une montée au calvaire que ce retour sur un passé qui ne passe pas, comme si l'auteur marchait pieds nus sur les braises ardentes, comme s'il faisait sienne une faute dont il n'était en rien coupable. Seul le silence était en soi déjà une réponse, comme un aveu voilé, pudique ou – pire – méprisant, de la faute commise. « Mais je ne savais pas jusqu'à quel point cet épisode-là devait être couvert de silence, les autres n'en parlaient pas, du coup je préférais me taire. Pourtant j'aurais pu me lancer dans quelque récit imaginaire, inventer des histoires, après tout, ce silence, cette faille auraient pu provoquer en moi une sorte d'appel de mots qui m'aurait permis de me sortir haut la main de ces situations difficiles. Il n'en a jamais rien été. A tes silences, j'ai répondu par le silence. Et d'ailleurs, il m'est toujours aussi difficile de raconter. Comme si j'avais le sentiment que le récit ne sera jamais que l'ombre de la réalité, qu'on ne peut approcher la vérité des choses (et des personnes) qu'à l'écoute patiente de leur silence ».

« La marque du père » ou l'analyse introspective de Michel Séonnet sur ses relations avec son père. Où, plus exactement, avec l'histoire de ce dernier. La question qui est ici posée en filigrane est comment ne pas se sentir blâmable, responsable d'un tel engagement ? Comme toujours, les enfants endossent ce crime, le font leur et tentent – tant bien que mal – de vivre avec ce fardeau.

Dans « La marque du père », l'auteur a essayé de s'expliquer le comportement de ce père qui avait endossé l'uniforme de la milice. Erreur de jeunesse ? Même pas. Simplement obéissance à l'hégémonie paternelle. Rien de plus. Au lieu de s'opposer, de fuir pour exister et conserver sa dignité d'homme, son père a suivi la conviction paternelle, l'a faite sienne. C'est le reproche voilé et pudique que fait ici un fils à son père défunt.

Michel Séonnet, quant à lui, bifurquera pour se démarquer de cette histoire tout à la fois filiale et familiale. Il sera le compagnon de route d'Armand Gatti, résistant, déporté, combattant aux côtés des Alliés en 1944. D'extrême gauche, aussi. Comme pour conjurer définitivement le mauvais sort. L'engagement, certes, mais à contre-courant de tout ce que l'auteur a vécu, entendu, lu dans son enfance, dans sa jeunesse. Il ira jusqu'à flirter avec la RAF (Rote Armee Fraktion « Baader Meinhof »).

« La marque du père » est un texte abrupt, sec, sans fioritures et sans concession. Michel Séonnet ne tourne jamais autour du pot et appuie où ça fait mal. Phrases courtes, haletantes presque jusqu'à l'oppression, il nous raconte son cheminement pour tenter de se dégager de l'emprise d'un tel passé. C'est simple, c'est juste et c'est très beau.

« Mais c'était peut-être la première fois que je parvenais à m'émanciper de notre peur. J'avais trouvé un biais pour pouvoir contourner notre obligation de silence. Ou plutôt : l'alternative n'était plus entre parler ou se taire ; dénoncer ou accepter. Il y avait un chemin critique possible qui ne se résumait pas à être pour ou contre toi ».


D'autres blogs en parlent : Passion du livre, Moustafette (qui m'avait donné envie de le lire).

Impossible de ne pas faire un lien avec le recueil de nouvelles d'Aragon, "Le collaborateur et autres nouvelles".


243 - 1 = 242 livres dans ma PAL ...

11 mai 2011

CHIMENE DES BAS-FONDS

  • Et mon mal est délicieux - Michel Quint - Folio


"Pourtant, je vous jure, monsieur, chaque soir, Max Klein, le fils du Président de la cour d'assises, et Luz, la gamine de chiffonniers, se faisaient face à deux pas d'ici, au milieu des décombres du monastère, grimpés sur les gravats de l'ancien réfectoire pontifical d'Innocent VI, effondré à ciel ouvert ...".

Max Klein, adolescent romantique comme Rodrigue, épris de beauté et de splendeur, rêvant d'un amour pur et éternel, donne chaque soir la réplique à une Chimène pleurant son amour impossible. Chimène fantasque, originale, bouillonnante, incarnée par Luz - gitane d'origine espagnole - réfugiée de la guerre d'Espagne ayant fui Barcelone. Elle ne connaissait que cette pièce de Pierre Corneille et ne voulait jouer que Le Cid, à sa façon. "Faut dire, c'était pas le style Comédie-Française, croyez-moi, le texte au rasoir et la belle diction ... ! Elle s'inventait des représentations au décrochez-moi-ça. A son image de mal nippée. Deux-trois vers de Corneille, le reste rapiécé, retaillé à ses mesures, à rimes décousues, une langue de colère massacrée de chagrin, de révoltée".

Malgré le feu et la violence verbale de leurs échanges théâtraux, Max était intimement persuadé que Chimène l'aimait. Il le sentait. Il le savait. Le baiser fatidique était là, présent aux bords des lèvres, prêt à changer leur vie, à la métamorphoser. Ce baiser tant attendu, tant espéré par les deux amants improbables, jeunes, fougueux, intrépides et si sages. Mais l'histoire de France va se mélanger à la romance du Cid. En 1940, en pleine débâcle, voilà que débarque un réfugié - Gérard - qui donne la réplique à Luz. Chimène et Rodrigue se sont reconnus. Dès lors, la vie de chacun va s'en trouver bouleverser à jamais. "Et Luz se métamorphosait, mille ans d'Espagne corsetée dans sa voix, plein d'honneur offensé à fleur de peau, et du frisson, et des envies du nudité et les reins déjà cambrés ... Ensemble, ils ont raconté la vieille Espagne. [...] ... Et de ce jour, jamais plus Luz n'a repris avec moi ses représentations bricolées ... Relâche, monsieur, relâche, en l'absence du jeune premier ... ! J'étais devenu indigne de seulement donner la réplique !".

Avant de quitter la ville, Gérard lui offre ce baiser et lui fait la promesse de revenir jouer Le Cid en ce lieu même, dès qu'il serait devenu comédien. Max, blessé dans son amour propre, refusera de revoir Luz, l'évitera, de peur de se faire humilier, d'être rejeté, renvoyé. Et puis, d'autres soucis le taraudent. L'indicible et irrépressible peur des gens traqués par l'occupant. On tente de se rassurer comme on le peut. Mais la fin des illusions arrivent avec la dure réalité d'un quotidien couleur vert-de-gris. Le père de Max est Juif. Cela est suffisant pour l'envoyer au pays des horreurs avec un aller-simple sans espoir de retour. Dès lors, Max vivra entre Luz et Amparo - la tante - superbe femme en noir au visage de flamenca tourmentée, douloureuse et sensuelle. "Elles m'ont accueilli comme un cousin des Amériques, jamais oublié, comme si j'étais sorti l'instant d'avant et que je revienne avec le pain du matin ou de l'eau tirée au puits". Vivant de bric et de broc, Max, Amparo et Luz voient la Libération arriver comme le retour des beaux jours après un hiver particulièrement long et difficile.

Si les parents de Max ne reviendront jamais, Luz - quant à elle - est persuadée que son Gérard reviendra à Villeneuve-lès-Avignon jouer Le Cid, rien que pour elle. A cause de la promesse faite. Elle en est sûre et certaine. Elle espère et cela lui permettra de tenir jusqu'à ce qu'il revienne. Max, fou d'amour, fera tout ce qui est possible de faire pour que cette promesse aléatoire devienne une réalité vraie. Le miracle se produira. Gérard viendra en représentation à Avignon, et jouera Le Cid, rien que pour elle. Luz venait de recevoir son lot de bonheur tant espéré, pour aller au bout de son calvaire, dans le calme et la sérénité. Mais qui est ce Gérard, entr'aperçu une nuit de juin 1940 dans les ruines mal famée de la Chartreuse, à Villeneuve-lès-Avignon ?

Livre original par son approche en biais de situations douloureuses - au propre comme au figuré - "Et mon mal est délicieux", emprunté à un poème de Guillaume Apollinaire, Marie, Michel Quint nous fait vivre un pur instant de félicité. Il nous entraîne dans le monde onirique de théâtre, où tout est possible, tout peut se réaliser - même les rêves les plus fous - où le malheur et la souffrance s'estompent, se dissolvent, pour laisser place à l'enchantement et à l'envoûtement du jeu. C'est un ouvrage magique, magnifique et tout à la fois terrible. "Aucun regret, sauf un : Luz ne m'a jamais embrassé [...]. Gérard, en juin 40, est le seul à les avoir mordues".

D'autres blogs en parlent : Violette, Laurence (Biblioblog), Lire, écouter, voir, ... D'autres, peut-être ?! Merci de vous faire connaître par un petit commentaire.

Et pour ceux et celles qui veulent (re)voir Michel Quint et Olivier Barrot parler de ce magnifique roman sur le théâtre et les acteurs, la vidéo sur le site de l'INA.

Pas de PAL qui diminue, puisque ce billet est un transfuge du précédent blog. Je sais, c'est mal, mais j'avais envie de vous faire partager ce très beau moment de lecture.

5 mai 2011

LES EAUX DU LAC PONTCHARTRAIN

  • Zola Jackson – Gilles Leroy – Mercure de France Éditions


« Zola Jackson, tu fus une bonne mère, peut-être. Maintenant, tu es pour sûr une vieille enquiquineuse et un héritage embarrassant. Tu es si noire, Zola Louisiane Jackson, et ton fils café au lait, ton fils mulâtre aux merveilleux yeux verts a ces traits fins qui répondent aux canons de la beauté blanche suprême – si noire, vieux pruneau sec, bien sûr que ton fils a honte de toi ! Bien sûr qu’il te fuit ! Tu n’iras jamais dans les hauteurs vertes et fraîches de Buckhead ; les grandes demeures du vieil Atlanta ? Et pourquoi pas le bal du gouverneur ! Ne rêve pas, ma fille : jamais tu n’y entreras, sauf à ramper sous la porte de service. Tu n’es qu’un boulet de charbon ».

Août 2005. Zola Louisiane Jackson attend l’ouragan que les services météo de La Nouvelle Orléans ont prévu. Pour tromper cette attente sourde, cette peur irréfragable des conséquences d’un tel événement naturel, la vieille Zola Jackson se souvient. Elle passe en revue le départ de son fils Caryl vers Atlanta, plus sûre, plus riche, plus cosmopolite, plus tolérante et où l’anonymat est conservé. Elle se rappelle avec une douce nostalgie et une belle fierté la réussite de son Caryl, son entrée dans l’une des plus prestigieuses universités du pays, son avenir brillant. Elle se remémore la dernière fois où il lui a rendu visite ici, en Louisiane, an août 1994. « C’était encore l’été. Un 15 août, mon jour d’anniversaire. Cette année-là, j’avais … j’avais combien déjà ? cinquante-deux ? cinquante-trois ans ? Les colibris aux fenêtres suçaient le nectar des fleurs exubérantes. Les colibris sont si petits et fébriles, ils ressemblent à cet oiseau malade qui bat des ailes dans ma poitrine, qui meurt d’être déjà mort, suçant mon sang mauvais. J’ignorais que je ne le reverrais jamais debout ».

Alors, avant que n’arrive la déferlante promise qui doit tout engloutir sur son passage – passé, présent, futur proche et lointain, individus et animaux mêlés, bicoques faites de bric et de broc – Zola Jackson s’organise pour survivre, une fois de plus, une fois encore, à une tempête tropicale. Elle stocke, tout ce qu’elle peut – nourriture, alcool pour la lampe tempête, bières, eau – dans tous les récipients possibles. Un véritable camp retranché. Voilà ce qu’est devenue sa tanière. Et Zola prie, Dieu ou le Diable, ou n’importe qui d’autre pour être entendue, pour que l’eau ne monte pas trop haut dans sa maison. « Ne vous avais-pas dit, mes hommes, de ne point vous inquiéter ? On en a réchappé, on est chez nous, bien au frais chez nous, pas comme ces pauvres cloches qui doivent s’entasser dans les refuges après des heures d’embouteillages. Votre vieille Zola sait ce qui est bien, elle va se coucher d’un cœur léger. Sa maison est debout, pas un trou dans le toit – bravo, Aaron ! Et j’ai ma chienne à mes côtés, ma si gentille compagne – merci, mon fils ! L’eau monte, oui, ça continue, il faudrait des bottes tant on patauge mais j’ai connu ça toute ma vie, n’est-ce pas ?, l’eau qui noie le porche, qui atteint parfois jusqu’à un mètre dans la cuisine … et le lendemain un soleil lustral séchait jusqu’à la dernière goutte et toute la maison, tout le quartier brillait comme un sou neuf. J’ai confiance en ce soleil rouge que je vois darder entre les nuages. Je vous embrasse, mes hommes, je vous serre contre moi de toutes mes forces vaines. Lady et moi, on monte dormir. Le soleil revenu se coucher, imitons-le ».

Et le malheur arrive. Promis par la météo, relayé par les autorités locales. Les eaux de la lagune, de Pontchartrain, ont envahi les quartiers de Gentilly, les plus pauvres, les moins bien protégés contre ce genre d’intempérie. Une fois de plus. C’est chaque fois le même rituel. Les secours, les quartiers que l’on défend, ce sont pour les autres, ceux des belles maisons solides de La Nouvelle Orléans, du quartier Français, touristique. Ici, à Gentilly, les maisons sont construites avec tout ce que leurs propriétaires ont trouvé. Des planches pourries, généralement. Comment auraient-elles pu tenir face au déferlement de ces eaux boueuses, marécageuses, fangeuses, vaseuses, tortueuses, dévastatrices ? « … Des boîtes d’allumettes, oui, toutes blanches, foutues ayant pris l’eau. Elles n’étaient pas faites de planches, nos demeures, mais d’allumettes rompues en miettes, broyées dans les mâchoires du tourbillon … c’était ça, notre quartier ».

« Zola Jackson » de Gilles Leroy où l’histoire simple et émouvante d’une femme déclinante, noire américaine, prise dans la tourmente de l’ouragan Katrina. Zola Jackson, ancienne institutrice pour les gamins noirs du quartier de Gentilly à La Nouvelle Orléans, écartée, mise au rebut en raison de son goût prononcé pour l’alcool. « Zola Jackson » où l’histoire d’une femme qui s’est toujours tenue vent debout face aux catastrophes, aux cataclysmes, aux malheurs que l’existence a mis sur son chemin. Tel un roc insubmersible, la vieille Zola Louisiane Jackson fait non seulement face à son destin avec une force de caractère à toute épreuve, mais lutte aussi contre les avaries de la nature. Alors qu’autour d’elle tout le monde fuit, détale, s’affole, alors que la région est en proie à l’hystérie collective, Zola Jackson s’organise pour rester chez elle, et tenter de sauver ce qu’elle peut. Alentour, c’est le chaos, la fin du monde, d’un monde surtout – celui des quartiers les plus misérables, les plus désœuvrés de La Nouvelle Orléans. Et tout le monde hurle, crie, pleure, appelle au secours, prie en vain un Dieu qui ne les entend pas, attend désespérément l’arrivée d’hypothétiques secours. Les ballets d’hélicoptères et de canots des gardes-côtes maintiennent, tant bien que mal, ce lien ténu entre espoir et désespoir, entre lutte pour la survie et abandon. Et Zola Jackson, penchée à l’étage de sa maison, observe ces scènes à peine croyables comme détachée de la réalité. Elle n’est plus à un cyclone près, elle qui a connu Betsy et Yvan, avant Katrina. Seulement Zola Jackson s’acharnera, coûte que coûte, vaille que vaille, jusqu’à son dernier souffle. Pour Caryl. Pour Lady.

« Zola Jackson » ou la vie d’une femme tenace et rebelle, à la force de caractère exceptionnelle, tout à la fois fragile et déterminée à ne jamais ployer, jamais plier, jamais céder sous le poids des épreuves passées, présentes et à venir. Zola, une femme d’exception comme on en fait peu, qui prouve – par la plume délicate de Gilles Leroy – qu’avec de la pugnacité, de la volonté, on arrive à retourner à la vie. « Zola Jackson » de Gilles Leroy, magnifique texte d’espoir qui ne s’oublie pas. « Je nageais. Enfin je nageais. J’ai toujours rêvé, depuis toute petite, depuis mes premières escapades au lac, rêvé de faire la planche et envié mes camarades qui semblaient trouver à cette apesanteur une joie supérieure, une extase, peut-être, esprit et corps réconciliés ».

D'autres blogs en parlent : Biblio du Dolmen, Fardoise, Sonetchka, Lili Galipette, Karine:), Theoma, Mimi, Papillon, Amanda, Edelwe, Stephie76, Mirontaine, Chiffonnette, Cathulu, Lou, Stemilou, Midola, Clara, A propos de livres, In Cold Blog, Kathel ... quelques autres chez BoB ! J'espère n'avoir oublié personne. Dans le cas contraire, merci de vous faire connaître par un petit mot !

"Zola Jackson" m'a été très gentiment prêté par Lou, que je remercie pour sa (trop grande) patience à mon égard. Il va aller rejoindre sa propriétaire.


244 - 1 = 243 livres en attente dans ma PAL ...

1 mai 2011

QUE LIRA-T-ON EN MAI ?

Comme le dit un dicton bien connu de tous et de toutes, « En mai, fais ce qu'il te plait ! ». Après un 1er mai dominical et donc chômé, mais pas férié (merci le calendrier Grégorien !), voici le retour des sorties poche pour ce joli ( !) mois de mai qui nous rapproche à grands pas de l'été. Allons voir ce qui pourrait se lire dans les prochaines semaines et que nous attendions tous avec impatience !
  • 10/18

Une semaine avec ma mère – William Sutcliffe

Gillian, Helen et Carol sont amies depuis que leurs fils étaient dans la même classe maternelle. Depuis, ils ont grandi... en quelque sorte. Daniel, Paul et Matt ont la trentaine mais se comportent comme des ados attardés et restent très secrets sur leur vie privée. N'y tenant plus, les trois mamans décident que des mesures d'urgence s'imposent : elles iront s'installer sans crier gare pour une semaine chez leur rejeton ! Leur mission : recréer le lien maman-fiston trop distendu à leur goût. Terreur panique chez les garçons. Matt est le rédacteur en chef d'un magazine pour hommes, il ne sort qu'avec des gamines qui ont la moitié de son âge, planque ses sex-toys sous son lit où il n'a pas envie que sa mère passe l'aspirateur... Paul habite en colocation avec plusieurs garçons, il est homo, mais ça ne regarde que lui. Quant à Dan, il ne s'est toujours pas remis de sa rupture avec Erin et préfère broyer du noir tout seul. Une satire caustique et hilarante de ces grands enfants et de ces mères-poules qui croient bien faire mais leur pourrissent la vie !

La veuve – Gil Adamson

Canada, 1903. Mary Bolton, l9 ans, vient de tuer son mari. Poursuivie par ses beaux-frères, des jumeaux géants et roux assoiffés de vengeance, la jeune veuve s'enfuit. En chemin, elle rencontre une série de personnages hauts en couleur auxquels elle s'attache un temps avant de toujours reprendre la route. Gil Adamson bâtit un grand récit picaresque, à la fois captivant et émouvant, celui de la plongée volontaire d'une jeune femme dans les espaces du Grand Nord américain.

Bangkok psycho – John Burdett

Au fil de ses tournées dans le 8e District, le quartier chaud de Bangkok, l'inspecteur Sonchaï Jitpleecheep pensait avoir tout vu. Jusqu'à ce qu'il regarde le snuff movie qu'on lui a adressé anonymement. La victime filmée est Damrong, une prostituée qu'il a aimée jusqu'à l'obsession quatre ans plus tôt, et qui continue de le hanter par-delà la mort. En effet, la nuit venue, l'esprit de Damrong rend des visites érotiques à Sonchaï, alors que celui-ci essaie désespérément de s'endormir aux côtés de sa compagne enceinte. Pour que la belle Damrong repose en paix et le laisse enfin tranquille, Sonchaï doit mettre la main sur son assassin. Son enquête l'entraîne d'un club privé de Bangkok, dont les membres font tout pour satisfaire leurs fantasmes extrêmes, au fin fond du Cambodge... Thriller vénéneux, où l'ironie donne la réplique au politiquement incorrect, ce nouveau volet de la série " Bangkok " offre une plongée dans la Thaïlande d'aujourd'hui, très loin des clichés occidentaux sur les sociétés orientales.

L'homme qui rêvait d'enterrer son passé – Neil Cross

Un instant d'égarement, une seule erreur, et la vie bascule à jamais. Une plongée dans l'enfer de la culpabilité, le portrait d'un homme ordinaire emporté dans une spirale infernale. Un polar angoissant, par un auteur qui n'est pas sans rappeler le Douglas Kennedy de L'homme qui voulait vivre sa vie. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il fasse, Nathan est poursuivi par le souvenir de la pire nuit de sa vie : lors d'une fête organisée par son employeur de l'époque, une jeune femme a disparu. Seuls lui et Bob, une vieille connaissance, savent ce qui s'est passé, et tous deux ont juré qu'il en serait toujours ainsi. Des années plus tard, par une nuit pluvieuse, Bob est à la porte de Nathan avec de terrifiantes nouvelles. Face à un Bob méconnaissable et dangereusement déterminé à faire voler en éclats leur serment, Nathan est prêt à aller loin, très loin, pour protéger le monde qu'il s'est soigneusement construit...

Tu pourrais rater intégralement ta vie – Toni Jordan

Grace Lisa Vanderburg a 35 ans. Elle compte. Tout. Tout le temps. Les lettres de son nom (19). Les pas qui la mènent au café (920). Les poils de sa brosse à dents (1768). Les graines de pavot sur sa tranche de gâteau. Autant de chiffres qui ordonnent son existence réglée comme du papier à musique. Quand entre en scène Seamus Joseph O'Reilly (un autre 19), un bel étranger qui n'a pas peur de ses manies, un dilemme ne tarde pas à s'imposer à elle: les chiffres ou la vie ? Pour préserver leur fragile idylle, l'excentrique Grace est-elle prête à perdre le fil de ses additions ? Comédie romantique, réflexion sur la normalité, ce premier roman pétillant offre l'irrésistible portrait d'une héroïne vulnérable et vraie.

  • Livre de Poche

HHhH – Laurent Binet

Prague, 1942, opération « Anthropoïde » : deux parachutistes tchèques sont chargés par Londres d'assassiner Reinhard Heydrich, le chef de la Gestapo et des services secrets nazis, le planificateur de la Solution finale, le « bourreau de Prague ». Heydrich, le bras droit d'Himmler. Chez les SS, on dit de lui : « HHhH ». Himmlers Hirn heiβt Heydrich – le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Dans ce livre, les faits relatés comme les personnages sont authentiques. Pourtant, une autre guerre se fait jour, celle que livre la fiction romanesque à la vérité historique. L'auteur doit résister à la tentation de romancer. Il faut bien, cependant, mener l'histoire à son terme…

La quatrième forme de Satan – Pieter Aspe

Qu'arrive-t-il au flic le moins fréquentable de la Belgique, sur le point de devenir père, quand s'abattent sur lui crimes déguisés en suicides, attentat à la sortie de la messe, secte satanique et trafic de drogue ? Rien qui puisse le mettre de bonne humeur... Pieter Aspe scrute avec humour et férocité les turpitudes de la très bourgeoise Bruges, dont les dessous se révèlent beaucoup plus ténébreux que ne le laissent penser les dépliants touristiques !

Les Sentinelles – Bruno Tessarech

" Qui savait quoi ? " : question obsessionnelle sur la Shoah, à laquelle ce roman ambitieux apporte une magnifique réponse en plaçant le lecteur au cœur du drame intime, du dilemme moral, de la conscience douloureuse d'une poignée d'hommes de bonne volonté qui ont appelé au secours en vain. Depuis la conférence d'Evian en 1938 jusqu'à la mort du dernier grand témoin en 2000, c'est le demi-siècle le plus noir de notre histoire contemporaine que traverse Patrice Orvieto, narrateur inventé de cette histoire vraie. Lorsqu'il rejoint la France libre à Londres, intermédiaire entre le MI-6 britannique et le 2e Bureau français. Il partage le cauchemar de ces rares " sentinelles " qui ont vu sans être crues, gardiennes d'une vérité qu'elles ne peuvent ni penser, ni représenter, ni donner à imaginer... ni transmettre. Les éléments les plus récents de la recherche historique confèrent à cette œuvre de fiction une puissance de vérité et d'élucidation impressionnante.

Le scandale Modigliani – Ken Follett

Une jeune, brillante et séduisante étudiante en histoire de l'art, décidée à écrire sa thèse sur la relation entre la drogue et la créativité artistique, découvre par la même occasion l'existence d'un Modigliani perdu ; elle décide de se lancer sur ses traces, entraînant derrière elle une série de personnages hétéroclites : des peintres, talentueux et méconnus, en colère contre le mercantilisme du marché de l'art ; des faussaires, des négociants d'art peu scrupuleux et un jeune propriétaire de galerie d'art, acculé au désespoir, vont se croiser, s'entrecroiser, sur les routes de France, d'Angleterre ou d'Italie du sud ! Un des premiers romans de Ken Follett, avec lequel on ne boude pas son plaisir.

Le trône du paon – Sujit Saraf

Delhi, 1984. Le jour se lève sur le bazar joyeux et bigarré du plus grand marché de la ville, Chandni Chowk. Gopal Pandey, marchand de thé chai, s'éveille en sursaut quand il se rend compte que la foule du marché est en émoi. Bientôt la rumeur lui parvient : le Premier ministre, Indira Gandhi, vient d'être assassiné. Très vite, les esprits s'enflamment, les communautés s'affrontent dans un embrasement populaire qui dégénère : les Hindous crient vengeance contre les Sikhs. Dans le chaos, Gopal recueille, parmi d'autres, un certain Gyani Singh, mais personne ne sait qu'il est accusé du meurtre d'Indira... Chronique épique de l'Inde moderne, Le Trône du paon est un roman époustouflant.

Sépharade – Eliette Abécassis

Peut-on échapper au destin qu'on choisit pour vous ? se demande Esther Vital. Juive marocaine née à Strasbourg, écrasée par le poids de la tradition, mais aussi déchirée par la nostalgie des paradis perdus – l'Espagne de Cordoue à Tolède, le Maroc, de Mogador à Fès –, Esther choisit elle-même son futur époux, Charles, malgré l'opposition de sa famille. Mais, la veille de son mariage, vêtue de la robe pourpre des promises sépharades, elle découvre de terribles secrets dont elle risque d'être l'innocente victime... À travers cette quête des origines, Eliette Abécassis explore avec érudition l'histoire des juifs marocains, de l'Inquisition à nos jours. Voici le grand roman du monde sépharade.

Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils – Jacques Expert

Quand son fils meurt, renversé par un chauffard qui a pris la fuite, Antonio Rodriguez jure à sa femme qu'il le vengera. Tandis que l'enquête piétine, il finit par découvrir le meurtrier, un cadre supérieur de sa propre entreprise dont l'attitude lui paraît très suspecte. Pourtant, un jour, les gendarmes l'informent qu'ils viennent d'arrêter le coupable. Les preuves sont formelles, l'homme est passé aux aveux. Mais ce n'est pas le même individu. Dans ce roman à quatre voix – Antonio et sa femme, Sylvia, l'assassin et son épouse –, se noue un ballet macabre, autour du thème de l'autodéfense : qui Antonio Rodriguez va-t-il tuer ce soir ?

Ne les croit pas – Sebastian Fitzek

Yann May, un célèbre psychologue berlinois, est au téléphone avec Leoni, sa fiancée. La liaison est mauvaise. Pourtant il l'entend dire : « Ne les crois pas. Quoi qu'ils te disent... ne les crois pas… » Alors qu'il est encore en ligne, un policier sonne et lui annonce la mort accidentelle de Leoni, une heure plus tôt… Huit mois ont passé. Ira Samin, une psychologue de la police, a décidé d'en finir. Mais, alors qu'elle s'apprête à passer à l'acte, un de ses collègues vient la chercher pour l'emmener dans une station de radio. Un forcené s'est retranché dans un studio et menace d'abattre ses otages. Ira est chargée de conduire les négociations. Bien vite, elle comprend que Yann a tenté ce coup de poker pour retrouver Leoni, qu'il se refuse à croire morte. Et certains de ses arguments sont troublants... Après Thérapie, le nouveau thriller de Sebastian Fitzek, la révélation du polar allemand.

  • Folio

Une bonne épouse indienne – Anne Cherian

Neel a beau avoir étudié aux États-Unis et être devenu un brillant anesthésiste dans un grand hôpital de San Francisco, il n'échappera pas à un mariage arrangé – une tradition presque immuable en Inde. Au cours d'un bref voyage pour voir sa famille, le piège se referme et le voilà lié à Leila, qu'il n'a vue qu'une seule fois. Certes, elle est belle, douce, cultivée, intelligente, mais il n'en veut pas. Il préfère, de loin, son explosive maîtresse californienne. Ce qu'il ne sait pas, c'est que Leila va attendre son heure et, sans bruit, sans drames, sans scènes, réserver à son époux bien des surprises. Avec ce premier roman, Anne Cherian porte un regard surprenant sur les mariages arrangés et nous offre, entre Orient et Occident, une histoire d'amour comme une bouffée d'air pur.

La tentation des Indes – Olivier Germain-Thomas

De toutes les aventures encore possibles, le voyage en Inde accompli lentement est une de celles qui laisseront le plus de traces. Le merveilleux ? Mais il est dans l'eau, l'arbre, la fleur de lotus. Là-bas le temps n'est pas une ligne droite où l'on se hâte, il est un cercle où l'on s'assoit encore sans crainte. Là-bas la beauté est dans les gestes les plus simples, une femme qui marche, un enfant qui rit. Le voyage en Inde est une aventure qui nourrit les sens autant que l'intelligence, une aventure philosophique par les bûchers où brûlent les corps, les temples où scintillent les faces du sacré, les roues qui disent nos vies successives. On peut passer sur la surface de l'Inde comme on regarde des images bien étranges, mais irréelles; on peut essayer de s'y mouiller, se salir, s'y enfoncer. Ce livre est le récit d'un tel voyage en profondeur.

Hong-Kong et Macao – Joseph Kessel

L'aventure n'est pas morte. Elle a encore ses lieux de prédilection. Hong-Kong, Macao ont conservé, renouvelé, ce parfum d'aventure. Hong-Kong, colonie britannique, est une des portes de la Chine. Elle a été le grand centre de l'opium ; depuis la Chine rouge, elle est devenue une puissante cité capitaliste qui importe et exporte des produits du monde entier. Macao, colonie portugaise, quelques kilomètres plus au sud, était la capitale du jeu ; c'est en plus le grand marché de l'or en Extrême-Orient. Maintenant que Shanghai a perdu son autonomie, Hong-Kong et Macao sont les deux postes frontières du monde occidental et de la Chine. Admirable voyageur, Joseph Kessel voit plus de choses en une page que d'autres en un volume. Dans ces deux villes clés, il a rencontré les personnages les plus étranges, entendu les histoires les plus singulières. Par exemple, l'aventure de ce jeune hongrois, qui s'était baptisé O'Brien pour pénétrer clandestinement en Amérique et qui en fut expulsé sur le premier navire en partance. De là, il ne cessa de voyager entre Hong-Kong et Macao, également expulsé des deux colonies, ce qui lui fit accomplir cinq cents quarante voyages consécutifs, sans quitter le bateau qui était son dernier asile ! "Hong-Kong et Macao" est un reportage étonnant dont les acteurs s'appellent l'opium, le jeu, la police secrète, la misère, à côté de richesses insoupçonnables.

La libération du juif – Albert Memmi

Je m'apprêtais à remettre à l'éditeur une copie corrigée de ce livre en vue d'une édition de poche, lorsque la télévision nous apprend le double attentat contre les Coptes d'Alexandrie : vingt-trois morts, une cinquantaine de blessés. Ce n'est pas la première fois que les Coptes égyptiens sont ainsi frappés, parce que chrétiens, donc minoritaires au sein d'une société musulmane. Le hasard a voulu, il y a quelques semaines, qu'une consœur, Leïla Sebbar, m'a demandé une contribution pour une anthologie qu'elle composait sur l'enfance des Juifs en pays musulmans. Il m'a semblé justifié de l'intituler l'enfance d'un minoritaire. Je me suis alors avisé que je reprenais brièvement un certain nombre de traits dont j'ai souvent rendu compte ailleurs, et qui auraient pu être groupés sous le titre de destin du minoritaire. Certes il s'agit principalement ici du destin juif mais, chemin faisant, j'ai dû le replacer dans la condition générale des minoritaires. Ce qui arrive aujourd'hui aux Coptes se retrouve chez les Kurdes, écartelés entre plusieurs majorités hostiles, dans les Balkans où il n'est pas aisé d'être Croate parmi les Serbes ou Serbe parmi les Croates ; Noir américain parmi leurs concitoyens blancs ou Roms louvoyant entre plusieurs ethnies soupçonneuses. Bien entendu, il faut toutefois mettre en relief la spécificité de chaque condition. Il m'est d'ailleurs arrivé de regretter d'avoir intitulé ce livre la libération des Juifs., ce qui en a détourné les lecteurs indifférents au problème juif ou ceux qui considèrent que, l'antisémitisme s'étant notablement allégé, il ne convient plus d'en parler. Mais l'historiographie juive a ainsi connu d'autres répits, qui n'ont pas empêché (les réveils souvent paroxystiques. En tout cas, si dans les pages qui suivent il s'agit des traits du destin juif, j'ai dû considérer ces traits dans leurs généralités. J'ai dû examiner par exemple la place du trouble langagier commun dans toutes les revendications, le rôle des mythes et des contre-mythes, les valeurs refuges comme la religion ou l'art ; la dialectique entre le refus de soi et l'affirmation de soi ; le mariage mixte ou la conversion comme solution éventuelle aux difficultés de l'intégration, etc. Les faits ont hélas confirmé que l'existence des Juifs parmi les jeunes nations arabo-musulmanes est devenue impossible. C'est pourquoi une solution nationale spécifiquement juive m'a paru la plus adaptée. Dans l'examen du sionisme, je ne me suis pas étendu sur le sort dramatique qui en est résulté pour les Palestiniens ; j'en ai assez longuement parlé ailleurs. J'ai d'ailleurs prôné la fondation d'un État palestinien à une époque où même les Arabo-musulmans s'en méfiaient. C'est pourquoi j'ai tout de même noté en bas de page, au chapitre intitulé l'issue, que : « la réconciliation judéo-arabe est notre tâche la plus urgente, la plus nécessaire, historiquement et moralement ». Ce livre n'est ni pessimiste ni optimiste ; il tente de rendre compte de réalités. Les humains étant ce qu'ils sont, personne ne peut affirmer que nous soyons à la veille de sortir enfin de la barbarie et des ténèbres historiques. Nous devons en revanche les dénoncer. Paris, 2011.

Chand chaud, nerfs d'acier – Arto Paasilinna

Linnea Lindeman – une forte femme, chasseuse de phoques et accoucheuse un peu chamane – a une vision : Antti Kokkoluoto, héros aux nerfs d'acier mais au sang chaud, naîtra en 1918, au moment même où la jeune Finlande plongera dans la guerre civile, et s'éteindra un beau jour de 1990. Entre-temps, Antti mènera une vie épique, comme seul Paasilinna sait les concocter. Plongé dès l'enfance dans les secrets du métier de commerçant et la contrebande d'alcool, on le verra endosser l'habit d'entrepreneur, de père de famille, d'homme politique, et même de champion de tir au pistolet ! La crise de 1929, les affrontements récurrents entre fascistes et communistes, la Seconde Guerre mondiale viendront ponctuer cette truculente saga : Paasilinna mêle avec son humour habituel la grande à la petite Histoire.

La diagonale du vide – Pierre Péju

Persuadé d'être «passé à côté de sa propre histoire» Marc Travenne décide de quitter sa vie agitée de designer et homme d'affaires pour s'en aller au hasard des routes. Il se retire dans un gîte perdu sur un plateau de l'Ardèche battu par les vents. Bientôt, une étrange randonneuse vient troubler sa solitude. Elle marche depuis des jours le long de ce que les géographes appellent la «Diagonale du vide», cette étroite bande de territoire partageant la France des Landes aux Ardennes, à la densité de population faible et aux zones sauvages nombreuses. Travenne va se lancer à la poursuite de cette femme qui aura le temps de lui livrer une part de ses secrets avant d'être enlevée sous ses yeux. De rencontres en révélations, il va voir sa vie s'emballer en découvrant que la diagonale des solitudes passe aussi par New York, Paris, et l'Afghanistan.

Connaissez-vous Paris ? – Raymond Queneau

Y a-t-il un rapport entre l'eau de Javel et le quai du même nom ? Combien y a-t-il d'arcs de triomphe à Paris ? Quel agréable souvenir dentaire est attaché à la place des États-Unis? Entre novembre 1936 et octobre 1938, Raymond Queneau pose chaque jour aux lecteurs du quotidien L'Intransigeant trois questions sur Paris. L'Histoire s'y mêle à l'anecdote, la pratique documentaire aux dérives dans la ville, le sourire au savoir. Sur une idée d'Emmanuel Souchier, la présente édition vous propose plus de quatre cents de ces questions assorties de leurs réponses. Pour parcourir la Ville Lumière en compagnie de l'un de ses plus éminents piétons et découvrir une œuvre méconnue de Raymond Queneau, jamais encore publiée en volume.

Exit le fantôme – Philip Roth

Après onze ans de réclusion volontaire dans la campagne du Massachusetts, Zuckerman remet les pieds à New York, pour une intervention bénigne mais qui le renvoie à sa déchéance physique. Dans la ville accablée par la réélection inattendue de George W. Bush, trois rencontres vont bouleverser ses plans : Amy Bellette, vieillie et presque mourante, elle qui, dans l'éclat de sa jeunesse, fut la muse de E. I. Lonoff, son mentor ; Richard Kliman, jeune arriviste insupportable qui le harcèle parce qu'il veut révéler les secrets de Lonoff ; et puis, surtout, un jeune couple d'écrivains avec qui il envisage un échange de maisons. Et voilà Zuckerman, qui se croyait immunisé, en proie à un dernier coup de foudre. Pour Jamie, la très charmante jeune femme du couple. Va-t-il passer à l'acte ? Ou se servir de ce dernier amour pour écrire encore – traduire dans une fiction les fantasmes qu'il lui inspire ?

Les liens du sang – Thomas H. Cook

Le jeune Jason, handicapé mental, s'est noyé dans un lac près de sa maison. Diana, sa mère, est inconsolable et refuse de croire qu'il s'agissait d'un accident. Elle accuse Mark, son ex-mari et brillant généticien, de cette mort. Pris au piège entre eux deux, David, le frère de Diana, tente tant bien que mal de la raisonner ; il la soupçonne de devenir folle, reconnaissant chez elle les symptômes de leur père schizophrène qui les a terrorisés durant toute leur enfance. Diana rassemble des preuves contre Mark, envoie à David des messages codés en exhumant de vieux meurtres et entraîne sa nièce de quinze ans dans ses délires. David est tiraillé entre son amour pour sa sœur, la peur que lui inspire leur hérédité, l'impression de voir sa fille Patty lui échapper, et les lacunes de l'enquête de l'enquête policière. Comme les nuages qui s'accumulent avant un orage, les événements s'amoncellent jusqu'à le pousser dans ses retranchements....

Mygale – Thierry Jonquet

«Alex était parti, après avoir embrassé le vieux. Huit jours plus tard, il attaquait la succursale du Crédit Agricole et tuait le flic. Au village, tout le monde devait avoir gardé la page du journal, avec la photo d'Alex à la Une et celle du flic en famille.»

Les fantômes de Breslau – Marek Krajewski

Dans la ville polonaise de Breslau, en 1919, sous occupation allemande, Eberhard Mock occupe le poste d'inspecteur à la Brigade des Mœurs. Aucun bordel, aucune prostituée, ne sont inconnus à cet homme amateur de bonne chair, de femmes et de vodka. Mock, depuis la fin de la Grande Guerre est cependant victime de cauchemars atroces et réguliers que seul l'alcool permet d'éviter. C'est dans ce contexte, après une nuit passablement agitée, que le subordonné de Mock vient lui annoncer que quatre jeunes hommes habillés en marin viennent d'être trouvés atrocement mutilés sur une petite île de l'Oder. La police trouve près des victimes une feuille avec une citation de la Bible adressée à Mock lui-même. Cette enquête marquée par le désœuvrement de l'après-guerre, le crime, les établissements douteux et l'émergence de la drogue, va faire ressurgir le passé encore très proche de l'inspecteur et, bien sûr, de nouveaux meurtres sont commis…

Le faiseur d'histoire – Stephen Fry

Le choc frontal entre Michael Young, thésard en histoire à Cambridge, et le professeur Zuckermann, vieux physicien obsédé par l'une des périodes les plus sombres du XXe siècle, va changer l'histoire – littéralement. Mais pour cela, il faut aussi compter sur une pilule miracle, sur le rival oublié d'un petit teigneux autrichien et sur la fatale élasticité du temps. Le pire n'est jamais certain, mais le mieux ne se trouve pas forcément non plus là où on l'attendait... Tout à la fois uchronie brillante, thriller captivant et comédie romantique gay, Le faiseur d'histoire tient de Douglas Adams et d'Armistead Maupin pour son intelligence, son humour et son politiquement incorrect.

  • Points Seuil

Une vie à brûler – James Salter

James Salter fait figure de légende. A cet ancien pilote de l'US Air Force, romancier et scénariste à Hollywood, on prêtait un amour excessif du danger, le goût des femmes et une passion pour la France. Et l'on n'avait pas tort, à en juger par son autobiographie. Même si Salter s'y montre moins soucieux d'entretenir la légende que de dire la vérité. Et Salter raconte : son enfance à New York dans les années 20, l'influence de son père qui le conduit à West Point, la prestigieuse académie militaire où - fait rarissime pour un Juif - il fait toutes ses études avant d'entrer dans l'armée de l'air, la Corée et ses missions de pilote de chasse sur les premiers jets supersoniques. Il démissionne de l'armée pour se consacrer à l'écriture, devient romancier ("Un sport et un passe-temps", "Un bonheur parfait") et scénariste. Dans le récit qu'il en fait, Salter trace des portraits, de Kerouac à Irvin Shaw, de Robert Redfort à Joe Fox.

Aurora Kentucky – Carolyn D. Wall

En 1938, dans le Kentucky marqué par la pauvreté et le racisme, Olivia Harker survit en tenant une épicerie. Dans son cabanon isolé dans la montagne, elle élève son petit-fils, s'occupe de sa mère à moitié folle et prend soin des loups que son grand-père ramena jadis d'Alaska. Un jour, elle décide de faire déplacer la tombe de son père pour l'avoir près d'elle. Sans se douter que, ce faisant, elle va s'attirer la colère de son sinistre voisin Arnold Phelps, et déterrer un secret que ceux qui l'aiment lui cachent depuis des années.

My first Sony – Benny Barbash

Un magnétophone Sony : il n'en faut pas plus à Yotam pour enregistrer tout ce qui est à portée de ses oreilles. La vie déglinguée de ses parents, les cris hargneux de ses voisins, les souvenirs de guerre de son grand-père, les histoires pittoresques de famille et des autres à propos de la politique, l'amour, la Shoah ou l'immigration : c'est tout un portrait de la société israélienne qui est brossé à travers des êtres truculents.

Le roman de Bergen – Tome 1 – 1900 L'aube – Gunnar Staalesen

Janvier 1900 : la Norvège est en pleine révolution industrielle, lorsqu'une affaire embarrassante éclate à Bergen. Un notable de la ville a été assassiné après avoir passé la nuit avec une prostituée. Quand le principal suspect se suicide, l'enquête est close. Pourtant, l'inspecteur Moland continue à s'interroger sur cette affaire, dont les ramifications se mêlent au destin de Bergen jusqu'à la Grande Guerre. C'est le début d'une immense saga romanesque, qui traversera tout le siècle.

Lune captive dans un œil mort – Pascal Garnier

Aux la tranquillité ! Convaincus par un agent immobilier, Martial et Odette quittent leur banlieue pour passer leur retraite dans une résidence ultramoderne et ultrasécurisée du Sud de la France. Les prospectus décrivaient un univers paradisiaque mais, à leur arrivée, les lieux sont quasiment inoccupés. Quand des gitans s'installent à proximité de leur prison dorée, la paranoïa ne tarde pas à s'installer. Et si la vraie menace venait de l'intérieur ?

Via Vaticana – Igal Shamir

Gal Knobel, violoniste et espion israélien, découvre le cadavre de son vieil ami Vittirio dans sa loge. Le mort était en quête du mythique violon du roi David. Selon la légende, ce trésor enfoui depuis des siècles dans les caves secrètes du Vatican contiendrait le secret de fabrication des Stradivarius. En partant lui aussi à la recherche de l'instrument, Knobel se trouve entraîné dans un engrenage terrifiant où s'affrontent la mafia, des néonazis et les prélats du Vatican.