Happy New Year 2010 !
Meilleurs vœux
Très bonne année 2010 !
Best Wishes
Frohes Neues Jahr 2010 !
Mis Mejores Deseos
Feliz ano nuevo 2010 !
Voilà une montre trépidante, qui a du mal à tenir en place. Elle glisse de main en main, passe d'un propriétaire à un autre, part d'un continent l'autre, sans jamais s'arrêter pour souffler un peu, remontée qu'elle est comme un coucou suisse. "Filibuth ou la montre en or" où les péripéties d'une superbe montre en or achetée chez Breguet en 1804 par Bastien Lafleur. On la retrouve dans les années 1920 chez une concierge - Rose Lafleur - au 105 rue Gabrielle à Montmartre. "La rue Gabrielle n'est pas un quartier moderne. Ses villas à terrasses lézardées semblent construites pour le repos : des travailleurs bien pauvres les habitent". Cette Rose Lafleur n'est pas réellement un personnage fréquentable. "Mme Lafleur ne vaut pas cher, d'abord elle boit, c'est une ivrognesse, ensuite c'est une personne relativement sale et désordonnée, on peut le dire sans exagération, en 3ème lieu, elle ne connaît pas la valeur des objets ni la mesure, il en résulte qu'elle en perd un grand nombre. Elle n'a pas honte de sortir le soir pour courir les rues". Il faut dire que celle-ci a hérité de cette montre agitée à la mort de "Père", petit-fils de Bastien et - accessoirement - employé du gaz.
Ce que l'on peut dire, c'est que cette montre est pour le moins convoitée. Par la famille Lafleur d'abord, dont le fils aîné de Rose - Alfred Lafleur -, qui la lui subtilisera pour la mettre au Mont de Piété afin de survivre. Par l'oncle Georges, ensuite. Frère du défunt propriétaire de la-dite montre et tuteur des enfants Lafleur. Il se considère comme l'héritier légitime de cette montre extravagante. "Il était poli, prudent, réservé. Son esprit était correct, grave, petit, mince, propre, clair, habile comme sa personne". Enfin, par une bande de pendards. A la suite de multiples péripéties, la montre cavaleuse est lorgnée par une bande de malandrins parisiens en mal de bonne fortune. Elle atterri chez Léonce Sancoin, cafetier de son état."Les bras agiles de Léonce qui frottaient le comptoir étaient plus expressifs que son regard qui accueillait le client". Elle finira par échouer sur le bureau d'un juge d'instruction où elle servira d'appât à un soi-disant réseau d'espionnage franco-autrichien.
De Montmartre à la Chine, de Marseille au Japon, la montre vivra mille vies aux rythmes remuants de ses propriétaires éphémères. Elle servira même de séances d'hypnose à Venise, jouera sur les planches du théâtre San Théodoro "Madame Sans Gêne", sera avalée par un cochon et remarquée par Aristide Briand. Elle reviendra à Montmartre chez Rose Lafleur pour être offerte en cadeau de mariage à son fils aîné. Après autant de rebondissements, on pourrait penser que la montre en or souhaite se calmer un peu. Pas du tout. A force d'être désirée par tous ceux qui l'approchent, la montre écartelée entre tant de convoitises de la part des uns et des autres, finira tristement.
Max Jacob prend prétexte de la course à la montre pour décrire des personnages cocasses et truculents vivant des situations insolites. On y retrouve toute la gouaille, la chaleur, le pittoresque d'un Paris populaire de l'entre deux guerre. C'est un roman sans dessus, ni dessous, où tout se mélange agréablement ; un roman hors du commun qui allie conte moral et poésie fantasque pour le bonheur du lecteur. Un lecteur qui retrouve avec "Filibuth ou la montre en or" toute la verve, la sagacité des œuvres de Max Jacob.
317 - 1 = 316 livres ... Patience !
Pour ceux et celles qui ne s'en seraient pas encore rendus compte, j'avoue une attirance particulière pour la littérature allemande. Je la trouve tout à la fois romantique et exaltée, envoûtante et intense, avec une troublante acuité. Je concède que celle-ci ne capte pas toujours l'intérêt des lecteurs. Et c'est bien dommage. Ils y trouveraient de réels petits bijoux à apprécier et s'en délecteraient. Au cours de mes explorations chez les écrivains allemands, j'ai trouvé Klaus Mann. Je connaissais le père - Thomas Mann - et l'oncle - Heinrich Mann - je suis partie à la rencontre du 3ème du nom. Celle-ci s'est transformée en un réel coup de foudre.
Klaus Heinrich Thomas Mann est né à Munich, en novembre 1906. Il arrive un an, jour pour jour, après sa sœur Erika. Les "enfants terribles" de Thomas Mann, surnommé "Le magicien" par Klaus, seront élevés comme des jumeaux et seront très proches l'un de l'autre tout au long de leur vie. A tel point que de sombres rumeurs d'inceste ne se dissiperont jamais concernant l'ambiguïté de leurs relations. Toute sa vie durant, Klaus Mann se débattra pour exister par lui-même et se faire un prénom, à défaut d'un nom déjà connu et auréolé du prestigieux Prix Nobel de Littérature en 1929, obtenu par son père, surdoué de la littérature allemande.
Son enfance munichoise est rythmée par les visites des amitiés intellectuelles, artistiques et politiques de son père. Difficile, dès lors, de ne pas être influencé par cet environnement propice aux découvertes littéraires et aux engagements politiques futurs. En 1915, il est hospitalisé plusieurs mois suite à une appendicite aiguë. "En me frôlant, l'ombre de la mort m'a laissé son empreinte", écrira-t'il plus tard. Désormais, l'idée de la mort le hantera en permanence. Son adolescence est perturbée. Il s'éveille à l'homosexualité, ce qui lui vaudra les foudres des bien-pensants et des bigots de l'époque. Mais pas seulement. Les relations avec son père sont difficiles, voire conflictuelles, lui qui jette un œil intransigeant et exigeant sur le travail de son fils. Klaus Mann cherchera jusqu'au bout la reconnaissance de ce père qu'il admire. De même, sa dépendance aux drogues dures qu'il consommera régulièrement dès les années 20 lui fera alterner cures de désintoxication et rechutes, sans jamais pouvoir décrocher. Très tôt, il sera victime d'un syndrome dépressif qui ne le quittera plus, et dont l'ardeur de son engagement intellectuel ne compensera jamais.
Néanmoins, malgré son homosexualité Klaus Mann se fiance en 1924 avec Pamela Wedekind. Cette même année il devient critique artistique à Berlin et publie ses premiers écrits dans divers journaux. En 1928, après avoir voyagé à travers le monde avec Erika sa sœur, son double, Klaus Mann fait la connaissance d'André Gide, de Jean Cocteau et de René Crevel, dont il devient l'ami très intime. De cette rencontre avec André Gide, il écrira un excellent essai en 1943 : "André Gide et la crise de la pensée." Cette influence - décisive - le fera évoluer de l'esthétisme vers un engagement moraliste.
Opposant de la première heure au nazisme, Klaus Mann contredira l'image de dandy, de jeune homme futile et décadent que l'on s'imagine facilement, compte tenu de son milieu et de sa façon de vivre. Il mesure très vite l'ampleur du danger qui menace son pays et l'Europe. Il quitte l'Allemagne en 1933 et mobilisera inlassablement en Europe l'opposition intellectuelle contre le nazisme. En exil à Amsterdam, il fonde une revue littéraire anti-nazie "Die Sammlung" à laquelle participe de nombreux intellectuels de langue allemande. En 1935, déchu de la nationalité allemande par le régime en place, il obtient la citoyenneté tchécoslovaque. En 1938, il s'installe aux États-Unis, après une participation à la guerre d'Espagne en tant que correspondant. Il publie en 1939 "Escape to life", un livre témoignage sur l'émigration allemande, encensé par la critique et le public à sa sortie. En 1939, la sortie de "Volcan", son roman le plus important et le plus ambitieux, est l'occasion de cette reconnaissance paternelle, tant attendue, tant voulue, tant espérée. "Je l'ai lu de bout en bout, avec émoi et amusement ... Plus personne ne contestera que tu es meilleur que la plupart. Ce qui explique ma satisfaction en te lisant."
Dégoûté par la langue allemande, pervertie par le nazisme et ses horreurs, Klaus Mann écrira son autobiographie en anglais en 1942, "Le tournant", reprise après la guerre en allemand. C'est un témoignage exceptionnel sur la vie littéraire et intellectuelle allemande des années 1920, sur les espoirs et les désillusions d'une génération face à la République de Weimar et sur la condition des exilés allemands. Naturalisé américain en 1943, il s'engage dans l'armée auprès du service de propagande où il participe à la "guerre psychologique" en Italie, puis lors de la campagne d'Allemagne. En 1945, il retourne à Munich et retrouve la maison familiale pillée et endommagée. Cette vision le perturbera beaucoup, de même que sa fonction d'interprète auprès de Goering lors de son interrogatoire pour le procès de Nuremberg. Après la guerre, Klaus Mann se propose de participer à la dénazification de la société allemande, mais s'aperçoit que les écrivains exilés sont méconnus dans leur pays et - souvent - sans avenir. Entre cette Allemagne en ruines qu'il retrouve et lui, le divorce est définitif, et rien ne comblera cet abîme d'incompréhension.
En proie à de graves problèmes financiers, désespéré par les suicides de ses amis, profondément déprimé, drogué, il se suicide à Cannes en mai 1949. Thomas Mann écrira à Herman Hesse à son sujet : "Mes rapports avec lui étaient difficiles et point exempts d'un sentiment de culpabilité puisque mon existence projetait par avance une ombre sur la sienne [...]. Il travaillait trop vite et trop facilement."
Il nous faudra attendre les années 1970 - 1980 pour voir ses œuvres publiées ou réimprimées. Celui qui n'avait été - aux yeux de tous - que le fils prodigue de Thomas Mann, sera enfin reconnu comme l'un des écrivains les plus originaux et parmi les meilleurs de sa génération.
Ses principales œuvres