- L'été chagrin - Henri Husetowski - Buchet Chastel Éditions
En cet été 1942, David Duval se pose de nombreuses questions, sur la vie en général et la sexualité en particulier, du haut de ses dix ans. Sa mère, Veuve Yourguevitch a eu la main heureuse en se remariant avec M. Albert Duval. Il faut dire que le précédent - Isaac Yourguevitch - était un fainéant venu de sa Pologne natale pour porter des sacs de ciment "[...] pour construire des ponts et contribuer ainsi à la grandeur du pays". Mais personne, dans le voisinage n'était vraiment dupe. Il était simple manœuvre sur les chantiers. Avec M. Duval, Madame Veuve Yourguevitch devenait française. Et David avec elle, puisqu'il l'avait adopté. Cela les protègerait pour l'avenir qui s'avérait incertain en ces temps troublés. Pour se rassurer définitivement, Madame Duval avait fait baptiser son fils. D'un coup, il devenait français et catholique et donc protégé en cas de malheur. De quoi ne plus être inquiet par ces temps aléatoires. Pour éviter que David ne finisse comme Isaac, porteur de sacs et coureur de jupons, il a promis à sa mère de devenir ingénieur plus tard. David a un camarade de jeu, Yacov, qui est gras, sale comme un peigne et Juif comme David, avant d'être reconnu par ce M. Duval. "Je sais que ma mère, Mme Veuve Duval, n'est pas très appréciée dans la rue Jeanne d'Arc, à cause du nom Duval, justement. Y a que Chopinette qui s'en fout. Lorsque mon premier père, Isaac, est mort, j'étais tout petit, elle s'est remariée au bout de deux ans avec M. Albert Duval qui m'a reconnu. J'avais cinq ans, j'en ai dix maintement, je vais sur mes onze ans. Maman disait que par les temps qui courent, c'est bien de s'appeler Duval, et je me disait qu'elle avait raison puisque c'était ma mère et que j'avais encore toutets mes illusions sur elle. Et en plus, s'appeler David Duval faisait que j'étais devenu catholique à l'église. Ca aussi, c'était une idée de maman qui aurait bien voulu qu'on me répare par la même occasion la partie manquante au bout de mon zizi".
Comme tous les enfants de son âge, le petit David s'interroge sur sa religion qui a changé avec sa nouvelle nationalité, sur sa circoncision qui ne peut pas repousser et qui risque de lui poser des problèmes avec les filles plus tard. Les filles, justement, il ne sait même pas les différencier. Il confond les goys et les juives. Pour lui, elles se ressemblent toutes. Même celles qu'il a vu nues, comme Madame Lafayette - sa voisine. Il est incapable de distinguer leur religion. D'ailleurs, David et sa mère ne sont plus Juifs, puisqu'ils ne portent pas l'étoile jaune obligatoire. Il est différent de son copain Yacov et de ses frères et sœurs ou de la vieille Madame Souslovska à qui l'on a imposé ce signe distinctif. Il n'y a que Yacov qui soit réellement fier d'arborer cette étoile qui le distingue des autres camarades d'école. David a bien demandé à sa mère s'il ne pourrait pas avoir la même, mais elle lui a martelé qu'ils étaient français et n'avaient plus rien à voir avec les Juifs. Ce n'est pas ce que pense la police française. Un bruit court depuis quelques jours que des rafles concernant les Juifs se prépareraient dans le plus grand secret partout en France. "A la fin, il me dit que c'est à cause de la police qui est venue tout à l'heure, je luis réponds que je suis au courant, ma mère m'en a parlé. Alors, il se décide : le bruit court qu'on veut prendre les juifs et les emmener en Allemagne, et à Drancy d'abord. Drancy, c'est à côté de Paris, un endroit où on met tout le monde pour partir en Allemagne dans les trains. "C'est des bruits, faut pas s'affoler, mais vaut mieux prendre des précautions, c'est pour ça que je reste ici. C'est le soir qu'ils viennent, les gens sont chez eux le soir. Les inspecteurs sont pas venus chez Fêtnat, il ajoute : pas pour le moment. Alors, il vaut mieux que je me montre pas. Tout ça me dépasse. Ça sert à quoi d'être français et pas juif, si c'est pour être traité comme ça ?".
Dorénavant, pour protéger son fils contre une rafle, Mme Veuve Duval enverra David dormir chez Fêtnat, sénégalais et musulman. Là, il sera protégé. David ne comprend rien aux angoisses des adultes. Devoir se cacher, dormir chez un voisin, être silencieux, ne pas répondre si l'on frappe à la porte, ne pas aller jouer au foot avec les copains, tout cela est difficile à vivre pour un enfant aussi jeune et avide de vivre. Et puis, du jour au lendemain, David se retrouve seul, sans son ami Yacov, sans sa mère disparue, sans Fêtnat, sans Chopinette, sans plus personne. Il comprend que les adultes lui ont menti. Pour oublier son chagrin, exorciser ses peurs et chasser les craintes liées à la sordide réalité qui s'offre à lui, David s'inventera un monde fait de méchants punis par des héros dont il fait partie. " Et puis, j'y tiens plus, je prends la mitrailleuse sous le lit, j'ouvre grande la fenêtre et je hurle : "Aux armes citoyens !". J'attache le drapeau français sur le montant en bois et je tire ! Je tire ! Je tire ! Les Boches tombent en criant, Chopinette balance ses grenades, elle aussi elle crie, elle dit :"A bas les Boches !". Elle lâche son litron qui se casse, un soldat glisse sur le pinard et s'étale, [...] Yacov rentre dans la pièce, il a une tranche de jambon accrochée à un cordon autour de son cou, il veut faire partie des résistants intrépides et me demande ce qu'il doit faire en me disant c'est toi le chef [...]".
"L'été chagrin" de Henri Husetowski se déroule sur trois semaines, avant, pendant et après les 16 et 17 juillet 1942, dates de la sinistre rafle du Vél d'Hiv à Paris. L'auteur retrace les derniers jours de cet enfant vif, intelligent, sensible et attachant. Menteur et hâbleur comme le sont tous les petits de dix ans, David Duval-Yourguevitch raconte son quotidien avec ses mots et sa vision d'enfant par la plume légère, simple et ingénue de Henry Husetowski. Dans son quartier d'une ville de province jamais nommée, David nous présente ses voisins, personnages pittoresques, picaresques et hauts en couleurs, d'une rue peuplée de petites gens qui survivent grâce à leurs boutiques et aux petits métiers de l'époque. Dans l'entourage de David, il y a surtout la mère, juive jusqu'au bout des ongles, qui idolâtre son fils, ne lui trouve que des qualités malgré ses mensonges éhontés, le surprotège au point de l'étouffer. La vieille Madame Souslovska qui refusera de porter l'étoile et préférera en finir avec la vie plutôt que de se soumettre. Et puis Chopinette, la clocharde du quartier qui vit de la charité locale et fait de la résistance à sa façon. Enfin, Régala l'épicier que David et Yacov soupçonnent d'antisémitisme. Le Père Noisiel, qui a baptisé David et lui viendra en aide au pire moment. Dans ce monde d'adulte où l'innocence est dédaignée, piétinée, anéantie, David se sent perdu. Son comportement envers les autres s'en trouve irrémédiablement modifié, transformé. Ce qu'il a vu et vécu en quelques semaines le perturbera au point de le faire sombrer dans une folie délirante où tout le monde devient l'ennemi à combattre. Il ne comprend pas l'abandon brutal de sa mère si proche, la disparition étrange de Yacov, dont il avait parfois honte, mais qu'il aimait quand même bien. Il ne sait pas pourquoi la rue Jeanne d'Arc s'est soudain vidée de la plupart de ses habitants. David devrait tout quitter, fuir, laisser derrière lui sa vie à peine commencée, ses souvenirs et son passé effleuré. "L'été chagrin" nous parle de ces enfants à qui des adultes ont arraché leur naïveté pour les plonger dans le chaos et la violence d'une situation qui les dépassait. Ces enfants se sont non seulement retrouvés orphelins de leurs parents, mais aussi de leur propre histoire. Dans tous les cas, "L'été chagrin" de Henri Husetowski ne laissera pas indifférent ceux qui liront ce roman tiré d'une histoire vraie et les marquera longtemps.
Encore un grand merci à Guillaume de Babelio pour cette découverte d'une grande sensibilité, reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Plusieurs avis, dont celui d'Esméraldae, de Dédale sur Biblioblog, de Miss Rose ... D'autres peut-être ? Merci de vous manifester par un petit message que je vous ajoute à la liste ...
320 - 1 = 319 livres ... parce qu'il est passé de ma LAL à ma PAL !
Comme tous les enfants de son âge, le petit David s'interroge sur sa religion qui a changé avec sa nouvelle nationalité, sur sa circoncision qui ne peut pas repousser et qui risque de lui poser des problèmes avec les filles plus tard. Les filles, justement, il ne sait même pas les différencier. Il confond les goys et les juives. Pour lui, elles se ressemblent toutes. Même celles qu'il a vu nues, comme Madame Lafayette - sa voisine. Il est incapable de distinguer leur religion. D'ailleurs, David et sa mère ne sont plus Juifs, puisqu'ils ne portent pas l'étoile jaune obligatoire. Il est différent de son copain Yacov et de ses frères et sœurs ou de la vieille Madame Souslovska à qui l'on a imposé ce signe distinctif. Il n'y a que Yacov qui soit réellement fier d'arborer cette étoile qui le distingue des autres camarades d'école. David a bien demandé à sa mère s'il ne pourrait pas avoir la même, mais elle lui a martelé qu'ils étaient français et n'avaient plus rien à voir avec les Juifs. Ce n'est pas ce que pense la police française. Un bruit court depuis quelques jours que des rafles concernant les Juifs se prépareraient dans le plus grand secret partout en France. "A la fin, il me dit que c'est à cause de la police qui est venue tout à l'heure, je luis réponds que je suis au courant, ma mère m'en a parlé. Alors, il se décide : le bruit court qu'on veut prendre les juifs et les emmener en Allemagne, et à Drancy d'abord. Drancy, c'est à côté de Paris, un endroit où on met tout le monde pour partir en Allemagne dans les trains. "C'est des bruits, faut pas s'affoler, mais vaut mieux prendre des précautions, c'est pour ça que je reste ici. C'est le soir qu'ils viennent, les gens sont chez eux le soir. Les inspecteurs sont pas venus chez Fêtnat, il ajoute : pas pour le moment. Alors, il vaut mieux que je me montre pas. Tout ça me dépasse. Ça sert à quoi d'être français et pas juif, si c'est pour être traité comme ça ?".
Dorénavant, pour protéger son fils contre une rafle, Mme Veuve Duval enverra David dormir chez Fêtnat, sénégalais et musulman. Là, il sera protégé. David ne comprend rien aux angoisses des adultes. Devoir se cacher, dormir chez un voisin, être silencieux, ne pas répondre si l'on frappe à la porte, ne pas aller jouer au foot avec les copains, tout cela est difficile à vivre pour un enfant aussi jeune et avide de vivre. Et puis, du jour au lendemain, David se retrouve seul, sans son ami Yacov, sans sa mère disparue, sans Fêtnat, sans Chopinette, sans plus personne. Il comprend que les adultes lui ont menti. Pour oublier son chagrin, exorciser ses peurs et chasser les craintes liées à la sordide réalité qui s'offre à lui, David s'inventera un monde fait de méchants punis par des héros dont il fait partie. " Et puis, j'y tiens plus, je prends la mitrailleuse sous le lit, j'ouvre grande la fenêtre et je hurle : "Aux armes citoyens !". J'attache le drapeau français sur le montant en bois et je tire ! Je tire ! Je tire ! Les Boches tombent en criant, Chopinette balance ses grenades, elle aussi elle crie, elle dit :"A bas les Boches !". Elle lâche son litron qui se casse, un soldat glisse sur le pinard et s'étale, [...] Yacov rentre dans la pièce, il a une tranche de jambon accrochée à un cordon autour de son cou, il veut faire partie des résistants intrépides et me demande ce qu'il doit faire en me disant c'est toi le chef [...]".
"L'été chagrin" de Henri Husetowski se déroule sur trois semaines, avant, pendant et après les 16 et 17 juillet 1942, dates de la sinistre rafle du Vél d'Hiv à Paris. L'auteur retrace les derniers jours de cet enfant vif, intelligent, sensible et attachant. Menteur et hâbleur comme le sont tous les petits de dix ans, David Duval-Yourguevitch raconte son quotidien avec ses mots et sa vision d'enfant par la plume légère, simple et ingénue de Henry Husetowski. Dans son quartier d'une ville de province jamais nommée, David nous présente ses voisins, personnages pittoresques, picaresques et hauts en couleurs, d'une rue peuplée de petites gens qui survivent grâce à leurs boutiques et aux petits métiers de l'époque. Dans l'entourage de David, il y a surtout la mère, juive jusqu'au bout des ongles, qui idolâtre son fils, ne lui trouve que des qualités malgré ses mensonges éhontés, le surprotège au point de l'étouffer. La vieille Madame Souslovska qui refusera de porter l'étoile et préférera en finir avec la vie plutôt que de se soumettre. Et puis Chopinette, la clocharde du quartier qui vit de la charité locale et fait de la résistance à sa façon. Enfin, Régala l'épicier que David et Yacov soupçonnent d'antisémitisme. Le Père Noisiel, qui a baptisé David et lui viendra en aide au pire moment. Dans ce monde d'adulte où l'innocence est dédaignée, piétinée, anéantie, David se sent perdu. Son comportement envers les autres s'en trouve irrémédiablement modifié, transformé. Ce qu'il a vu et vécu en quelques semaines le perturbera au point de le faire sombrer dans une folie délirante où tout le monde devient l'ennemi à combattre. Il ne comprend pas l'abandon brutal de sa mère si proche, la disparition étrange de Yacov, dont il avait parfois honte, mais qu'il aimait quand même bien. Il ne sait pas pourquoi la rue Jeanne d'Arc s'est soudain vidée de la plupart de ses habitants. David devrait tout quitter, fuir, laisser derrière lui sa vie à peine commencée, ses souvenirs et son passé effleuré. "L'été chagrin" nous parle de ces enfants à qui des adultes ont arraché leur naïveté pour les plonger dans le chaos et la violence d'une situation qui les dépassait. Ces enfants se sont non seulement retrouvés orphelins de leurs parents, mais aussi de leur propre histoire. Dans tous les cas, "L'été chagrin" de Henri Husetowski ne laissera pas indifférent ceux qui liront ce roman tiré d'une histoire vraie et les marquera longtemps.
Encore un grand merci à Guillaume de Babelio pour cette découverte d'une grande sensibilité, reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Plusieurs avis, dont celui d'Esméraldae, de Dédale sur Biblioblog, de Miss Rose ... D'autres peut-être ? Merci de vous manifester par un petit message que je vous ajoute à la liste ...
320 - 1 = 319 livres ... parce qu'il est passé de ma LAL à ma PAL !