31 décembre 2008

EXCELLENTE ANNEE 2009


Déjà 2009, alors que je n'ai pas vu passer 2008. Pas de bilan de lecture pour l'instant. Je laisse cela pour le début de la prochaine année. Juste un mot pour vous dire combien je suis heureuse de pouvoir partager avec vous tous et toutes ces petits instants qui sont autant de madeleines de Proust. Lectures, photos, extraits et quelques autres petits riens souvent insignifiants, mais - oh combien - importants pour moi, et pour vous je l'espère aussi un peu.

2009 sera l'année de la continuité, de la poursuite de mes lectures, découvertes, rencontres - virtuelles ou réelles - et quelques autres nouveautés.

Je vous souhaite à tous et à toutes une excellente année 2009, remplie de pleins de bonnes et belles choses, en plus des lectures. Je vous dis à l'année prochaine ... dans quelques heures !!

30 décembre 2008

L'EQUILIBRE INTERIEUR


"Ces anciens symboles chinois, correspondaient à la lune et au soleil - concepts fondamentaux de l'univers - mais ils avaient aussi des implications dans la nature de l'histoire humaine. Le blanc et le noir sont les forces opposées qui constituent l'univers. Constamment, ils sont en mouvement, changent, s'affectent mutuellement. Cette action est le cœur de l'existence. La lumière et les ténèbres, le bien et le mal, le oui et le non, le masculin et le féminin, la dureté et la douceur, l'intelligence et l'ignorance [...]".

Extrait - "Le Portrait de Madame Charbuque" - Jeffrey Ford

29 décembre 2008

L'AFFAIRE YECHOUA

  • L'Évangile selon Pilate - Éric Emmanuel Schmitt (Livre de Poche n°30514)


"Les soldats nettoient leurs armes. Des messagers s'éparpillent dans les rues noires pour convoquer le tribunal. Le menuisier caresse la croix sur laquelle je vais sans doute saigner demain. Les bouches chuchotent, tout Jérusalem sait déjà que je vais être arrêté. Ils croiront me surprendre ... Je les attends. Ils cherchent un accusé, ils trouveront un complice". Un homme attend, dans le Jardin des Oliviers de Jérusalem que les soldats romains viennent l'arrêter. Qui est cet homme ? Qu'a-t-il bien pu faire pour susciter une telle levée de bouclier ?

Yéchoua Ben Yoseph, de Nazareth, n'aspirait qu'à être menuisier, comme son père. Celui-ci souhaitait le voir devenir rabbin. Difficile pour un jeune garçon de se consacrer corps et âme à l'étude de la Loi. La perte de son père va bouleverser la vie insouciante de Yéchoua. Il prendra conscience du poids de la religion dans la vie quotidienne, de son impact dans le comportement de chacun. De colère, il décidera
de ne pas aimer Dieu, mais les hommes en général, de ne pas les juger dans leurs actes ou leurs paroles, juste de les écouter et de les réconforter à chaque instant de leur existence. Seulement ce rôle de prophète laïc déplaît aux autorités religieuses qui ne reconnaissent aucun droit légitime à Yéchoua d'aider et de conseiller les âmes en peine. Sans même le savoir, il commettait le péché d'orgueil et de vanité.

Pour se laver de ces outrages, Yéchoua part rejoindre un vague cousin, Yohanân,
prophète sur les bords du Jourdain. Lors de leur rencontre, Yohanân le Plongeur reconnaîtra en Yéchoua l'élu de Dieu. Effrayé, il partira dans le désert pour méditer sur le sens à donner à la vie en général, à la sienne en particulier. "Je ne m'étais pas trouvé, moi, au fond de ce désert. Non. J'avais trouvé Dieu. Dès lors, chaque jour je refis le voyage immobile. Je grimpais sur le monticule et plongeais à l'intérieur de moi. J'allais vérifier le secret". De retour de son exil intérieur, Yéchoua décide de parcourir la Galilée, vivant de méditations, de bonnes paroles et d'offrandes, dormant à la belle étoile. Refusant de vivre comme les autres hommes - pour l'argent, la matérialité et le pouvoir -, Yéchoua deviendra le frère des exclus, des inadaptés, des pauvres, des persécutés, des femmes, des humbles, des faibles, des démunis. "Moi, je n'aimais que les exclus de cette partie stupide, les inadaptés, ceux que le jeu rejetait : les pauvres, les doux, les affligés, les femmes, les persécutés. Les pauvres devinrent mes frères, mon idéal. Ils ne cherchent pas à se mettre à l'abri du besoin, car ce serait se mettre à l'abri d'eux-mêmes [...]". On lui attribuera des miracles, des guérisons physiques et spirituelles, des multiplications de pains et de poissons. Petit à petit, la rumeur se propage, enfle, se répand, s'insinue partout de Judée Samarie en Galilée : Yéchoua serait le Messie, le Fils de Dieu.

Si Yéchoua est bien le Christ, c'est à Jérusalem qu'il doit se rendre pour accomplir sa mission. Jérusalem, ville fascinante et méprisante, où seule l'apparence a de l'importance. Yéchoua n'obtiendra aucun succès. Au contraire, les docteurs de la Loi, les religieux, les pharisiens, les zélotes et les membres du Sanhédrin commencent sérieusement à s'inquiéter de
sa façon de parler de Dieu. Ils ne souhaitent que le voir arrêté pour blasphème et impiété. Yéchoua sait qu'il doit souffrir sur la croix pour ressusciter parmi les vivants.

Yéchoua n'est plus. Les religieux ont fait rendre leur justice par Ponce Pilate, préfet de Judée. Et tout
représentant de Rome qu'il est, Ponce Pilate a du mal à comprendre les autochtones. Alors qu'il fera tout pour sauver la vie de Yéchoua, lui éviter la crucifixion, la population l'incite à l'envoyer à la mort. Même en leur laissant le choix entre Yéchoua et l'infâme Barrabas, c'est le meurtrier sanguinaire que la foule sauve. "Je n'ai pas rendu ma justice, la justice de Rome, j'ai exécuté la leur, celle de mes opposants, la justice des saduccéens approuvée par les pharisiens, j'ai débarrassé ces Juifs d'un Juif qui les contredisait. Était-ce mon rôle ?". Mais voilà que le corps de Yéchoua a disparu. Personne n'a rien vu, rien entendu. Au nom de la sacro-sainte sécurité de cette région instable, Ponce Pilate décide de ne plus s'en laver les mains et de trouver qui a bien pu voler le corps. Qui, sinon ses disciples, a pu se rendre coupable de cette mascarade, dans le seul but de faire croire à une population crédule que Yéchoua est bien le représentant de Dieu parmi les hommes. Selon certains disciples, la disparition serait le fait de l'ange Gabriel. Ponce Pilate, quant à lui, est dubitatif, voire même perplexe face à cette annonce incongrue. "Tu mesures, à ce galimatias, ce que signifie être préfet de Judée. Je ne suis pas seulement exposé quotidiennement aux désordres des hommes - rivalités, soulèvements, émeutes - mais aussi aux désordres de leurs idées. Comme un vin qui fait perdre toute clarté, la Judée rend fou".

Peu à peu, certaines personnes ont vu Yéchoua, lui ont parlé. Parmi eux, Salomé de la maison d'Hérode, mais aussi Magdala, prostituée à Jérusalem ainsi que des pèlerins d'Emmaüs. Depuis, tous et toutes répandent la bonne parole, celle de sa résurrection. Ce pauvre bougre de Ponce Pilate se débat dans une enquête qui le
dépasse. Lui qui exige que cette disparition soit rationnelle, qui s'obstine à croire qu'il y a derrière tout cela de la manipulation, de la fourberie, du complot, refuse de voir et d'admettre une réalité qui le submerge parce qu'il ne le maîtrisera jamais : la foi.

Si le prologue de "L'Évangile selon Pilate" est écrit dans une langue empreinte de recueillement et de spiritualité, à la façon des Livres des Apôtres, la seconde partie est racontée par Ponce Pilate lui-même sous forme de lettres envoyées à Titus. Et là, le ton change radicalement. On passe du sérieux de la religion au profane et à la
truculence des romans policiers. On alterne, dans une langue belle, les scènes de spiritualité, de croyance, de philosophie religieuse et les passages drôles, cocasses du quotidien entre personnes ne partageant pas la même vision des événements. Ces deux parties sont comme les deux facettes d'une même médaille, on y croise le mysticisme des premiers chrétiens, l'inexpliqué et l'inexplicable, le rationnel, la logique et la matérialité. On perçoit le cheminement de l'auteur au travers de ce texte écrit sans fioritures, en toute simplicité. On ressent la foi rencontrée par Éric-Emmanuel Schmitt, mais aussi son questionnement et ses doutes face à cette espérance. Un livre magnifique qui contient - en appendice - tout le parcours de ce roman pour le moins iconoclaste.

Quelques critiques sur le site Zazieweb, Catherine de Biblioblog a apprécié ce livre pour l'originalité de son thème et la façon dont il est traité, Madame charlotte l'a trouvé passionnant et amusant, Anne-Sophie de La Lettrine a passé un très bon moment de lecture et de réflexion malgré les a-priori concernant l'auteur, Karine :) (déjà sous le charme d'un précédent roman de l'auteur) a trouvé ce roman intéressant. Et peut-être d'autres encore ... Merci de me le faire savoir.

28 décembre 2008

CHALLENGE LITTERATURE POLICIERE


Comme beaucoup d'entre vous, je m'étais jurée de ne plus craquer pour un challenge, particulièrement à la suite du challenge ABC 2008 qui a été une vraie catastrophe pour ce qui me concerne. Mais, comme beaucoup aussi, je ne peux m'empêcher de résister à certains challenges pour 2009, faciles à réaliser.

Outre le Blog au trésor de Grominou - pour lequel on doit lire 4 livres à piocher dans une liste établie sur son blog -, je me suis décidée à participer à un défi plutôt sympathique, celui de la littérature policière sur les cinq continents sur le blog de Catherine. Cinq livres à lire, au choix de chaque lecteur, à présenter sur son blog. Un livre policier par continent, c'est simple et réalisable. Donc, je me lance :
  • Patrick Pécherot : Belleville-Barcelone (Europe)
  • Richard Zimler : Le dernier kabbaliste de Lisbonne (États-Unis)
  • Yasmina Khadra : L'automne des chimères (Afrique)
  • Kerry Greenwood : Cocaïne et tralala (Océanie)
  • Batya Gour : Meurtre au kibboutz (Asie)

26 décembre 2008

L'ABECEDAIRE DE M. CYCLOPEDE

  • Fonds de tiroir - Pierre Desproges (Points P1891)


"Hélène Desproges a eu cette lumineuse et légitime idée, et, pour notre plus grand bonheur, les fonds de tiroir de l'ami Pierrot recelaient des trésors qu'il eût été dommage, voire injuste, de ne pas nous livrer, classés ainsi par ordre alphabétique, parce qu'il aimait bien quand c'était bien rangé".

L'abécédaire de ce "Fonds de tiroir" commence par le A de Abruti pour terminer en feu d'artifice par le Z de Zèle. Et personne n'est épargnée. Je ne peux m'empêcher de commencer par le Père Ducon au "regard de lavabo douteux de gros mou de petit-bourgeois, bouffi d'inexpugnable sottise", attaché au peloton d'exécution pour avoir laissé son chien faire ses besoins naturels sur le trottoir. Et de se rendre directement au B de Bestiaire avec un Pierre Desproges ami des animaux - particulièrement de son chat persan -, pourfendeur de corridas et des bouchers. Âmes sensibles, ne lisez pas ses conseils sportifs. Surtout lorsqu'il nous propose d'égailler une classique partie de tennis en remplaçant la petite balle jaune par ... un poussin !! Fou rire garanti. "Moi, je n'aurais pu être boucher. J'avais pas les tripes. Je n'aurais pas pu être matador. J'avais pas les tripes. Je n'aurais pas pu être Bardot. J'avais pas les fesses".

Continuons encore un peu dans la registre "la vie des animaux", et penchons-nous sur le C de Cochon. Outre les nombreux points communs avec cet animal si proche de l'homme, une différence nous distingue : notre comportement au seuil de l'abattoir. "[...] le cochon renâcle au portes de l'abattoir alors que l'employé aux écritures ou aux fourches monte à Verdun en chantant [...]". A méditer sérieusement pour l'avenir !! Je prie les défenseurs des animaux et autres âmes compatissantes de bien vouloir m'excuser pour ces quelques passages douloureux,
mais comme l'a si brillamment fait remarquer Pie XII à Himmler - au C de Confession -, "Faute avouée est à moitié pardonnée".

Dans son "Fonds de tiroir", Pierre Desproges a tenu à faire des excuses publiques au
E de son abécédaire. Lui qui disait malicieusement : "Peut-on rire de tout ? Oui, mais pas avec n'importe qui", a souhaité rectifier son comportement insolant face à un détail de l'Histoire. "[...] c'est pourquoi, afin qu'ils ne me tiennent pas rigueur de l'esprit grinçant que j'affiche dans le seul but d'être à la mode, je prie sincèrement les anciens nazis de bien vouloir m'excuser de me moquer d'eux aussi sottement et aussi peu charitablement". Au G de Genèse, on refait l'origine du monde, avec une Line Renaud créée au 3ème jour par un Dieu à la forme olympique. Après avoir créé la terre et l'univers, l'eau, le feu et les éléments, Dieu a fait l'homme à son image. Du moins, le pensait-il encore. Et avec l'homme, la femme. Et de croquer la pomme qui a provoqué leur expulsion du Paradis et le rachat de la faute par le travail. "Dieu est peut-être éternel, mais pas autant que la connerie humaine".

Tout est sujet à méditation au I de Interrogation, les rapports humains, le mépris, le dédain "Où est Dieu ? Que fait la police ? Quand est-ce qu'on mange ?". Lorsque Pierre Desproges s'inquiète de l'absence de religion chez les catholiques, il leur propose de réviser les fêtes au J de Jours de fête. A Noël, c'est Marie qui sera de la fête. La célèbre opération du Saint Esprit a consacré "la mode des mères porteuses [qui] devait tomber en désuétude pendant près de 2000 ans". Pour Mardi Gras, tout le monde se déguise pour ressembler à son héros. "Les cons se déguisent en imbéciles pour passer inaperçus". La Pentecôte est le traditionnel jour de visite aux belles-mères.

Malgré son ironie mordante, Pierre Desproges sait aussi faire profil bas au M de Montand. Alors que quelqu'un s'esbaudit de la grande simplicité de l'artiste malgré sa rencontre avec Krouchtchev, Desproges rappelle que son oncle Gaspard est - lui aussi - un homme discret. "[...] il a serré la main de Goering, mais il ne le crie pas sur les toits ! Y s'écrase !".

Mais Pierre Desproges n'est pas que l'ami des animaux, des cons, des imbéciles, des fachos, des cocos, des militaires, des hommes politiques et autres stars du show biz, il est aussi l'ami des sportifs. Au nom d'une moitié de Français que les joies du sport laissent de marbre, il remercie - à sa façon triviale -, au R de Remerciement, l'autre moitié d'imposer leur passion. "[...] je remercie vivement les tennismen qui se cassent une patte et les footballeurs qui ont la chiasse". Enfin, au Z de Zèle, de fustiger la femme seule qui - quelles que soient les raisons de cette solitude -, a toujours tort. "La femme seule n'a d'issue que dans l'héroïsme, où nul ne se plaindra de la voir sombrer".

"Fonds de tiroir" de Pierre Desproges est un recueil posthume de ce poil à gratter, artisan d'une langue française qu'il maniait à merveille. Cet abécédaire en est une ultime preuve, au cas où vous auriez encore quelques doutes sur son talent. Composé, pêle-mêle, de sketches, d'articles de presse, de citations, ou de lettres ouvertes, "Fonds de tiroir" offre au lecteur un instant de pure jubilation, d'éclats de rire, de ricanements et de grincements de dents. Écrit dans une langue riche et rabelaisienne sans être jamais vulgaire ou céder à la facilité, ce recueil aborde ses sujets de prédilection sans aucun tabou. "Fonds de tiroir" se lit d'une traite, le sourire aux lèvres. On le referme à regret en se disant que - décidément -, Pierre Desproges nous manque beaucoup par ces temps mélancoliques.

Pour continuer un peu, le site de Pierre Desproges à visiter ... Et, bonus, un sketch pour rire encore un peu après cette saine lecture.


22 décembre 2008

BIENTOT NOEL !!!


"L'immense harpe brillait dans le ciel de toutes ses longues cordes, tendres, luisants, posées sur un piédestal de maisons se confondant dans un clair gris d'argile sèche. Le soleil chauffait le vent, les parfums de plantes aromatiques qu'ils avaient écrasés sous leurs pas. Un peu de givre de Noël brillait dans l'étroite bande d'ombre au pied du mur de la chapelle, rappelant la raison de tant d'éclat dans les airs ... Noël, Noël, Noël ...".

Extrait - "Les Amants d'Avignon" - Elsa Triolet

20 décembre 2008

PAROLE A L'ACCUSE !!

  • Le collaborateur et autres nouvelles - Louis Aragon (Folio 2€ n°3618)


Pas évident de laisser la parole aux perdants, aux hésitants, aux salauds, à tous ceux qui ont le mauvais rôle, à ceux qui ont choisi le mauvais camp. Aragon - dont l'implication dans la résistance n'a jamais fait l'ombre d'un doute -, leur a prêté sa délicieuse plume pour dire, ou se raconter.

Dans "Les rencontres", Pierre Vandermeulen - alias Julep -, est journaliste dans un quotidien parisien. En attendant gloire et reconnaissance, il couvre les courses cyclistes, dont les Six Jours du Vel' d'Hiv'. C'est dans ce haut lieu Parisien que Julep a croisé Yvonne, sténo de presse au journal, venue avec Émile - son frère -, et Rosette, sa femme. Pas méchant, Émile. Plutôt gentil garçon, grand amateur de la Petite Reine. Julep rencontrera Émile à plusieurs reprises, souvent par hasard, dans le métro, le train, pour le départ d'un Tour de France, dans la rue, chez lui. Un brave garçon, Émile. Ouvrier et communiste, comme beaucoup dans les années 1930. Puis, la guerre est arrivée. Et la débâcle. L'Armistice et sa honte. Les sabotages, enfin. "On peut dire que c'est dans l'été 41 que les idées des gens changèrent. Pourquoi, je
ne sais pas. Les Allemands étaient devant Moscou, mais ils ne l'avaient pas pris. Dans les trains, les langues commençaient à se délier. Tout le monde ne pensait pas comme on le croyait". Pas vraiment anti-communiste, Julep, ni réellement fasciste, plutôt attentiste. A suivre le cours des événements et à prendre sa décision lorsque le vent tournerait franchement. Pour l'instant, il faut vivre. Ou survivre dans ce magma humain, mêlant bons et méchants, généreux et opportunistes, héros et félons. Pas facile quand on n'a pas d'idées politiques précises, comme Julep. Parfois, les vicissitudes de l'existence vous imposent la solution. Pas le temps de faire un choix. C'est Émile, encore une fois, qui lui montrera la voie à suivre. Comme une lueur dans la nuit. "Il n'y a pas si longtemps, j'aurais considéré Émile comme un bandit. Aujourd'hui, et ce n'est pas à force de réfléchir, c'est tout simple, les choses ont changé de sens, de signification. Pas seulement pour moi. Le boucher, par exemple. Le curé. Et presque tous, ici, ces gens qui ont travaillé toute leur vie, dans le respect des lois, saluant le maire. Petitement".

Grégoire Picot prend la place de Julep dans "Le collaborateur". Réparateur de radios, il a fort à faire en ces temps d'Occupation. Tout le monde écoute la radio -
BBC ou Radio Paris. Elle est devenue le seul moyen de distraction et d'information pour la plupart des Français en cette période de couvre-feu. Grégoire Picot est ouvertement collaborateur. Il est bien le seul dans son quartier. Berthe - sa femme -, a peur des Juifs. "C'était vrai que, dans le quartier, des tas de gens avaient varié d'opinion, depuis le 11 novembre. Grégoire Picot n'était pas comme ça, lui : il ne tournait pas sa veste toutes les cinq minutes. Une occupation, c'est une occupation, ça ne peut pas aller sans inconvénients, il fallait s'y attendre". Pierre, le fils Picot, a été tué par l'exode. Jamais les Allemands n'auraient pu le faire. Pierre ne leur avait rien fait de mal. De Pierre, ils ne leur restaient que Jacquot. Cet enfant était leur rayon de soleil quotidien. Grégoire Picot solliloquait à longueur de journées, contre les communistes, les gaullistes, les Anglais, les alliés, les bombardements, le marché noir. Contre tout ce qui n'était pas logique. Jusqu'au jour où un attentat est commis. Le durcissement du couvre-feu peut faire basculer un collaborateur dans l'autre camp.

Fr. Lotte Müller du "Droit romain n'est plus", est la 3ème voix de la collaboration. Secrétaire dans l'armée allemande, elle s'ennuie dans une petite ville de province. Il n'y a pas grand chose à faire, ni beaucoup d'endroits à fréquenter. Pas comme à Paris. Et puis, les soldats de la garnison sont sans intérêt, insipides et fades. Heureusement, Lotte Müller travaille pour le commandant Von Luttwitz-Randau, juge militaire. C'est l'occasion pour elle de sortir de sa routine, de s'amuser, de rire un peu. "Le Commandant n'est pas très drôle, mais on voit du monde au tribunal, des gens qu'on ne verrait pas sans ça. Des Français, des communistes, des assassins. Aussi des soldats à nous, qu'on a pris à faire ce qu'il ne faut pas, les déserteurs. C'est curieux, je déteste les déserteurs, mais ils m'intéressent". Fraülein Lotte Müller est membre du parti. Elle est vulgaire et égrillarde, à la différence du commandant, courtois et austère. Elle s'amuse à le rendre jaloux. Elle est facile et futile. Ils sont nazis et sûrs de leur engagement. La preuve, même des Français pensent comme eux et se battent à leurs côtés. Mais voilà qu'au cours d'une partie de campagne, le commandant et sa souris grise tombent sur une bande de maquisards. La peur de mourir, d'être torturé, l'envie de s'en sortir, de vivre l'après, poussent souvent les plus fanatiques à changer de comportement, à passer de l'autre côté de la barrière.

Trois nouvelles composent "Le collaborateur", écrites et publiées dans la
clandestinité en 1943. Aragon a laissé la parole à l'autre bord, à l'adversaire. Pas si évident que cela de libérer la parole de l'adversaire et d'oser l'écrire. Pas si facile d'écouter celui que l'on combat, celui qui chasse le Juif, le résistant, le politique, le mauvais sujet, le paria, la tondue. Trois courts récits qui vous prennent au corps pour nous présenter trois manières de voir la situation. De Julep à Lotte Müller, tous sont persuadés de la justesse de leur engagement ou de leurs pensées et sont sûrs d'être du bon côté. Tous évolueront - de gré ou de force -, pour se retrouver dans le camp des alliés. Dans un langage mêlant subtilement la poésie, l'allégresse, l'âpreté, la rage, Aragon combat l'Occupation. Cela nous donne un recueil tout en sensibilité, jouant sur toute la gamme des sentiments humains.

17 décembre 2008

15 décembre 2008

DU PARADIS A L'ENFER

  • Le pirate de haute mer et autres nouvelles - Francis Scott Fiztgerald (Librio 2€)

Trois nouvelles dans ce recueil de Francis Scott Fitzgerald, pour nous démontrer - une fois n'est pas coutume -, toute la gamme de son talent. Nouvelles qui commencent par une comédie légère et sucrée comme la vie des Happy People pour aller crescendo jusqu'au "Démon", qui aborde des rivages beaucoup plus obscurs, ceux de l'âme humaine.

"Le pirate de haute mer" - titre éponyme -, où l'histoire d'Ardita, vénus blonde au corps de naïade qui s'ennuie ferme du haut de ses dix-neuf ans. A bord du yacht de son oncle, le seule occupation de ses journées consiste en la lecture de "La révolte des anges" d'Anatole France, affalée sur une chaise longue. La jeune oisive est dans une colère folle contre son oncle qui veut la marier au fils du colonel Moreland. Parce que ce dont rêve Ardita, c'est d'amour et de prince charmant. Alors qu'elle se morfond sur "Le Narcisse", voici qu'un canot l'aborde avec, à son bord, sept hommes qui le
prennent d'assaut. C'est Curtis Carlyle et son big band, crooneur engagé au Jardin d'Hiver et au Folies de Minuit, qui joue les pirates de charme. "C'était un jeune homme à la bouche ironique, et aux yeux bleus et brillants de bébé bien portant, dans un visage brun et sensible. Il avait les cheveux très noirs, humides et bouclés - des cheveux de statue grecque passée au noir. Il était superbement bâti, élégamment vêtu, et ses mouvements avaient la grâce des mouvements d'acrobate". Curtis Carlyle avait fait fortune grâce au Ragtime, musique alors très en vogue. Mais le succès l'avait grisé et il s'y était brûlé les ailes. En réalité, il se sentait blasé, et en avait assez de jouer les tartuffes pour des aristocrates qui le méprisaient. L'idée d'un casse lui avait paru amusante. Maintenant, son projet était de partir pour l'Inde, via le Pérou. Parce que son rêve était de devenir radjah. "Mon idée est d'aller d'abord en Afghanistan, d'y bâtir un palais et d'y acquérir une certaine réputation, et de réapparaître en Angleterre au bout de cinq ans, avec un accent étranger et un passé". La légère, la futile Ardita, petite fille riche, tombera sous le charme de cet énigmatique Curtis Carlyle. En voulant le suivre dans sa fuite, elle découvrira le courage et la notion de bonheur.

"Joe Varland prend le train", contient elle aussi une jeune fille fortunée, belle et courtisée par un aréopage de dandys, Ellen Baker. Joe Jelke est un jeune homme beau, riche et distingué, amoureux fou d'Ellen Baker. Bien qu'il ne soit pas le seul à en être épris, c'est celui qui a le plus de chance avec elle. Pourtant, Ellen Baker choisira un autre chevalier servant pour l'accompagner à une soirée mondaine. Un homme plus
âgé qu'elle, louche, de ceux que l'on rencontre dans des lieux interlopes des grandes villes. "Il avait un sourire un peu triste. Ses yeux paraissaient défier toute l'humanité, c'étaient des yeux d'animal, endormis et calmes devant des représentants d'une autre espèce. Ils étaient tendres et pourtant brutaux, désespérés et pourtant confiants. On eût dit qu'ils se sentaient incapables de faire naître la moindre activité autour d'eux, mais tout à fait capables de profiter de la moindre faiblesse des autres, fût-elle indiquée par un simple geste". Joe Jelke aura maille à partir avec cet individu bizarre, plus prompt au coup de poing américain qu'à tenir une conversation mondaine. Edward Stinson, son ami, cherchera à retrouver cet homme étrange, à savoir qui il est exactement et ce qu'il veut. Il voudra comprendre quelles relations il entretenait avec la superbe et naïve Ellen Baker. Edward Stinson ira au bout du voyage en train, comme on va au bout d'une idée.

"Le Démon", ultime nouvelle de ce recueil, la plus courte et la plus noire de cette série. C'est l'histoire d'une vengeance singulière, où le coupable deviendra la victime et vice-versa. Après le crime de
Madame Crenshaw Engels et de son fils, un étrange nuage noir s'est abattu sur la petite ville de Stillwater - Minnesota. Il se trouvait suspendu au-dessus de leur maison. Le mari - photographe -, quittera tout pour aller se vendre dans un grand magasin. Ce meurtre l'avait moralement terrassé. "Aux yeux de ses voisins, il était devenu un homme ruiné par l'adversité - un homme manqué, un homme vidé. Mais ce dernier qualificatif n'était pas exact : il était vidé de tout, sauf de sa mémoire, une mémoire longue et endurante comme celle d'un Juif, et son coeur avait beau être dans la tombe, il restait sain d'esprit comme le jour où sa femme et son fils étaient partis pour leur dernière promenade ce matin d'été". Pour continuer à vivre malgré la souffrance engendrée par la perte des deux êtres chers, Crenshaw Engels décidera de se venger du coupable en le torturant moralement.

Comme toujours dans l'œuvre de Francis Scott Fitzgerald, le grotesque et la légèreté apparentes du ton et des situations cèdent le pas au tragique et à la désillusion des personnages. Ceux-ci sont souvent pathétiques et touchants dans leur fragilité. Souvent égotistes, ils n'en demeurent pas moins attachants parce que l'on perçoit les drames de leurs existences. Nombre de ses personnages sont souvent une facette de l'auteur et de son couple.
Par les hommes épris de femmes capricieuses et hystériques, belles et riches, on ne peut s'empêcher de voir le couple sulfureux de Zelda et de Scott Fitzgerald. Si "Le pirate de haute mer" est d'une facture littéraire classique, "Joe Varland ..." et "Le Démon" sont deux nouvelles proches de l'univers d'Edgar Allan Poe. Dans "Joe Varland ...", le monde est encore peuplé de jeunes filles frivoles et de jeunes gens insouciants, la réalité est là, prégnante, avec ses risques. Même si cela reste virtuel, la mort rôde. La richesse et l'opulence l'effraient encore un peu. Par contre, dans "Le Démon", Scott Fiztgerald fouille la part d'ombre de ses personnages. C'est, de loin, la nouvelle la plus angoissante de ce recueil. Ici, c'est le monde clos de la prison, tant physique que psychologique. Scott Fitzgerald est bien l'écrivain de la génération perdue. Malgré une apparente frivolité, on a conscience que le monde de l'auteur glisse inexorablement vers l'enfer. Et avec son monde, la société dans son ensemble.

12 décembre 2008

10 décembre 2008

SI LE CHAT M'ETAIT CONTE

  • Sa majesté le chat - Louis Nucéra (Archi Poche n°61)

"Il est des beautés qui excèdent le vocabulaire. Les chats appartiennent à cet ordre. Je puis en juger puisque j'habite chez eux depuis qu'il m'a été donné de voir".

Louis Nucéra est un homme-chat. Il est né et a habité toute sa vie chez les chats. Pour preuve, les yeux à peine décillés sur le monde, c'est Siki qu'il apercevra. Siki ainsi prénommé pour sa vague ressemblance avec Battling Siki - boxeur de Saint-Louis du Sénégal - qui avait battu Carpentier en 1922. Puis Mitsou a succédé à Siki. Mitsou qui interrogeait le silence, communiquant avec quelques âmes errantes connues de lui seul. Enfin, Fang et Luigi ont rejoint Louis Nucéra alors que celui-ci avait quitté Nice pour Montmartre et sa Butte. Fang, aussi sombre que la panthère noire de l'île de Sumatra, monologuait continument, même pendant son sommeil. Luigi - certifié pur
gouttière -, était aussi tendre qu'il pouvait se montrer révolté. "Mais aux élans d'amour, aux heures passées sur mes genoux ou blottis l'un contre l'autre, suivaient, chez Luigi, des accès de fureur. Sans que rien ne le laisse présager, il grognait, soufflait, lançait ses pattes toutes griffes dehors. La colère retombait aussi vite qu'elle était venue. Une langueur amoureuse congédiait l'irritation de ses yeux, ses pattes rentraient leurs armes".

Et la liste est incommensurablement longue d'hommes et de femmes connus,
intellectuels, artistes, politiques qui ont compté parmi les fervents adeptes de la felis domestica. De Louis XV à Churchill, de Chateaubriand à Céline, de Kessel à Malraux, d'Hemingway à Colbert, tous ont succombé à leur charme unique. Véronèse, Vinci, Delacroix, Modigliani étaient des inconditionnels de la gent féline, d'autres - tombés dans l'oubli -, ont fait du chat l'égérie de leur création. Les grands philosophes de l'Antiquité grecque en parlent dans leurs écrits. Inutile de citer les Égyptiens qui émerveillaient Diodone de Sicile dans leur dévotion pour le félin. Mahomet, qui vénérait les chats - dont Muezza, sa chatte -, leur avait promis l'éternité et une place au paradis parmi les sujets les plus purs. "Mahomet affubla de sept âmes leur corps, ce qui expliquerait leur résistance à la mort (depuis, les Anglais leur ont attribué neuf vies). Il leur accorda la baraka (mot dévoyé de nos jours par le vulgaire), laquelle désignait bénédiction, esprit de sainteté, chance et certitude - pour le détenteur de baraka - de retomber toujours sur ses pattes".

Le chat a du caractère et des sentiments, des qualités et des défauts, comme tout être vivant. Ainsi, il ne connaît pas la rancune. Il est rationnel et cartésien. Chez lui, point de croyance mue par la peur de l'après, de l'au-delà. Son crédo, sa religion, c'est l'art de la sieste, de la chasse et de la tendresse. Il oublie aisément les horreurs dont les hommes sont capables à son égard. Le chat se drape dans sa supériorité majestueuse. S'il ne parle pas, le chat nous laisse imaginer que nous dialoguons avec lui. Chez lui, pas de grand et de beau parleur prêt à enrégimenter les foules fascinées par son discours. Aucun felis domestica n'a jamais pris la plume pour se féliciter d'une hérésie, d'une excommunication, de l'écrasement d'une révolte. "Le chat ne cherche pas à copier une idole ou à sublimer son espèce. Il ne cherche pas à être autre chose que lui-même [...]. Il défend sa solitude et ne perturbe pas celle des autres".

Un langage élégant, raffiné et recherché fait de "Sa majesté le chat" de Louis Nucéra un livre rare et beau. Beau dans son texte infiniment élaboré, un peu comme un artiste prend le temps de mûrir son œuvre. Rare, parce qu'il est érudit sans être présomptueux. Cette ode éminemment poétique et parsemé d'éclats de citations, comme pur mieux mettre en avant toute la finesse, la délicatesse et la noblesse des félins. Des digressions littéraires, des histoires drôles, d'humeur et d'humour, d'autres cruelles, mélancoliques, romantiques ou sentimentales, égayent ce carnet de notes de cet amoureux du chat. Enfin, les paragraphes sont séquencés par un dessin de chat jouant avec une petite grenouille, sorte de dessin animé récurrent pour nous rappeler que nos minous restent des joueurs invétérés devant l'éternel.

7 décembre 2008

L'ART DE PEINDRE


"Ryder vendait quand il trouvait des acheteurs, mais il travaillait sans se préoccuper de l'argent, s'efforçant de traduire par la peinture ce qui ne pouvait s'exprimer en mots. C'était à tous égards un personnage étrange, timide et réservé, qui usait pour ses tableaux de tout ce qui lui tombait sous la main, alcool, cire, vernis, huile. Quand ses brosses ne lui suffisaient plus, il employait le couteau à palette pour étaler de grosses quantités de peinture. Quand le couteau ne le satisfaisait plus, il utilisait ses mains et, quand le vernis ne lui donnait pas la qualité attendue, il se servait de ses propres crachats, racontait-on. Il peignait un tableau et, avant même qu'il fût sec, en exécutait un autre par-dessus".


Extrait - "Le Portrait de Madame Charbuque" - Jeffrey Ford

5 décembre 2008

LA TRIBU DE NANNE


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Elle n'est pas belle ma petite famille, entre neveux, mémé et Barnabé ? Là, ça ne se voit pas bien, mais c'est un basset de Bretagne. Vous en rêvez ? Il y a des jours comme ça où j'ai juste envie de la brader.

Surtout lorsqu'elle me prive de vacances programmées à Berlin et que je me retrouve à Caen !! Ou lorsque, pour prouver que l'on peut avaler les aliments par le nez, on se retrouve aux urgences en pleine nuit pour ôter une cacahuète coincée. Ou encore, quand je cours chez le vétérinaire de garde un dimanche aux aurores parce que Barnabé s'est bouloté une gamelle de croquettes pour chat chez une copine et que j'ai confondu les symptômes avec ceux de la piroplasmose ... Je vous assure que je n'ai pas vraiment le temps de m'ennuyer un instant !! Et vous, elle est comment votre tribu ??

3 décembre 2008

LE THE JUSQU'A L'IVRESSE

  • Opium - Maxence Fermine (Livre de poche n°30100)


"La vie de Charles Stowe, aventurier du thé, donne à penser que le hasard est une toile d'araignée dans laquelle le destin vient parfois se prendre".

1838. Charles Stowe est un gentleman anglais amateur de cigares, de whisky et de thé comme le veut la tradition de son milieu et de ses origines. Il n'est pas peu fier de détenir une maison de thés et d'épices réputée dans la haute société londonienne, "Les mille parfums du thé". Cette passion pour le thé lui vient de son enfance et plus particulièrement de son père - Robert Stowe -, créateur de la maison d'import - export et grand spécialiste du thé. Depuis cette période de sa vie, Charles Stowe n'a qu'un seul et unique désir : percer le secret de la fabrication des trois thés, le bleu, le vert et le blanc.

Aventurier dans l'âme, comme le sont si souvent les Britanniques, Charles Stowe
décide de partir pour la Chine à la recherche de nouvelles épices et de thés aux arômes rares et subtils. "Pour cela, il devait emprunter une route parmi les plus odorantes et les plus périlleuses du monde. Celle qui, partant de Londres, suivait la voie des Indes, continuait jusqu'en Asie et de se perdait irrémédiablement dans l'Empire Céleste. Un périple qu'on nommait la route du thé". Poussé par son père, Charles Stowe s'embarque pour la Chine à bord d'un navire de commerce qui le mènera de Londres et Shanghai, de Singapour à Hong Kong en passant par l'île de Ceylan.

Au cours de son expédition en Chine, Charles Stowe rencontrera Pearle, négociant en thés et Irlandais d'origine, personnage énigmatique. "C'est ainsi que Charles Stowe rencontra Pearle, le directeur du Comité du thé, seul négociant britannique à avoir le privilège de posséder un laissez-passer délivré par les autorités chinoises". Pour obtenir de Pearle le secret
de son sauf-conduit, Charles Stowe se liera à lui par un pacte de sangs mêlés. Ce contrat inaliénable lui permettra de partir à la rencontre de Lu Chen et de Wang au pays du thé. Wang est un seigneur, serviteur du grand Lu Chen que personne n'a jamais vu. Il est le gardien du royaume du thé. "Il y avait dans ces montagnes les plus belles cultures au monde et, sans doute, les plus rares. Partout les feuilles de Camellia Sinensis recouvraient la terre. C'était un immense océan aux vagues soyeuses et belles, une mer d'un vert éclatant dont on ne récoltait que l'écume. Ivre de joie, il nageait dans ces flots avec béatitude".

Au cours d'un repas chez Wang, Charles Stowe tombera sous le charme d'une Chinoise aux yeux verts, Loan, qui porte à l'épaule le tatouage d'une fleur d'opium. Il cherchera à savoir et à comprendre les secrets cachés dans le royaume du thé. A vouloir percer autant de mystères à la fois, Charles Stowe finira par céder à toutes les tentations, même les plus dangereuses.

"Opium" de Maxence Fermine est un livre qui emporte le lecteur dans un voyage à travers les sens et les cultures. L'écriture légère et aérienne comme une tasse de
thé est servie par un style lyrique et riche qui donne envie d'en découvrir plus sur ce breuvage tant apprécié par bon nombre d'entre nous. On assiste à la cueillette des plus belles feuilles de Camellia Sinensis, destinées à donner les thés les plus parfumés et les plus raffinés. On apprend comment réaliser un thé succulent. On imagine le royaume du thé avec ses verts flamboyants et ondoyants, les fines gouttelettes de brume se déposant sur les jeunes pousses pour leur donner l'humidité nécessaire à leur épanouissement. Au travers de l'histoire de l'histoire de la route du thé, des colonies britanniques en Asie, "Opium" raconte le trafic de cette drogue, les échanges commerciaux au 19ème Siècle, la corruption de l'administration - tant chinoise qu'anglaise -, et la puissance économique qu'elle donnait déjà à ceux qui en détenaient le monopole. Tout cela fait un peu oublier que la seconde partie du roman est un peu moins substantiel que la première. Cela reste quand même un roman plein de sensualité, de saveur et de mystères.

Rats de biblio a aimé son côté mystérieux et sensuel, Hélène le trouve agréable à lire mais regrette le plaisir de "Neige", Lorraine a apprécié ce court roman initiatique comme une bonne tasse de thé.

2 décembre 2008

OPERATION MASSE CRITIQUE



Vous connaissez tous et toutes ce logo. Oui, non ? C'est celui de masse critique du site Babelio. Cette opération nous revient pour la plus grande joie des LCA. Pour participer, rien de plus simple :
  1. Il suffit d'être membre de Babelio et de tenir un blog actif, d'être de France, de Belgique ou de Suisse (pour le moment),
  2. de choisir dans la liste masse critique un ou plusieurs livres pour le lire et le critiquer sur vos blogs,
  3. après, il n'y a plus qu'à attendre pour savoir si vous êtes sélectionnés ou non. Si tel est votre cas, vous vous engagez à lire le(s) livre(s) envoyé(s) et à le(s) critiquer dans le mois qui suit la réception du joli cadeau de Babelio.
C'est l'occasion de recevoir des livres intéressants et variés. Allez-y, rien que pour tenter sa chance.

29 novembre 2008

LES MONSTRES SONT DANS LA VILLE

  • Le fantôme de Baker Street - Fabrice Bourland (10/18 n°4090)


Lady Conan Doyle - veuve du père de Sherlock Holmes -, adepte de spiritisme et d'écriture automatique est habitée d'un mauvais pressentiment depuis la mort subite de son mari. Avant de mourir brutalement, Sir Arthur Conan Doyle a laissé un message pour le moins sibyllin : "le pensionnaire est dans la boîte, il faut qu'il y reste". Forte de cette crainte, elle décide de faire appel à James Trelawney et Andrew Singleton, deux détectives en herbes. Parallèlement à ce message d'outre-tombe, le 221 Baker Street vit des phénomènes étranges. Cette célèbre adresse a été attribuée par la ville de Londres au domicile du major Hipwood. Des esprits plutôt bruyants semblent s'y être installés. "Des bruits de pas et d'objets étaient le signe d'une activité manifeste et, au matin, des fauteuils et des chaises déplacés prouvaient, s'il en était besoin, que tout ceci ne relevait pas de l'imagination des propriétaires".

Lady Conan Doyle ne peut donner aucune explication rationnelle à ces incidents. Au même moment, dans Londres, une série de crimes monstrueux est commise. Des prostituées sont massacrées, laissant supposer l'ombre oppressante d'un nouveau Jack l'éventreur. De même, un membre du Parlement - Sir Thomas Blunden -,
tombera sous les coups d'un mystérieux agresseur, à la manière de Sir Carew dans "L'étrange cas du Dr Jekyll et Mr. Hyde" de Stevenson. Les lieux des forfaits, quant à eux, sont ceux où opéraient l'affreux comte Dracula.

En rendant visite au major Hipwood, le neveu de celui-ci - le Dr Dryden -, est persuadé que l'esprit qui a pris possession du salon du 221 Baker Street ne peut être que Sir Arthur Conan Doyle lui-même, pour se repentir d'avoir claqué la porte de la SPR (Society for Psychical Research). Pour Andrew Singleton, peu enclin à cautionner cette mascarade, c'est une vaste excroquerie destinée à augmenter la
valeur de la maison. Lors d'une séance de psychographie - photographie d'esprits -, Singleton et Trelawnay découvriront, ébahis, qui est réellement le perturbateur du 221 Baker Street. Au cours d'une réunion de spiritisme, Singleton et Trelawnay - d'abord suspicieux et persuadés d'une mystification -, finissent par admettre la communication des esprits avec les vivants. "J'assistai complètement impuissant à cette comédie. J'avais beau concentrer toutes mes facultés logique pour tenter de comprendre le subterfuge, je ne parvenais pas à expliquer comment il était techniquement possible de faire apparaître un pareil simulacre d'être humain, qui bougeait, qui donnait la réplique et qui se permettait même de faire de l'humour. [...]. J'étais dans la vraie vie, spectateur interloqué d'une véritable séance spirite, le cerveau asphyxié sous un déluge ininterrompu de questions".

Et l'esprit facétieux avec lequel ils entrent en contact les prévient qu'un nouveau crime sordide allait se produire dans Narrow Street. Quel lien peut-il exister entre le fantôme et les meurtres perpétrés dans Londres ? C'est en fouillant dans la biographie de Conan Doyle à la recherche de précieux indices que Singleton découvrira l'existence d'une doctrine selon laquelle les pensées seraient des choses pouvant se matérialiser en les imaginant. Ce qui n'était au départ qu'une hypothèse farfelue deviendra, au fil du temps, une sinistre réalité. Les crimes commis dans Londres sortent tout droit de la Littérature victorienne. Ce sont des répliques de meurtres décrits dans des romans connus. Dès lors, une solution s'impose à Singleton
et Trelawnay, faire rentrer dans leur boîte ces monstres qui n'auraient jamais dû en sortir.

Voici un bon moment de lecture, grâce à une écriture simple et sans fioritures. Le
milieu du spiritisme - ainsi que ses procédés -, sont clairement explicités avec des annotations apportant des éclairages historiques ou des précisions techniques aisées. Tout au long du "Fantôme de Baker Street", on retrouve des éléments précis sur la vie et l'œuvre de Sir Arthur Conan Doyle, particulièrement sur la fin de son existence, et ses relations avec le spiritisme. Il y est notamment fait référence à la polémique concernant Sherlock Holmes et les théories sur son existence supposée ou réelle. Enfin, ce qui rend surtout ce roman captivant, ce sont les références sur les grands auteurs de la littérature victorienne, Oscar Wilde, Stevenson et d'autres.


Alwenn a apprécié l'ambiance du roman, Jean-Marc Laherèrre aurait aimé une ambiance plus profonde, Godien regrette le côté fantastique du roman policier, Cléanthe a passé un bon moment de lecture, Lou - curieuse -, donne des adresses pour poursuivre l'enquête spirite, Karine:) a aimé et veut visiter Londres depuis, Fashion le recommande chaudement et Clarabel l'a adoré ... D'autres, sans doute, ont aussi apprécié. N'hésitez-pas à me le faire savoir.

J'ai reçu ce roman dans le cadre du London Swap. C'est Lau, ma swappeuse, qui me l'a envoyé et je la remercie infiniment pour ce choix judicieux.

28 novembre 2008

LE SENTIMENT AMOUREUX


"L'amour, je l'avais toujours senti chez lui, tendre et timide, tantôt débordant, tantôt entravé de nouveau par une force toute-puissante, cet amour, je l'avais éprouvé et j'en avais joui dans chaque rayon tombé fugitivement sur moi. Cependant, lorsque le mot "amour" fut prononcé par cette bouche barbue, avec un accent de tendresse sensuelle, un frisson à la fois doux et effrayant bourdonna dans mes tempes. Et malgré l'humilité et la compassion dont je brûlais pour lui, moi le jeune homme tout troublé, tout tremblant et tout surpris, je ne trouvai pas une parole pour répondre à sa passion qui se révélait à moi à l'improviste".

Extrait - La Confusion des sentiments - Stefan Zweig

25 novembre 2008

VASCO DE GAMA ET LE REVEILLON RATE

  • Salut et liberté - Fred Vargas (Librio 2€ n°547)



Après la déception due à la précédente lecture des nouvelles de Mark Twain, j'ai très vite voulu passer à autre chose. Heureusement, cette fois-ci cela a été une bonne pioche. Fine mouche, je savais par avance ne pas prendre de risques avec Fred Vargas. Là encore, deux nouvelles. Mais de qualité, celles-là.

"Salut et liberté" qui donne le titre de ce petit livre (78 pages) où l'histoire de Vasco, tailleur de son état, assis sur un banc faisant face au commissariat du 5ème arrondissement de Paris. Il tue le temps en sirotant des bières et en boulotant des olives vertes. Drôle de personnage que ce Vasco, qui se balade avec un portemanteau en guise de compagnon de route et tout un fourbis inutile dans ses multiples poches de veste."Vasco, fidèle à l'une de ses principales manies, vidait méticuleusement ses poches et en disposait le contenu sur le banc et sur le trottoir, comme s'il le voyait pour la première fois. Et ses poches, extrêmement nombreuses, contenaient des accumulations inépuisables d'objets inclassables".

Cela faisait maintenant plus d'un mois qu'il s'était installé avec tout son attirail face au commissariat. Ce comportement obsédait le lieutenant Danglard qui faisait tout son possible pour virer Vasco de son banc, alors qu'Adamsberg semblait préoccupé par une lettre anonyme singulière lui annonçant un meurtre non répertorié par les services de police. Et lorsque Vasco de Gama débarque, un jour, avec un immense lampadaire en plus de tout son bazar, Adamsberg - quant à lui - reçoit une 2ème lettre anonyme. Des lettres qui oscillent entre insultes et confidences, hargne et courtoisie. Avec un flair extraordinaire, Adamsberg finit par faire le lien entre la présence incongrue du vieux Vasco devant le commissariat et les lettres anonymes. Mais par quelles relations ces deux événements peuvent-ils être reliés ? C'est la pièce manquante que doit trouver Adamsberg pour résoudre cette énigme.

Avec "La nuit des brutes", le réveillon de Noël se résume selon Adamsberg - de garde cette nuit là - à une série de drames en tous genres, en lieu et place du repas festif et des cadeaux traditionnellement échangés. "A Noël, tout le monde
s'engueule, la majorité sanglote, une partie divorce, quelques-uns se suicident. Et une toute petit partie, suffisante pour mettre les flics sur les dents, tue. C'est un jour comme les autres, en beaucoup moins bien". Cette nuit-là, fête des familles réunies et des enfants gâtés, des rues illuminées de guirlandes, des vitrines décorées comme des arbres de Noël, la solitude prend une tonalité plus sordide que le reste de l'année. Cette nuit-là, une femme décide d'en finir avec la vie et enjambe le parapet du pont National pour se jeter dans les eaux sombres et troubles de la Seine. Personne n'a rien vu ni rien entendu. C'était Noël. Alors que tout le monde se persuade du suicide de celle-ci, Adamsberg est sûr et certain d'avoir affaire à un meurtre difficile à résoudre. Heureusement que ces nuits-là, il se trouve aussi des ornithologues en cellule de dégrisement pour aider la police à trouver la solution.

Pour ceux qui - comme moi -, n'ont jamais ouvert un roman de Fred Vargas, dans "Salut et liberté", on fait connaissance avec le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg au flair aiguisé, au flegme presque britannique et aux méthodes
d'enquête quelque peu originales. C'est un personnage décalé, à contre-courant du commissaire académique que l'on rencontre dans nombre de romans policiers. Il tient tout à la fois du commissaire Maigret de Simenon pour sa placidité, de Sherlock Holmes de Conan Doyle et Rouletabille de Leroux pour leur esprit de déduction infaillible. Le style d'écriture subtilement décontracté avec un zeste de suspense, les personnages hors du commun qui peuplent ces deux nouvelles rendent la lecture jubilatoire et donne envie de continuer à découvrir cette romancière talentueuse.

23 novembre 2008

22 novembre 2008

DES NOUVELLES SANS INTERET

  • Un majestueux fossile littéraire - Mark Twain (Folio 2 € n°4598)


Il arrive parfois, au cours de nos vies de LCA*, que l'on lise des ouvrages sans grand intérêt, voire même de devoir en stopper la lecture. Imaginez, dès lors, le désappointement que nous vivons tous et toutes face à ces lectures calamiteuses. C'est ce qui m'est arrivé pour "Un majestueux fossile littéraire" de Mark Twain. Je me faisais une joie de renouer avec les histoires lues et racontée de Tom Sawyer ou de Huckleberry Finn. Que nenni !! Au lieu de cela, trois nouvelles qui n'incitent pas vraiment à continuer de lire cet auteur pour qui ne le connaîtrait pas encore. J'ai été au terme de ces 127 pages. Mais je vous avoue que ce fut poussif, alors qu'habituellement je les lis d'une traite, ou presque. Je vais quand même faire ma B.A. et vous parler de ce petit livre, pour ceux qui seraient tentés par sa lecture.

Trois nouvelles sans lien les unes avec les autres, si ce n'est qu'elles se veulent cocasses et surprenantes. "Un pari de millionnaires" où l'histoire abracadabrantesque de Henry Adams de San Francisco qui se retrouve à Londres
après une sortie en mer qui a mal tourné. Sans un sou, il tombe inopinément sur deux frères - millionnaires et excentriques - qui ont fait un pari absurde : faire vivre un inconnu trouvé dans la rue pendant un mois entier à crédit avec un billet de un million de £ en poche. "Or, précisément, les deux frères étaient en train de discuter sur la façon dont se tirerait d'affaire un étranger honnête et débrouillard à la fois qui débarquerait sur le pavé de Londres sans un seul ami, sans autre ressource que ce billet de un million de livres, et qui, par-dessus le marché, ne pourrait justifier de la provenance de cette fortune". C'est, de loin, la nouvelle la plus originale de ce recueil.

"La télégraphie mentale" fait une énumération de cas de télépathies réelles ou supposées. Il y décrit toutes les situations de prémonition qu'il a rencontrés ou personnellement vécus et de les comparer avec des découvertes scientifiques faites au même moment par des équipes de chercheurs étrangères et qui ne se connaissaient pas. "Le télégraphe électrique a été méconnu pendant plusieurs milliers d'années ; puis il a été découvert en même temps par un Américain, le professeur Henry, par l'Anglais Wheatstone, par Morse sur mer et par un Allemand à Munich. [...]. N'est-il pas admissible, alors, que les inventeurs se volent constamment et inconsciemment leurs idées quoique séparés par des milliers de lieues ?".

"Un majestueux fossile littéraire", ultime nouvelle éponyme nous parle d'une relique littéraire de 150 ans d'âge, écrit par deux médecins et juste bon bon à envoyer les patients engraisser le vert pâturage des cimetières. Il y est en effet question de la saignée systématiquement pratiquée qu'elle qu'en soit la pathologie, y compris la migraine !

Au final, un livre à oublier sans pour autant dénigrer le talent de Mark Twain qui nous a laissés des œuvres d'une grande qualité et accessible pour les lecteurs de 7 à 77 ans et plus. Je vais suivre le conseil judicieux de Lou, le remettre dans ma bibliothèque et l'y oublier.


Wictoria et P'tit Sushi ont apprécié ce recueil pour l'humour qui s'en dégage, Lou, quant à elle, a été déçue.