23 novembre 2010

L’KHAYIM *

  • J'étais un enfant de Survivants de l'Holocauste – Bernice Eisenstein – Albin Michel Éditions

« Je suis perdue dans la mémoire. C'est un lieu dont il n'existe aucune carte, dont on n'a pas établi la longitude ni la latitude pour m'aider à revenir sur mes pas jusqu'à mon point de départ. Chaque fois semble la première ». A la mort de son père, Bernice Eisenstein a voulu revenir sur le passé de ses parents, faire un zoom arrière sur une histoire écrasante et pénible dont on pressent toute la charge émotionnelle faite d'épouvante, de colère contenue, d'accablement, de non-dits et de culpabilité pour les survivants.

Aussi loin qu'elle se souvienne, Bernice a toujours su que ses parents étaient des rescapés, même s'il lui était impossible d'en déterminer la date réelle. Sans doute même dès avant sa naissance. Elle avait absorbé l'Holocauste comme d'autres sombrent dans la drogue, ce besoin intangible de se rassasier de ces récits déchirants, de s'abreuver de corps qui n'avaient plus rien d'humain. L'Holocauste était son LSD, sa cocaïne, son héroïne. Il lui fallait sa dose quotidienne d'images, d'ouvrages – romans ou témoignages d'anciens concentrationnaires – pour ressentir cette transe, cette décharge intérieure et être en empathie avec le passé familial. « L'Holocauste est une drogue, je me retrouve dans une fumerie d'opium, et chacun ici m'a donné ma première bouffée pour rien, en toute innocence. Je viens seulement d'entrevoir son pouvoir, en scrutant les traînées d'aiguilles sur l'avant-bras gauche de toutes les personnes présentes dans la pièce. C'est à cet instant précis que ma dépendance s'installe. Je vais découvrir qu'il est infini, le nombre des dealers auxquels je peux m'adresser pour une dose, une de plus et c'est tout, un tour de plus dans un monde hallucinatoire peuplé de fantômes. Mes parents ne se rendent même pas compte qu'ils sont des dealers. Ils leur seraient impossible d'imaginer le genre d'euphorie que peut provoquer l'H. L'envie qu'ils me donnent de plonger dans les profondeurs insondables, de sortir seule de chez moi pour aller au cinéma, à la bibliothèque, où je pourrai aller voir tous les films, lire tous les livres qui dealent de l'Holocauste. Les bobines de films, ainsi que les pages des livres, pourraient être hachées en poudre fine, déposées, ligne après ligne, et reniflées ».

Enfant, adolescente, puis adulte, Bernice a cherché le regard de ses parents derrière les barbelés, comme d'autres partent en quête d'eux-mêmes ou de leurs origines profondes. Ces yeux vides, encavés, c'étaient un peu sa quête du Graal, sa croisade personnelle, sa thérapie pour se sortir de cette obsession qui la menait presque à la névrose. Cette existence - qui s'est forgée sur des mutismes, des absences -, Bernice n'a jamais pu en discuter avec son père, Barek, non parce qu'il ne voulait pas. Juste parce qu'il ne pouvait pas. C'était au-delà de ses propres capacités. Il lui aurait fallu vaincre trop de fantômes, déranger trop de disparus, trépassés sans sépulture. « […] j'ai perdu quelque chose que je n'ai jamais eu. D'ailleurs, mes parents seraient abasourdis de me voir à ce guichet, petite fille, adolescente, adulte. Mais j'y retourne sans cesse avec la même question depuis toujours, la question que je me posais tandis que je regardais le procès d'Eichmann à la télévision : Où est le regard de mes parents ? ».

Celui-ci entretenait des relations particulières avec ses enfants, surtout cette fille qui aurait tant voulu savoir, comprendre, apprendre le passé de ses aïeux, de la Pologne, le quotidien d'autrefois. Tout ce qu'elle a appris sur lui, sur ses grands-parents paternels – Mordechai et Sarah -, sur ses deux tantes, Bina et Hannah, sur son oncle Jacob, Bernice a dû les rechercher patiemment, fouiller la mémoire engloutie, mettre les mains dans les archives parcellaires qui ne délivraient que des bribes d'information. De ces fragments, éléments sans consistance, elle a pu retracer le chemin tortueux de ce père qui culpabilisera sa vie entière de ne pas avoir pu sauver les siens. « Il n'est plus là pour me permettre de découvrir son passé, de l'interroger sur la guerre, sur Auschwitz, ou sur la vie en Pologne, où il avait grandi. Sur sa famille, ses parents, mes grands-parents. Même si, très tôt, j'ai su qu'il valait mieux ne pas s'aventurer dans le passé. Je l'ai appris grâce aux rares fois où j'ai posé des questions. De bonne volonté, mon père commençait à répondre, mais après quelques mots il s'arrêtait. Il pleurait. Assise en silence à côté de lui, je ne voulais pas le forcer à continuer. Il ne me restait plus qu'à trouver moi-même les différentes pièces de son passé, poussée par le désir d'en savoir plus. J'entends encore ses exclamations staccato où se mêlaient anglais et yiddish, mais je ne peux pas lui demander : Qui désormais m'assurera que, pour moi, il n'hésiterait pas à barrer le passage d'un camion ? Il ne me reste plus que les mots et la forme des traits repassés à l'encre pour retracer son mouvement, sa colère, son amour ».

Celui-ci a toujours tout fait pour protéger ses enfants, sa femme, jusqu'à l'oppression, l'asphyxie. Pour oublier ses faiblesses, ses failles, sa survie, il se noiera dans le poker. Dès qu'il avait un instant de libre, le poker occupait l'espace. C'était son remède contre la culpabilité. Le poker et les westerns. Parce que dans les films de cow-boys, les bons finissaient toujours par gagner, ils luttaient contre le mal, défendaient la veuve démunie et l'orphelin, ils protégeaient le faible. « Revenant sans cesse sur cette frontière poussiéreuse, tenant tête aux voleurs de bétail, au shérif corrompu, aux habitants de la ville effrayés, il n'était pas à Tombstone, non, il était retourné en arrière, dans un autre passé. C'était seulement là, étendu sur le lit devant la télévision, qu'il pouvait prendre place aux côtés de ses héros. Là, il ne faisait jamais de doute que le mal serait vaincu. Le bien triomphait. C'était le paradis, les règles étaient simples. Tiens tête à l'ennemi, abats-le, sauve la ville, et tu n'auras jamais à regarder en arrière ».

A la maison, pas de livres pour lire, découvrir, s'émerveiller. C'est à l'extérieur que Bernice apprendra le monde, s'ouvrira à d'autres possibles. La lecture, le cinéma, la peinture lui permettront de dépasser le cadre restrictif et étouffant d'une famille vivant sur les décombres d'un passé à jamais annihilé par l'Histoire. De ce passé martyrisé, Bernice Eisenstein en fera une force et déterminera les grandes étapes de son existence.

Beaucoup de livres ont pour thème central l'Holocauste, témoignages de survivants, ultimes et fragiles remembrances entre les morts et les générations de l'immédiat après-guerre. Beaucoup moins traitent des enfants de rescapés et de leur perception de l'histoire familiale, de la place de celle-ci dans leur vie d'adulte en devenir. « J'étais un enfant de survivants de l'Holocauste » de Bernice Eisenstein aborde ce sujet délicat.

Dans un style original, singulier, voire atypique, mêlant subtilement texte, dessins et bande dessinée, l'auteur revient sur son enfance et son rapport au passé parental. Cette cellule familiale qui s'est créée sur le néant et les cendres d'un camp de concentration où ils se sont rencontrés et mariés à la libération, comme pour conjurer le mauvais sort et faire un ultime pied de nez à leurs bourreaux. Cette famille qui partira pour le Canada – nouvel eldorado –, se fondra dans la masse pour oublier et se faire oublier, ne reniant jamais le temps d'avant. Bien sûr, on pratiquera l'anglais pour le travail, le voisinage, les enfants, mais toujours mâtiné de yiddish. Ce Yiddish, dernière survivance de la communauté juive d'Europe centrale, de cette part de Pologne physiquement anéantie, mais jamais spirituellement, moralement et intellectuellement.

Surtout, ne croyez pas que « J'étais un enfant de survivants de l'Holocauste » soit un roman graphique et autobiographique triste, sombre, empreint de mélancolie. Vous feriez une grave erreur en pensant cela. Bien sûr, il y a le poids inexorable du passé, la présence prégnante de tous ceux qui ne sont plus, mais il y a aussi la jeune génération, cette relève de la garde, ces passeurs de la Mémoire qui rend la vie plus dense, plus intense, plus riche. Ils sont l'avenir par leurs jeux, leur insouciance, leur soif de vivre. Par leur présence, ils atténuent la douleur infinie, ils pansent les plaies parfois vivaces.

Dans un langage tout à la fois poétique, émouvant, drôle, au ton passionné, presque engagé, Bernice Eisenstein explore notre mémoire intime et collective. Elle nous parle de la difficulté de faire le deuil d'une histoire encore et toujours pesante pour les générations suivantes, et de l'impact du passé dans notre quotidien. Elle nous enseigne qu'il est des histoires, des passés qui se transmettent dans les gênes, souvenir imprimé comme un numéro de tatouage indélébile, dont il est impossible de se départir.

C'est beau, c'est excellent, c'est drôle et tendre à la fois, c'est sensible et touchant. C'est un livre hommage jamais triste, toujours optimiste qui plaira aux adultes comme aux adolescents souhaitant aborder ce thème difficile sans la rigueur historique. « J'ai reçu en héritage l'insoutenable légèreté d'être la fille de survivants de l'Holocauste. Un être maudit et béni. Noir et blanc, et dans l'ombre ».

* A la vie

264 - 1 = 263 livres dans ma PAL

19 novembre 2010

LE SPLEEN DE LA LUNE ...

Le mois de novembre est bel et bien là, avec son cortège d'angoisses, de doutes, de peurs. Ne m'en veuillez pas si je publie encore moins que d'habitude. Je manque de temps et j'ai le moral en berne. Heureusement pour moi, je continue de lire, mais mon esprit est accaparé par des problèmes personnels.

Je ne vous abandonne surtout pas. Je prends juste un peu de hauteur et de distance, le temps de me refaire une santé morale et de reprendre toutes mes activités.

A très vite ...






Souvenir
- Alfred de Musset

J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir
En osant te revoir, place à jamais sacrée,
O la plus chère tombe et la plus ignorée
Où dorme un souvenir !

Que redoutiez-vous donc de cette solitude,
Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main,
Alors qu’une si douce et si vieille habitude
Me montrait ce chemin ?

Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries,
Et ces pas argentins sur le sable muet,
Ces sentiers amoureux, remplis de causeries,
Où son bras m’enlaçait.

Les voilà, ces sapins à la sombre verdure,
Cette gorge profonde aux nonchalants détours,
Ces sauvages amis, dont l’antique murmure
A bercé mes beaux jours.

Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse,
Comme un essaim d’oiseaux, chante au bruit de mes pas.
Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse,
Ne m’attendiez-vous pas ?

Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères,
Ces larmes que soulève un cœur encor blessé !
Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières
Ce voile du passé !

{...}

15 novembre 2010

15 MINUTES POUR 15 AUTEURS !


Très gentiment taguée par L'or des chambres, j'ai accepté de me soumettre à ce petit jeu intellectuel facile à faire. Le principe en est simple. Il suffit de réfléchir quinze minutes et d'écrire les quinze auteurs qui viennent spontanément à l'esprit.

Rien de plus aisé, vous vous dites. Peut-être pour vous ! En ce qui me concerne, et vu l'état de fatigue dans lequel je me trouve, je me suis faite aider … par ma bibliothèque ! Je savais bien que les ouvrages contenus dans mes étagères, entre livres lus et PAL, me serviraient un jour où l'autre.

  1. Louis Ferdinand Céline – Parce que c'est lui. Pour son œuvre, sa personnalité complexe, singulière et excessive.
  2. Stefan Zweig – Pour l'ensemble de son œuvre. Pour ses romans, ses essais, ses biographies, sa perception accrue d'une situation qui allait l'engloutir et un certain passé avec lui.
  3. La famille Mann – Je triche un peu et j'assume. J'aurais pu classer trois auteurs d'un coup, mais j'aime la difficulté. Dans cette famille, je prends tout le monde : Einrich, l'oncle, Thomas, le père et Klaus le fils prodige. Parce que rien n'est à jeter chez ces trois-là.
  4. Francis Scott Fiztgerald – Un auteur à fleur de peau, fragile et cultivé, intelligent, brillant et éphémère.
  5. Isaac Bashevis Singer – Pour ses romans dans lesquels on retrouve un autre monde définitivement englouti. Parce que ses écrits font revivre une langue, le Yiddish, une communauté, Juive, ainsi qu'une seule et même rue, Krochmalna.
  6. Aharon Appelfeld – Pour les mêmes raisons que le précédent. Et parce que cet auteur a pu – et su – renaître sur des cendres et nous transmettre tant de bonheur littéraire.
  7. John Steinbeck – Parce que je suis tombée sous le charme de Henry Fonda dans « Les raisins de la colère », enfant. Et que celui-ci n'a jamais cessé depuis. Chacune des lectures de ses ouvrages est une belle rencontre avec une autre Amérique, plus proche de nous par certains aspects.
  8. Fedor Dostoïevski – S'il devait y avoir un autre Tsar de toutes les Russies, ce serait probablement lui ! J'exagère à peine en écrivant cela. Cet auteur m'a permis de découvrir un autre visage de la Russie, celle des petits, des miséreux, des sans-noms, sans-grades, sans-titres. Qu'il a décrit cette population avec verve, passion et amour.
  9. Léon Tolstoï – Pour les mêmes raisons que le précédent. Sauf que Tolstoï parle de sa Russie à lui ; celle de la noblesse, de la grande bourgeoisie. Et parce que je n'ai jamais pu terminer « Guerre et Paix » et que cela me gêne énormément.
  10. Emile Zola – Pour ses engagements moraux et sociaux. A mon sens, le premier intellectuel de la fin du 19ème Siècle politiquement engagé dans un combat moral qui aurait dû lui être fatal. Et parce qu'il a su garder sa fierté et ses idées malgré les insultes et les bassesses de l'époque.
  11. George Orwell – Parce que lorsque l'on découvre « Hommage à la Catalogne », on se dit qu'il y a des engagements qui modifient le sens de votre existence.
  12. Henry James – Sa description d'une certaine société américaine et anglaise reste un véritable instant de pur bonheur littéraire. Et quand on y a goûté, on en redemande encore et encore.
  13. Yoko Ogawa – Pour ce monde à la limite entre rêve et cauchemar, dont on se demande toujours si c'est la réalité vraie ou un univers onirique.
  14. Yasmina Khadra – Il est un des rares auteurs algériens à avoir eu le courage de dénoncer un régime politique, économique et social basé sur le clientélisme. Et parce qu'il n'a jamais renoncé à dire la vérité.
  15. Marc Dugain – Parce que j'aime cet auteur discret et secret. Parce que ses livres sont riches de notre histoire et pour ne pas oublier que je viens d'acheter « L'insomnie des étoiles » que je voudrais lire avant sa prochaine sortie en poche !
Je ne tague personne, pour deux bonnes raisons : j'arrive en général longtemps après le début du tag et tout le monde - ou presque - l'a fait ; ici, tout est proposé, rien n'est imposé ...

11 novembre 2010

ECRIVAINS ET TEMOINS DU QUOTIDIEN DES TRANCHEES


En ce jour de commémoration de l'Armistice du 11 novembre 1918, j'ai eu envie de parler de deux écrivains, lus il y a longtemps, engagés dans la 1
ère Guerre Mondiale. Un est de langue française : Henri Barbusse. L'autre est de langue allemande : Erich Maria Remarque.

Chacun de leur livre a été couronné par la critique, encensé par le public. "Le feu" d'Henri Barbusse recevra le prix Goncourt en 1916. "A l'Ouest rien de nouveau" d'Erich Maria Remarque se vendra à plus d'un million d'exemplaires à sa sortie, en 1929.

Ils ont en commun d'avoir connu les horreurs des tranchées et la camaraderie qui est son corollaire. Après la guerre, ils seront deux porte-parole de la Paix et de cette génération sacrifiée sur l'autel des intérêts politiques et financiers.

Erich Maria Remarque - Pacifiste et engagé

C'est avec "A l'Ouest rien de nouveau" qu'Erich Maria Remarque se fait connaître du grand public. Avec son roman il devient le porte-parole d'une génération meurtrie par la guerre et qui s'identifie dans le personnage de Paul Bäumer, jeune recrue de 19 ans. L'histoire, racontée à la 1ère personne et sur un ton flegmatique, contraste avec les récits officiels alors en cours.

Erich Maria Remarque est né en Basse-Saxe en 1898, de vieille souche française. A 18 ans, il s'engage dans l'armée allemande et se bat sur le front ouest. Blessé plusieurs fois et handicapé d'une main, il ne peut espérer la carrière de musicien à laquelle il se destinait. Après la guerre, il fera divers métiers, dont celui d'instituteur, de pilote d'essais automobile. Le journalisme sportif le mènera à sa carrière d'écrivain.

A sa sortie, "A l'Ouest rien de nouveau" se vendra à 1,2 millions d'exemplaires. Il sera qualifié de "meilleur roman jamais écrit sur la guerre". En 1933, les livres de Remarque sont brûlés par les nazis. Il est jugé trop pacifiste par le nouveau gouvernement en place. Déchu de la nationalité allemande en 1938 après avoir rejoint la Suisse en 1932 puis les Etats-Unis en 1939, il acquiert la nationalité américaine en 1947. Il décède en 1970, en Suisse.

Bien qu'ayant écrit d'autres ouvrages de qualité et reconnus par la critique, "A l'Ouest rien de nouveau" restera le roman de référence de cet écrivain allemand.

Quelques romans :

A l'Ouest rien de nouveau - 1929

Les camarades - 1937

Arc de Triomphe - 1946

Un temps pour vivre, un temps pour mourir - 1954

L'obélisque noire - 1956

Henri Barbusse - Le "Zola" des tranchées

C'est par le tambour du garde-champêtre qu'Henri Barbusse apprend la mobilisation générale d'août 1914. Il a alors 41 ans et, bien que réformé, il se porte volontaire. Il s'engage comme simple soldat et demande à être muté au front, malgré son âge. Atteint de dysenterie, il est évacué et commence à écrire "Le feu" à l'hôpital en 1916. Ce journal d'une escouade recevra le prix Goncourt en 1916, et fera beaucoup de bruit.

Il est parti à la guerre en croyant qu'elle était juste. Il en reviendra profondément pacifiste. Gloire littéraire du parti communiste dès son adhésion en 1923, Henri Barbusse consacrera les années d'après-guerre au militantisme et la défense de la Paix. Il accumule les créations de mouvements, de revues, de congrès contre le fascisme et les grandes causes de l'entre-deux-guerres. Dès 1917, il fonde l'ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants) avec Paul Vaillant-Couturier. En 1921, il participe à la campagne en faveur de Sacco et Venzetti. Il fonde, en 1928, la revue hebdomadaire "Monde". En 1933, il participe au "Congrès Européen contre le fascisme", dit "Congrès Amsterdam - Pleyel".

Condamné en 1930 par les Soviétiques qui ne le jugent pas assez communiste, Henri Barbusse n'en continue pas moins son chemin. Il meurt en 1935 à Moscou.

Quelques romans :

L'enfer - 1908

Le feu - prix Goncourt 1916

Clarté - 1919

Manifeste aux intellectuels - 1927

Zola - 1932

Lettre d'Henri Barbusse à sa femme 1914 - 1917 - 1937



La Chanson de Craonne

Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.

Refrain

Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

{au Refrain}

C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

{au Refrain}

Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !

7 novembre 2010

CHOPIN, L’ÂME DE LA POLOGNE

  • Frédéric Chopin, l'âme du piano - Claude Clément - Éditions du Jasmin


Le 1er mars 1810 voit la naissance de Frédéric Chopin sur le domaine de Zelazowa Wola à quelques kilomètres de Varsovie. Personne ne le sait encore, mais ce nouveau-né va bouleverser la musique classique, la faire entrer dans ère nouvelle, celle des Romantiques – dont il sera le chef de file – et influencer toute une génération de compositeurs au début du 20ème Siècle.

Frédéric Chopin aurait pu naître en France, dans le Dauphiné, région d'origine de ses ancêtres paternels. L'histoire des Hommes étant ce qu'elle est, et certains ayant l'âme plus aventureuse que d'autres, c'est dans la province de Mazovie – dont dépend Varsovie -, que ce dernier verra le jour. Issu d'un père Français – professeur de langue et de littérature française au lycée de Varsovie qui reçoit les enfants de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie polonaises -, et d'une mère venant de la noblesse polonaise, Frédéric Chopin grandira et s'épanouira dans un milieu privilégié. « Les Chopin sont heureux dans cette ville cosmopolite, riche en couleurs, où les dandys aristocrates côtoient les Juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Français, les forains montreurs d'animaux étranges, les moines et les religieuses … ».

Dès l'âge de six, le jeune Chopin écrit déjà des poèmes de qualité. De plus, il est parfaitement bilingue, comme ses trois sœurs. Ce qui lui permettra de toujours se sentir chez lui en France comme en Pologne. « On y parle le polonais, mais aussi le français et l'allemand. Du fait de la dualité de leurs origines, les enfants Chopin sont tous parfaitement bilingues. Plus tard, Frédéric sera à Paris, séparé de sa famille, il écrira à son père en polonais. Nicolas lui répondra en français. Dans l'esprit du musicien, les deux langues sont aussi familières l'une que l'autre. Il gardera toute sa vie un léger accent en français, trace de cette double appartenance ». A sept ans, il écrit sa première composition musicale, « Polonaise pour piano forte, en si bémol majeur », largement inspirée du folklore local. Un prodige est né, à l'égal de Wolfgang Amadeus Mozart. A la différence que Chopin n'est pas Autrichien, mais Polonais, et que son pays natal reconnaîtra toujours son talent. Son entourage perçoit très tôt ses prédispositions pour la musique en général, le piano en particulier. On loue d'ores et déjà son génie, ses dons exceptionnels, ses aptitudes tant dans l'écriture que dans l'interprétation musicales.

A peine jeune homme, tout juste sorti de l'adolescence, Frédéric Chopin étouffe à Varsovie. Le poids de l'empire Russe pèse sur la Pologne qu'il cherche à engloutir, à faire disparaître. Surtout, brillant musicien et compositeur, Frédéric Chopin veut découvrir l'Europe, rencontrer d'autres grands musiciens et artistes, s'en inspirer. L'Autriche, l'Allemagne, l'Italie, la France. Tel sera l'essentiel de son périple. « Libre de s'épanouir à sa guise au gré de son inspiration, de ses recherches et de ses rencontres, le jeune homme ne ressent qu'une entrave : les frontières. En mai 1829, un nouveau tsar, Nicolas 1er, se fait couronner roi de Pologne à Varsovie. Le désenchantement que le peuple polonais avait ressenti durant le règne d'Alexandre ne fait que s'accentuer. En effet, le nouveau souverain se comporte plus durement que son prédécesseur, supprimant la liberté de la presse, installant un contrôle policier d'acier, renforçant les intérêts russes dans le pays au détriment de ceux des patriotes. Ce n'est qu'avec une apparente soumission que ceux-ci se résignent et participent, de mauvaise grâce, aux festivités lors de bals et de concerts ». Ses parents l'y encouragent vivement, alors que l'année 1830 voit l'Europe s'embraser par des soulèvements sociaux et révolutionnaires.

En France, sa rencontre avec Franz Liszt sera déterminante pour son avenir de concertiste et de compositeur, de même qu'avec Camille Pleyel, inventeur du piano moderne. Bien que de caractères diamétralement opposés, ces deux là se complèteront au point de devenir les deux facettes d'une même médaille musicale, romantique et novatrice, préfiguration d'une musique classique dépoussiérée de ses anciennes scories.

L'année 2010 voit le bicentenaire de la naissance de Frédéric Chopin. De fait, il paraissait difficile, voire impossible, de faire l'impasse sur l'ouvrage de Claude Clément, « Frédéric Chopin, l'âme du piano », et de rendre un hommage appuyé à celui qui va rénover – par ses apports créatifs, son approche très personnelle de la musique populaire polonaise et juive – les canons de la musique classique. Précoce, imaginatif, génial, tels sont souvent les adjectifs qualifiant Frédéric Chopin. Enfant éveillé, cultivé, binational, il prendra très vite conscience que pour évoluer dans son art, l'ouverture à d'autres cultures lui sera nécessaire, vital.

Il voyagera donc, souvent et beaucoup. Vienne, Berlin, Dresde, Prague, Breslau, Cracovie sont les villes visitées, partant à la découverte de ses pairs, Berlioz, Schuman, Liszt et Mendelssohn aussi doué que lui. De même, sa rencontre avec le peintre Eugène Delacroix sera l'amorce d'une solide amitié qui ne se démentira pas avec le temps. Partout où il se produira – de concerts publics en récitals privés – Frédéric Chopin sera ovationné, admiré. Ses qualités artistiques lui ouvriront les portes des plus grandes familles aristocratiques, les Radziwill, les Rothschild, les Beauvau, les Esterhazy, les Noailles, les d'Agoult. Les femmes, surtout, seront sensibles à son charme de dandy à l'élégance raffinée, à sa mélancolie, à sa douceur et à sa fragilité.

Cependant, toujours planera sur Chopin un mystère, celui de son éventuelle homosexualité. En effet, son côté artiste, sa précocité en toutes choses, sa correspondance ambigüe avec son ami de jeunesse Tytus Woyciechowski, sa fréquentation du marquis de Custine – homosexuel reconnu et affiché -, les écrits post mortem de Liszt, jetteront un doute sur sa réelle orientation sexuelle. Et ce n'est pas un hasard si Frédéric Chopin et George Sand se reconnaîtront l'un dans l'autre, même si les débuts de leur relation sont difficiles. Chopin sera révulsé par l'aspect masculin, hommasse de la romancière ; George Sand appréciant les hommes cachant leur côté féminin. Très vite, celle-ci le prendra sous son aile protectrice, devenant tout à la fois l'amante, la mère, la soignante, l'amoureuse et l'égérie d'un Frédéric Chopin de plus en plus fragile moralement et physiquement. Ces deux-là étaient fait l'un pour l'autre. Le destin, dans son immense mansuétude, les a réunis pour le meilleur de l'art.

« Frédéric Chopin, l'âme du piano » est une biographie qui en dit long sur cet artiste romantique, neurasthénique et phtisique qu'était Chopin. L'auteure le montre tel qu'en lui-même, tantôt doutant de ses capacités artistiques avérées, tantôt faisant preuve d'inconstances et de fantaisies. Dandy précieux, évoluant dans un univers où l'argent coulait à flot, Frédéric Chopin s'est servi intelligemment de sa notoriété pour vivre dans un monde fastueux, à la richesse ostentatoire.

Cette hagiographie, aisée à lire pour qui ne connaît ni Chopin, ni la musique classique, se concentre avant tout sur l'homme et sa relation aux autres. Elle aborde le couple atypique, singulier formé avec George Sand qui a permis l'épanouissement artistique d'un compositeur prolifique et imaginatif.

Au final, Frédéric Chopin était bien ce qu'a écrit Cyprian Norwid dans le « Quotidien polonais » à l'annonce de son décès : « Varsovien de naissance, Polonais de cœur et, par le talent, citoyen du monde ».

D'autres blogs en parlent : Alice, Izabel, Mimipinson ...

"Frédéric Chopin, l'âme du piano" a été lu dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.


3 novembre 2010

QUE LIRA-T-ON EN NOVEMBRE ?

Avec un peu de retard pour cause de week end prolongé, de tombes à fleurir et de travail urgent à terminer, voici la rubric à brac mensuelle concernant les sorties poches du mois.

Après un mois d'octobre riche d'ouvrages divers et variés, où la qualité côtoyait la multitude des choix, novembre sera un tout petit peu plus calme. Sans aucun doute l'effet fin d'année avec des coffrets de collection sublimés par le talent créatif de Christian Lacroix pour les éditions du Livre de Poche. A retenir pour préparer sa lettre au Père Noël !

  • Éditions 10/18

Une partie du tout – Steve Toltz

Stupéfiant d'imagination, de drôlerie et de profondeur, un premier roman époustouflant, finaliste du prestigieux Man Booker Prize. Porté par une véritable dynamite verbale, un mélange détonant entre roman d'aventures, farce jubilatoire et conte philosophique. Une flamboyante odyssée familiale, du bush australien au Paris bohème et à la jungle thaïlandaise, des années 1960 à nos jours. Toute sa vie, Jasper Dean a hésité entre détester, plaindre, adorer et assassiner son père, Martin. Maintenant que Martin est mort, Jasper peut revenir à loisir sur le cas de ce philosophe autodidacte, génie méconnu et féroce misanthrope qui s'est brûlé les ailes à vouloir sortir de l'ombre de son frère Terry, Robin des bois moderne adulé des foules en Australie. De dépressions passagères en illuminations foudroyantes, d'amours contrariées en atroces trahisons, de clubs de strip-tease en paquebots clandestins, père et fils vont se retrouver embarqués dans une aventure qui les dépasse. Mais, face aux coups du sort, c'est en Jasper que Martin trouvera le meilleur compagnon d'infortune de ses vains efforts pour laisser une trace de son passage dans ce monde qu'il méprise...

La confrérie des mutilés – Brian Evenson

Après avoir perdu une main lors d'un règlement de comptes, Kline, un détective privé, se voit confier une enquête au sein d'une société secrète composée de mutilés volontaires, où un meurtre a été commis. Mais, pour mener son enquête, Kline doit gagner la confiance des membres de cette étrange secte. Or cette confiance se paie cher, car pour accéder à certains niveaux de la hiérarchie, il convient d'être à chaque fois davantage amputé…

Jusqu'où Kline sera-t-il prêt à aller pour découvrir l'insoutenable vérité ? Les voies de la confrérie sont-elles impénétrables ?

Dans la lignée de Poe et de Borges, une prose incisive au service d'un récit dérangeant, où rivalisent humour noir et banalité de l'horreur.

Mes vies – Edmund White

White nous dévoile ici, sans fard, tous les faits de sa vie, même les plus provocants, comme seul un grand écrivain peut se le permettre. Mes vies est un festin spectaculaire, charmant et drôle, charnel et intelligent, outrageux et lumineux. Tour à tour, décapant, émouvant, sensible, Edmund White nous embarque dans ses univers et dans ses opinions sur l'art et la vie. « Mes psys », « Mes femmes », «Ma mère », « Mes tapins », « Mes amis », « Mon Europe », « Mon Genet »... sont autant de chapitres qui constituent ces mémoires à l'écriture ciselée et d'une mélancolie déchirante.

Et que le vaste monde poursuive sa course folle – Column McCann

Dans le New York des années 1970, un roman polyphonique aux subtiles résonances contemporaines, une œuvre vertigineuse. 7 août 1974. Sur un câble tendu entre les Twin Towers s'élance un funambule. Un événement extraordinaire dans la vie de personnes ordinaires. Corrigan, un prêtre irlandais, cherche Dieu au milieu des prostituées, des vieux, des miséreux du Bronx ; dans un luxueux appartement de Park Avenue, des mères de soldats disparus au Vietnam se réunissent pour partager leur douleur et découvrent qu'il y a entre elles des barrières que la mort même ne peut surmonter ; dans une prison new-yorkaise, Tillie, une prostituée épuisée, crie son désespoir de n'avoir su protéger sa fille et ses petits-enfants... Une ronde de personnages dont les voix s'entremêlent pour restituer toute l'effervescence d'une époque. Porté par la grâce de l'écriture de Colum McCann, un roman vibrant, poignant, l'histoire d'un monde qui n'en finit pas de se relever.

Attention dieu méchant – Shalom Auslander

Jubilatoires, iconoclastes et hilarantes, des histoires délicieusement blasphématoires, par l'auteur de La Lamentation du prépuce. Entre Kafka, Beckett et Philip Roth, un régal de drôlerie, d'une liberté de ton aussi profonde que rafraîchissante. Y a-t-il là-haut quelqu'un qui m'aime ? Cette question hante Bloom depuis qu'il a failli mourir. Mais, face à l'inefficacité de Lucifer et de la Mort, en grand débat sur les méfaits des défibrillateurs, Dieu descend sur terre finir le travail lui-même. Deux hamsters, Donut et Beignet, attendent Joe, leur maître. Confiant dans la bonté de son dieu nourricier, Donut se met à prier. Affamé, Beignet commence à douter. Après une nuit de rêves impurs, Motty, élève d'une yéchiva loubavitch de dix-huit ans, se réveille avec une poitrine velue, un débardeur Budweiser et une furieuse envie de bricoler. Que vont penser les siens de son nouveau corps de chef de chantier goy ? Rabbins violents, épouses perverses, chiens culpabilisateurs et chimpanzés suicidaires peuplent ce recueil complètement original, qui, derrière un humour dévastateur, soulève des questions fondamentales sur la condition humaine et son besoin d'interdits.

  • Livre de Poche

Jezabel – Irène Némirowski

Procès d'une très belle femme, plus très jeune, qui écoute dans le boxe des accusés le récit de sa propre vie : l'enfance, l'exil, l'absence du père, le mariage, les relations houleuses avec sa fille, l'âge et le déclin, jusqu'à l'acte irréparable. Un huis clos qui questionne aussi la culpabilité du temps, l'érosion des sentiments et l'illusion passionnelle.

Le CV de Dieu – Jean-Louis Fournier

Après avoir créé le ciel, la Terre, les animaux et l'homme, Dieu commença à s'ennuyer. Il lui fallait de l'activité. Il décida de chercher du travail et comme tout un chacun, il rédigea son curriculum vitae...

Le mystère de Si-Fan – Fu Manchu – Sax Rohmer

Voici que Sir Gregory, de retour du Tibet, meurt dans les bras de Nayland Smith ! L'agent spécial soupçonne le Si-Fan, la puissante organisation secrète à laquelle appartenait Fu Manchu. D'emblée l'enquête de Smith flanqué de son inséparable Dr Petrie - couple à la Watson et Sherlock Holmes - entraîne nos héros dans les brumes méphitiques de Londres et les plus sinistres tripots de l'Eau End. Mais Fu Manchu est-il vraiment mort ? Dans le sillage du terrible Chinois, mort ou vif, et sur les traces de ses sbires, pullulent scorpions, fleurs vénéneuses et traîtres orientaux...

  • Folio

Au pays – Tahar Ben Jelloun

À quelques mois de la retraite, Mohamed n'a aucune envie de quitter l'atelier où il a travaillé presque toute sa vie depuis qu'il est parti du bled. Afin de chasser le malaise diffus qui l'envahit, il s'interroge sur lui-même avec simplicité et humilité. Il pense à son amour profond pour l'islam, dont il n'aime pas les dérives fanatiques ; il se désole de voir ses enfants si éloignés de leurs racines marocaines ; il réalise surtout à quel point la retraite est pour lui le plus grand malheur de son existence. Un matin, il prend la route de son village natal, décidé à construire une immense maison qui accueillera tous ses enfants. Un retour «au pays» qui sera loin de ressembler à ce qu'il imaginait.

On dirait vraiment le paradis – John Cheever

Lemuel Sears mène une existence paisible à Manhattan. Conscient de son vieillissement, il vit dans la crainte de ne plus connaître l'amour avant de disparaître. Un jour, il se rend dans la petite ville de Janice pour patiner sur l'étang, et découvre que celui-ci est utilisé comme dépotoir. Révolté, il décide de tout mettre en œuvre pour rendre à Janice son paysage bucolique. Amené à côtoyer les riverains, il rencontrera certaines figures du crime organisé, des politiciens véreux ainsi que quelques bonnes âmes prêtes à t'aider qui utilisent pour ce faire des méthodes pour le moins radicales... Parmi ces personnes, Sears fera la connaissance d'une jeune femme dont il tombera amoureux. On dirait vraiment le paradis, paru aux États-Unis en 1982, inédit en français, est le dernier roman de John Cheever. On y retrouve l'élégance de son style, l'humour omniprésent et l'immense tendresse qu'il porte à ses personnages.

Nous voilà – Jean-Marie Laclavetine

1973. Le cercueil du maréchal Pétain est arraché à sa sépulture de l'île d'Yeu par un commando de fidèles. Ils projettent de l'ensevelir à Douaumont, parmi les pioupious. Mais Paul Destrem et Salvador Martinez, deux trublions indépendants, interceptent par hasard l'illustre dépouille. Ils vont dès lors veiller sur ce trésor de guerre, ardemment convoité par diverses factions. Nous voilà ne raconte pas seulement les tribulations d'un Maréchal en rupture de tombe à travers trois décennies. C'est aussi la chronique ravageuse d'une époque et d'une génération parcourues par les répliques du séisme soixante-huitard, de 1973 à 2007. On y croisera quelques brebis échappées du Larzac, des forts en thème et des forts en gueule, une Islandaise aux yeux de banquise et un Argentin désargenté, des apôtres du président Mao devenus champions de l'Occident chrétien, des enfileuses de perles en plastique et des fumeurs de joints, des idéaux en berne et des idées en l'air, des renégats, des missionnaires, quelques gardes mobiles et un garde-barrière, et aussi une femme qui rit. On y rencontre Samuel, enfant perdu, et ses parents Paul et Lena, couple central du roman, qui essaient d'inventer un amour résistant aux maladies du siècle.

  • Point Seuil

Villa des hommes – Denis Guedj

"Puis- je vous entretenir d'une crise d'un genre très particulier?... Une crise qui a frappé les mathématiques dans leur chair. Moi qui vous parle, j'ai été responsable de la plus grave crise que les mathématiques ont subie depuis les Grecs ! Vingt-trois siècles parsemés de petits bobos sans conséquence et faciles à soigner. Jusqu'à ce que je débarque. "Crise des fondements", ont diagnostiqué mes confrères. Vous-même Monsieur Matthias, si j'ai bien compris, vous êtes employé, avant la guerre, à saper les fondements de la société. Eh bien moi, on m'accuse d'avoir sapé ceux des mathématiques ! Vous voyez bien que nous ne sommes pas réunis par hasard. ". 1917, en Allemagne. Au soir de sa vie, Hans Singer (inspiré par le mathématicien allemand Georg Cantor, père de la "Théorie des Ensembles ") est admis en hôpital psychiatrique. 11 y a déjà séjourné à plusieurs reprises mais, pour la première fois, il va devoir partager sa chambre de la Villa des hommes avec un jeune soldat français, conducteur de locomotive, libertaire et " héros malgré lui ". Ces deux hommes, que tout semble opposer, vont. peu à peu, apprendre à se connaître et lier une amitié - aussi improbable qu'indéfectible.

L'étoile du matin – André Schwarz-Bart

Quand Haïm joue de la flûte, les oiseaux se posent pour l'écouter, les villageois oublient leurs soucis. Pourtant Haïm se heurte à la cruauté des hommes : Juif polonais, il est happé par la machine nazie, connaît les ghettos, les camps de la mort, la haine, le doute. Un sombre destin, parsemé d'étoiles qui se nomment Arieh, David, Rachel ou Sarah. Amis, amantes, tour à tour, ils illumineront sa vie. André Schwarz-Bart est l'auteur du roman devenu mythique, Le Dernier des justes, qui a obtenu le prix Goncourt en 1959. Son dernier roman, L'Étoile du matin, est paru à titre posthume.

Mama Black Widow – Iceberg Slim

Dans ce monde de Blancs haineux, un nègre vaut moins que rien. Otis, débarqué de son Mississippi natal dans un ghetto de Chicago, se débat entre une mère prête à tout pour quelques dollars, un prédicateur pédophile et des macs toxicos. Et Otis n'est pas seulement noir et pauvre, il est tiraillé entre son cœur qui le porte vers les jolies filles et sa chaire qui réclame de beaux mâles. Iceberg Slim, célèbre proxénète de Chicago dans les années 1940 et 1950, a publié plusieurs romans. Mama Black Widow complète la trilogie commencée avec Pimp et Trick Baby, disponibles en Points.

Six heures plus tard – Donald Harstad

Quand une amie de sa fille disparaît à Londres, le shérif Carl Houseman semble tout désigné pour participer à l'enquête. Revendiqué par un étrange mouvement réformiste, le rapt est incompréhensible : ni mobile, ni rançon. Pourquoi cette jeune Américaine ? Qui se cache derrière ce groupuscule de terroristes amateurs ? Loin de tous ses repères, Houseman affronte un ennemi aussi terrifiant qu'inhabituel.

Originaire de l'Iowa, Donald Harstad est ancien shérif. Après Onze Jours, Code 10, - 30°, 5 octobre, 23 h 33 et Quatre Jours avant Noël, disponibles en Points, 6 heures plus tard est son sixième roman publié en France.

Et la fureur ne s'est pas encore tue – Aharon Appelfeld

Bruno Brumhart a cinquante ans. L'heure des bilans. Sa vie ressemble à un long cauchemar : les ghettos, la déportation, les camps, l'errance. Et puis le temps précieux de la halte, dans un château près de Naples, avec les autres déportés. Lieu des désespoirs, des rages mais aussi de rires et d'humanité. Être ensemble pour retrouver l'envie d'exister. Et après ? Même seul, il faudra continuer.

  • Pocket

Le jeu de l'ange – Ruiz Carlos Zafon

« Je t'emmènerai dans un endroit secret où les livres ne meurent jamais et où personne ne peut les détruire ...» Dans la turbulente Barcelone des années 1920, David, un jeune écrivain hanté par un amour impossible, reçoit l'offre inespérée d'un mystérieux éditeur : écrire un livre comme il n'en a jamais existé, « une histoire pour laquelle les hommes seraient capables de vivre et de mourir, de tuer et d'être tués », en échange d'une fortune et, peut-être, de beaucoup plus. Du jour où il accepte ce contrat, une étrange mécanique de destruction se met en place autour de lui, menaçant les êtres qu'il aime le plus au monde. En monnayant son talent d'écrivain, David aurait-il vendu son âme au diable ?