27 avril 2011

LA PHOTOGRAPHE DE LA CRISE DE 1929

  • Dorothea Lange – Mark Durden – Phaidon Éditions



Qui, mieux qu'un artiste tel que Mark Durden pouvait présenter la vie et l'œuvre de Dorothea Lange ? Déjà connue et reconnue pour ses portraits en studio des familles les plus riches et les plus en vues de San Francisco, Dorothea Lange va se consacrer, dès 1933, à la photographie socialement engagée.

Dès ses premiers clichés, elle va mettre en avant la vulnérabilité, l'anxiété, l'isolement de ses sujets, malgré le monde qui les entoure. Sa toute première photo, « Soupe populaire de l'Ange blanc », révèle son message, au visuel tranché. Dorothea Lange veut montrer le vrai visage de l'Amérique, de sa côte ouest, moins romantique, moins parfaite que certains ne l'imagine ou ne se la représente. A Sa Francisco comme à New York, en 1932, tout le monde souffre des conséquences de la Grande Crise de 1929. Dans l'ensemble de son travail artistique, la photographe s'attachera au langage du corps, à son mouvement, aux détails de celui-ci. Chez Dorothea Lange, les corps sont meurtris – physiquement ou moralement. Ils semblent cassés, brisés, par le travail éreintant, le handicap ou la misère des années 1930.

A partir de 1935, Dorothea Lange rejoint le Farm Security Administration (FSA), chargé de résoudre les problèmes économiques des fermiers les plus pauvres, frappés de plein fouet par la crise qui s'est abattue sur les États-Unis. De ce travail, il en ressortira des portraits empreints de dignité, de respect et d'humilité pour les personnages saisis par son objectif. Le cliché le plus célèbre de Dorothea Lange et l'un des plus reproduits dans le monde au 20ème Siècle – Mère migrante – également titré La Madone des migrants est à ce point symptomatique de l'idée que la photographe se faisait de son travail. Engagement social et politique seront portés par ses images. Dorothea Lange sait qu'elle peut apporter sa pierre à l'édifice du changement, et elle le fera. A l'issue de la diffusion de ce cliché, le gouvernement fédéral débloquera une aide d'urgence pour nourrir les travailleurs migrants.

Cependant, Dorothea Lange ne se limitera pas au seul sort des chômeurs, travailleurs pauvres ou aux ouvriers agricoles migrants. Elle captera aussi les contrastes sociaux, encore et surtout présents dans les États du sud des États-Unis. Elle accentuera ces différences sociales et ce racisme ambiant ancré, en photographiant des hommes blancs – souvent grands, gras, obscènes et opulents – et leurs employés noirs en arrière-plan comme pour bien marquer les distanciations tant physiques que sociales ou morales entre le dominant et les dominés.

A l'aube des années 1940 et l'entrée en guerre des États-Unis, Dorothea Lange se tournera vers d'autres opprimés, la communauté japonaise qui sera regroupée dans des camps pour mieux les circonscrire, les surveiller, les contrôler. Elle fera ressortir dans ces portraits d'inconnus aussi bien la noblesse morale de ces personnes qui ne voulaient pas donner l'impression de faiblir face à la honte d'une telle situation, mais aussi une sorte de résignation devant l'inhumanité de cette loi de 1942.

Tout au long de son travail documentaire et photographique, Dorothea Lange s'est attachée à montrer la part d'affectivité, d'humanité, de désarroi, mais aussi de décence ou de pudeur dans ses sujets. Quand on observe attentivement les clichés regroupés dans cet album, on constate une grande force de caractère chez chacun de ces hommes et de ces femmes pris sur le vif. Dans la pauvreté, le dénuement ou l'indigence, dans la privation même engendrés par la Grande Dépression, dans l'attente d'un improbable travail comme dans un effort harassant pour gagner quelques malheureux cents, les visages hâves, amaigris, défaits, chiffonnés, sur lesquels se lisent la peur du lendemain, l'angoisse de chaque instant, l'hébétude ou la consternation de la situation vécue, paraissent invincibles, courageux, opiniâtres, parce qu'expressifs. Ils en arrivent à devenir beaux dans le combat quotidien qu'ils mènent pour survivre.

Avec Dorothea Lange, la dignité, la droiture et la considération ne sont pas vain. Ils sont de rigueur. Alors qu'elle pouvait sagement rester à l'abri dans son studio de San Francisco et continuer son travail de portraitiste pour les plus fortunés de la côte ouest, elle a préféré partir à la rencontre de ces millions de malheureux jetés dans les rues et sur les routes des États-Unis, après la Crise économique de 1929. Chaque visage traduit le malheur, la charge d'émotions suscitée par une telle catastrophe économique et sociale dont les plus faibles feront les frais. Tous ces anonymes sont des indigents, des nécessiteux, mais ils s'acharnent à conserver leur honneur sauf.

En feuilletant cet album regroupant quelques photos symboliques du travail de cette artiste, on ne peut s'empêcher de penser aux ouvrages de Steinbeck, de Faulkner, de Dos Passos. Ensemble, avec leurs mots ou leur regard, ils ont contribué à donner à la souffrance et au manque le visage de l'honnêteté, de la probité, de la respectabilité.


245 - 1 = 244 livres dans ma PAL ...

19 avril 2011

L’ABSCONS JUMEAU D’HIMMLER

Hitler's Day – Elmore Leonard – Rivage/Thriller Éditions


"- Heinrich Himmler est né le 7 octobre 1900. Ce qui est exactement le jour de ma naissance.

- Vraiment ?
- Dans le même hôpital de Munich.
- Eh ben ! avait-elle alors lâché, impressionnée, avant de poursuivre : Vous pensez qu'il y a une chance que vous soyez vraiment le jumeau de Himmler ?
- Le même hôpital, le même jour, la même heure de naissance et, comme vous pouvez le constater, la même apparence. La question que je me pose est la suivante : si Heinrich et moi sommes du même sang, si nous venons des entrailles de la même femme, pourquoi nous a-t-on séparés ? ».

Walter Schoen, taciturne boucher de Detroit et fier de ses origines allemandes, est convaincu qu'entre Heinrich Himmler et lui coexistent des liens de sang profonds. Une communauté de pensée, d'opinion s'est fait jour, à l'insu du plus connu des deux. Tous deux se ressemblent physiquement à s'y méprendre. Ils sont nés le même jour, dans le même hôpital de Munich. Il n'en faut pas plus à ce pauvre Walter pour décréter que Himmler et lui sont de vrais jumeaux. Et pas uniquement astraux. Idéologiquement aussi. Son ex-femme, Honey, plantureuse fausse blonde vite lassée de ce drôle d'histrion, n'a jamais vraiment compris quel était le réel destin de Walter Schoen. « - Il pense que Himmler et lui ont chacun leur destinée, leur mission à accomplir. On connaît celle de Himmler, n'est-ce pas ? Tuer tous les juifs qu'il peut dénicher. Mais Walter, je ne sais pas … Il y a cinq ans, il n'avait toujours pas trouvé quelle était sa mission ». Dans un cas comme dans l'autre, Walter
Schoen sait au moins une chose : sa vocation profonde, sa prédestination est de servir le national-socialisme jusqu'aux États-Unis mêmes !

Et quand débarquent à l'improviste dans sa morne existence Jürgen Schrenk et Otto Penzler, deux officiers nazis de l'Afrika Korps échappés d'un camp de prisonniers, Walter Schoen voit enfin clair dans son devenir. « A moins que ce soit le destin qui les ait envoyés. Pas pour que Walter les aide, eux. Non, l'inverse. Pour qu'ils l'aident, lui. Et pourquoi pas ? Il pouvait très bien leur expliquer qui il était et ce qu'il projetait sans trahir toute l'entreprise. Leur raconter son lien mystérieux avec Heinrich Himmler et leurs rôles dans l'histoire du Reich, leurs destinées respectives. Celle de Himmler leur était familière. A l'heure qu'il était, il avait probablement débarrassé l'Europe du plus grand nombre de ses juifs, et il était le successeur logique d'Hitler. Walter, qui pendant ce temps-là contemplait sa destinée les yeux mi-clos, savait qu'il ne s'attaquerait pas au problème juif ». Il sera martyr de la pensée nazie et deviendra aussi célèbre, sinon plus, que son jumeau de sinistre réputation.

En attendant de se transformer en souffre-douleur d'une cause perdue depuis longtemps déjà en novembre 1944, Walter va devoir se confronter à un certain Paul Webster, Marshal de son état, surnommé à juste titre le Kid de l'Oklahoma, celui qui ne lâche jamais sa proie. Parti à la poursuite des deux zèbres Jürgen Schrenk et Otto Penzler pour les renvoyer illico presto pourrir dans leur camp de prisonniers, Carl Webster va s'associer avec Honey Deal, l'ex de Walter, plus intéressée par les beaux et virils marshals que par la chasse aux nazis, dont elle se moque comme d'une guigne. En plus de sa course poursuite picaresque à travers les États-Unis, Carl Webster va devra lutter pour ne pas tromper sa femme Louly. Et ça, c'est plus facile à dire qu'à faire ! « Vous voyez le genre ? Elle était de compagnie agréable, c'était tout. Elle flirtait un peu avec ses yeux, avec certaines choses qu'elle disait, mais ça ne signifiait pas qu'il ferait le grand saut avec elle. Il avait une jolie femme qui avait abattu deux hommes et enseignait à douze cents mitrailleurs à aimer leur Browning calibre trente. Louly représentait tout ce qu'il avait toujours voulu chez une femme, et il avait juré de lui rester fidèle. Il n'avait pas la moindre intention de commettre un jour l'adultère avec Honey. Si tant est que ce fût ce qu'elle avait en tête. Et il semblait bien que oui, car elle était ce qu'on pourrait appeler un esprit libre, avec son regard langoureux et cette lèvre inférieure qui n'attendait que la morsure de sa bouche. Elle se comportait comme s'il n'y avait pas de mal à l'amour libre ».

Difficile de classer « Hitler's Day » d'Elmore Leonard. Certes, c'est un vrai roman policier américain. Mais avec en plus un fond drôle, hilarant, décalé avec des situations rocambolesques et des dialogues incisifs et pleins d'esprit. Ici, les personnages sont délirants, ubuesques, obsessionnels, caricaturaux.

Entre Honey Deal, jeune femme libérée et décidée à rattraper le temps perdu aux côtés d'un Walter Schoen étriqué et piètre mari, persuadé d'un destin hors du commun en raison de sa ressemblance frappante avec Himmler, Darcy Deal – ex-beau-frère – magouilleur, escroc, voleur de bestiaux détournant la loi sur le rationnement de la viande aux États-Unis pendant la 2ème Guerre mondiale et impliquant le psychorigide Walter Schoen dans ses affaires malhonnêtes, le tableau était déjà assez original. Ajoutez à cela deux officiers nazis, dont l'un rêve de devenir un vrai cow-boy avec stetson, bottes à éperons pour attraper du bétail au lasso, et l'autre – ancien SS – qui rêve d'épouser une jeune juive américaine, et vous aurez un petite idée de ce qui vous attend dans « Hitler's Day ». Ce roman est tout sauf un livre sur l'engagement des États-Unis dans la lutte contre le nazisme. C'est un ouvrage qui traite, sous une forme cynique, des relations ambiguës que l'Amérique a entretenu avec le national-socialisme et d'une idéologie sans consistance.

Dans « Hitler's Day », Elmore Leonard parle d'espionite aiguë et de la peur panique des Américains de se faire envahir de l'intérieur par leurs immigrés. Cerise sur le gâteau d'anniversaire du Führer si l'on peut écrire cela, il y est aussi question d'un attentat aussi extravagant qu'improbable, destiné à faire entrer ce pauvre Walter Schoen dans l'histoire du 20ème Siècle. « Maintenant, il nous dit qu'il veut être le seul kamikaze germano-américain de la Seconde Guerre mondiale, comme ça les gens se souviendront de lui : Walter l'assassin. Walter, est-ce que tu as déjà entendu parler du kamikaze niakwe qui a survécu ? Nakamura La Trouille ? ».


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13 avril 2011

ANNE MARIE A WEIMAR

  • Retour à Weimar – Anne-Marie Hirsch – Actes Sud Éditions


« En 1933, Bertolt Brecht quitta un pays qui se prétendait l'Allemagne et ne l'était déjà plus. Trois ans auparavant, dans la grande salle de l'Opernhaus de Leipzig, j'avais assisté à une des premières représentations de l'Opéra de quat'sous. Une soirée extraordinaire : pour acheminer à Leipzig tous ceux qui, comme moi, habitaient Halle-sur-Saale ou ses environs, un train spécial avait à peine suffi. Triomphe de l'irrévérence et de l'anticonformisme, l'Opéra de quat'sous fut avant tout un chef-d'œuvre de la République de Weimar. Cela n'a pas été assez dit. Le 31 juillet 1919 la première Assemblée nationale allemande s'était prononcée, à une écrasante majorité, en faveur d'une constitution républicaine. Événement capital, qui n'eut pas lieu à Berlin, mais à Weimar : parce que Berlin symbolisait l'empire et le militarisme, et Weimar la liberté. J'ai grandi dans cette époque et cet esprit, dans cette Allemagne-là, que Brecht n'aurait pas quittée ».

Anne-Marie Hirsch, gynécologue et psychanalyste, se souvient avec une douce nostalgie de cet intermède enchanté qu'a été l'éphémère République de Weimar en Allemagne. Dix années durant lesquelles l'Allemagne allait connaître les affres d'une jeune et fragile démocratie. Mais aussi une décennie de rayonnement intellectuel qui allait remettre sur le devant de la scène culturelle Bach, Nietzsche et Goethe. Sa mère, militante féministe de la première heure et libérale convaincue luttera pour que puisse vivre cette république instable, dans un pays où le poids des castes sociales, la prééminence militariste et la notion d'empire étaient encore prégnants dans la société perturbée, chamboulée par la défaite de la Première Guerre Mondiale. « Il ne s'agit pas de changer totalement, mais d'aimer la culture, la vraie ! Tu es encore un peu jeune pour comprendre. Sache, ma chérie, que dans notre pays il y a eu, avant 14, une fausse culture – qui n'était que d'apparence : une culture dans laquelle certaines classes sociales prétendaient dominer les autres. Tu le sais bien il y avait les militaires, et tout ce qui tournait autour de l'argent. En cela nous sommes d'accord, ton père et moi. Nous voudrions que tout le monde participe à la vraie culture – celle de l'amour pour les livres, l'art, la musique, la connaissance. La culture ? C'est bien ici, à Weimar, qu'elle a été vivante, du temps de Goethe et des Classiques. C'est pourquoi j'aimerais que tu aimes Weimar autant que je l'aime ».

Anne-Marie Hirsch grandira dans cet univers ouvert aux changements, prêt à accepter les grands bouleversements sociaux et moraux qui se préparaient, pour pérenniser une jeune république, source d'espérance et de foi en l'avenir pour la plupart des Allemands qui n'avaient connu que l'empire. « Ma mère connaissait tous les ouvrages traitant de l'émancipation de la femme. Elle assurait la présidence de la plupart des organisations féminines de la province. Deux ou trois par semaine se tenaient chez nous des réunions d'information, des discussions sur le statut social et professionnel de la femme. J'entendais parler de Gertrud Baümer, la déléguée, de Marianne Weber, veuve du célèbre sociologue, de femmes médecins, avocates ou futures ministres : quoi de plus normal ? ».

Jeune et amoureuse de la vie, sans doute aussi un peu naïve comme on peut l'être à vingt ans, Anne-Marie ne se rendra pas compte que les jours de la République de Weimar sont comptés, que tout est déjà en place pour la faire vaciller du piédestal bancal où elle a été installée en 1919. Bien sûr, sa ville natale de Halle-sur-Saale en Prusse Saxonne changera d'atmosphère dès 1932, comme partout ailleurs en Allemagne. Ayant grandi dans un quartier aux sympathies communistes avérés, celui-ci s'éveillera aussi à l'idéologie national-socialiste. Mais Anne-Marie n'en n'aura cure. Elle est amoureuse d'Otto, jeune médecin de confession juive qu'elle a rencontré durant ses études. Elle va se marier, fuir cette époque révolue et cette société qui commence lentement mais sûrement à perdre la raison. Elle ne veut pas voir sombrer son jeune frère, Hanns, qui – comme le reste du pays – dérape dans un mélange de folie destructive sans fonds et de nihilisme. « Les semaines passaient, de loin en loin me parvenaient des nouvelles de Halle. Ne pensant qu'à s'aguerrir, ne parlant que d'exploits et d'entrainement physique, mon frère Hanns allait mal, de plus en plus mal … Et moi, je voulais être heureuse ».

Cependant, Anne-Marie Hirsch gardera la tête froide face au cataclysme qui se prépare dans son pays. Enfant de la démocratie et fille de la république, elle ne pouvait imaginer – encore moins accepter – que son pays, l'Allemagne – nation évoluée et cultivée -, était en train de renier cette libération des esprits, ce foisonnement artistique et novateur. « Parfois je pensais à mes parents. Une idée insoutenable montait en moi : étaient-ils devenus nazis ? Depuis près d'un an je restais sans nouvelles. Je n'avais plus ni famille ni pays. Je n'avais même plus mon nom. Où était mon identité ? Je n'existais plus ! Qui étais-je ? ».

Pourquoi, quinze ans après son départ précipité pour la France, sa seconde patrie, Anne-Marie Hirsch tient-elle tant à revenir sur les ruines de ce pays qu'a été l'Allemagne ? C'est ce qu'elle tente de comprendre et d'expliquer au lecteur dans son « Retour à Weimar ».

En 1932, Anne-Marie Hirsch avait laissé derrière elle une république moribonde, foudroyée par la haine national-socialiste, enfin triomphante. L'embrasement des foules, le culte des chefs et cette obsession de l'ordre engendreront la catastrophe que l'on connaît tous. Cependant, cela ne suffit pas pour Anne-Marie Hirsch, qui veut voir et entendre cette nouvelle Allemagne, désormais scindée en deux pour avoir rêvé d'être un empire dominant un monde à sa botte. Que cherche-t-elle dans ce pays ravagé, anéanti ?

A travers les allers-retours de sa mémoire et ses voyages incessants dans cette autre Allemagne, comme elle la nomme, Anne-Marie Hirsch nous rappelle – s'il en était besoin – que l'Allemagne est aussi la patrie des philosophes et de la musique classique, que c'est en Allemagne que Martin Luther a traduit la Bible, l'Ancien et le Nouveau Testament en allemand, que le courant du Bauhaus jouait sur l'élémentaire, l'abstrait, l'épure et voulait remettre l'individu au cœur même de leur mouvement artistique.

C'est en psychanalyste avisée qu'Anne-Marie Hirsch étudie cette autre Allemagne, toujours entre deux trains, entre deux frontières, entre deux histoires. Comme si la fugace République de Weimar n'avait été – elle aussi – qu'un entre-deux passé politique et social d'une seule et même Allemagne. « Le train. Toujours un train. Ma vie me semble une suite de trajets, un incessant va-et-vient d'allers et de retour, un carrousel, une ubiquité absurde … Sommes-nous des nomades, nous, les Allemands, d'ailleurs ? Sommes-nous des sans-racines ? Sommes-nous condamnés à l'errance ? ».

Quelques sites pour mieux comprendre la République de Weimar : Hérodote, Résistance allemande, Bundestag Allemand ...


247 - 1 = 246 livres dans ma PAL ...

10 avril 2011

LA BONNE MUSIQUE ADOUCIT LES MOEURS !

En attendant de terminer les billets des livres récemment lus et de les publier sur ce blog, j'avais envie de vous faire partager trois vidéos de titres que j'écoute en ce moment tout simplement parce que ces musiques sont belles, les voix magnifiques, les paroles intelligentes et qui font passer des messages.

Je sais, ce n'ai pas dans mes habitudes de vous présenter des vidéos musicales. Mais les habitudes ne sont pas immuables. Et il est toujours bon de changer, d'évoluer, d'avancer et de vivre avec son temps. Et puis, quand c'est de l'excellente musique, j'aime bien la partager avec des personnes que j'aime ! Tout simplement.

Adele - Rolling in the deep



R.E.M - ÜBerlin



Axelle Red - La claque

7 avril 2011

UN JARDIN ANGLAIS EN PRUSSE

L'été solitaire - Elizabeth Von Arnim - collection 10 / 18


"Qu'est-ce qu'un jardin sinon un filtre qui nous débarrasse de toute notre grossièreté, et chaque fois que nous nous y rendons nous rend plus purs et plus inoffensifs". Elizabeth Von Arnim est un auteur connu et reconnu pour la qualité de ses œuvres, renommé et apprécié de beaucoup de lecteurs. Cousine de l'écrivain Katherine Mansfield, mariée à un aristocrate prussien lui-même cousin du poète romantique Achim Von Arnim, Elizabeth nous convie à visiter son magnifique jardin anglais - dont elle n'est pas peur fière - dans un paysage où il est difficile d'en imaginer un : la Prusse.

L'Homme de Colère s'étant pris de passion pour l'agriculture, toute la famille s'est installée à la campagne, pour le bonheur de chacun. "A mon grand soulagement, il s'est pris d'une passion inattendue pour l'agriculture. Nous nous étions installés ici pour un an seulement, et trois ont déjà passé sans que personne ait proposé de revenir en ville. Personne ne le proposera tant qu'il ne le fera pas lui-même, tant ces années ont été heureuses". En cette troisième année de vie campagnarde, Elizabeth décide de profiter pleinement de son jardin qu'elle a mis deux ans à construire et agencer. Pour cela, quoi de mieux que de vivre un été dans la solitude, sans réception ni invitation, pour profiter pleinement de ce bonheur absolu. "Si le bonheur et la gaieté viennent de l'intérieur, je suis certaine d'avoir des réserves pour cinq mois", assène-t-elle à l'Homme de Colère.

Ce jardin merveilleux, son Eden à elle, Elizabeth l'a commencé deux ans auparavant. Sans grand succès, hélas. Malgré une étude assidue de tous les manuels traitant du jardinage, des fleurs et plantes à faire pousser sur le sol prussien, Elizabeth Von Arnim se désespère que son jardin ne ressemble ... à rien !! Lasse de passer pour une excentrique dans un pays où la rigueur et la réserve règnent en maître, elle partira à la recherche de son jardinier, celui qui a l'amour du jardin, qui écoutera ses envies et ses folies et - surtout - les exaucera. Bref, un jardinier dans l'âme. "L'air dubitatif, il fut atteint d'une brusque attaque de surdité - phénomène que j'ai observé immanquablement lorsque mes ordres ont quelque chose d'inhabituel. Allons, avec le temps il finira par admettre mon absence d'orthodoxie en ces matières. En tout cas, il est jardinier dans l'âme et à l'amour de son métier".

Bien sûr, Elizabeth est une romantique, amoureuse passionnée de ses fleurs et de
ses arbres. Elle rêve du visiteur idéal pour son jardin, qui ne pourrait être qu'un amoureux des jardins "qui est prêt à se déplacer pour en découvrir, et vient me voir par goût et passion de cet art. [...] il sait prodiguer les encouragements et les critiques constructives [...], il sait combien de travail, de patience, d'acharnement, de rires, de larmes et de foi inébranlables représentent les fleurs de mon jardin. [...] Il sait aussi que ce sera de plus en plus un lieu de plaisir, de leçons, de grandes santés, de miracles - un lieu de paix à jamais". Le mieux serait qu'il soit poète pour décrire la beauté et le parfum des pois de senteur, fleurs qu'Elizabeth affectionne par-dessus tout.

Évidemment, Elizabeth, comme toutes jeunes filles ayant été élevées dans la grande bourgeoisie, a la passion des livres. Dans son immense jardin de la propriété de Nassenheide, les endroits isolés ne manquent pas pour déguster un auteur. Si elle lit les auteurs anglais, américains et français, son cœur bat pour Goethe, dont elle choisit toujours le même endroit d'où elle peut voir des bouquets de coquelicots géants parmi les arbres. Toujours ce retour, ce lien avec les fleurs, les arbres, les herbes qui lui donnent la sérénité et le calme recherchés.

Quel moment d'extase, de joie, de paix dans son jardin anglais, mais ... à l'allemande !! Cet endroit où elle est enfin elle-même, cachée du monde, à l'abri des regards indiscrets des voisins, protégée de l'extérieur. "Imaginez un jardin parfait, un jardin du pays des jardins, l'Angleterre. [...] Les plates bandes sont tirées au cordeau, et le gazon si luisant qu'on a peur d'y poser le bout du pied. Eh bien, mes frères en solitude et moi ne pourrions jamais nous y sentir à l'aise car nous nous sentirions sans cesse épiés. Dans la jungle de mon jardin allemand, plein de sentiers et de taillis, je suis sûre que nul ne peut me voir".

"L'été solitaire" d'Elizabeth Von Arnim est un concentré de bonheur et de plaisir contenu dans 127 pages. C'est vrai que j'ai eu la crainte de la lassitude, en commençant ce livre. Parler de son jardin - même de façon poétique et artistique - me faisait craindre un petit traité de botanique !!! Point de tout cela. Au contraire, les descriptions de son jardin au printemps et à l'automne, avec ses couleurs, ses harmonies, ses effluves, ses changements d'aspect en fonction des saisons font de ce livre un tableau impressionniste vivant. En lisant "L'été solitaire", on retrouver le plaisir de marcher dans l'herbe fraîche et pleine de rosées matinale.

C'est un petit livre et une romancière à (re)découvrir pour les amoureux et les passionnés de nature, de beauté des éléments et les fous de jardinage qui s'y reconnaîtront un peu, beaucoup, passionnément. "Jamais je n'oublierai cet instant, précieux et délicat, pendant lequel j'ai eu le sentiment de prendre le monde par surprise, de la voir tel qu'il est lorsqu'il ne se tient pas sur ses gardes - comme si j'étais parvenue tout près de la vérité des choses".

D'autres blogs en parlent : Thé noir, Alix Gaussel, Clarabel ... D'autres peut-être ?! Merci de vous faire connaître par un petit mot et je vous ajoute aux fans.

Ce livre a été précédemment présenté sur mon ancien blog. Je sais, c'est très mal de faire du copier/coller, mais cela reste une histoire entre mes blogs et moi. L'honneur est sauf ! Ouf ... Juste pour vous dire que je suis toujours parmi vous, malgré le manque de temps. Et que je ne vous oublie surtout pas. En plus, j'ai un livre en cours d'Elizabeth Von Arnim. Deux excellentes raisons pour faire une piqûre de rappel.

2 avril 2011

QUE LIRA-T-ON EN AVRIL ?

Peut-être avez-vous cru que j'allais oublier le rendez-vous fixé tous les débuts de mois pour vous présenter les livres qui sortent – enfin – en format poche ? C'était bien mal me connaître ! Malgré le travail que je peux avoir, et le retard que j'accumule aussi bien dans la lecture de vos blogs que dans l'écriture de mes billets (un peu comme les champignons concentrent la radioactivité de la centrale de Fukushima !), je suis là et bien là pour vous présenter quelques belles sorties qui vous permettront certainement de découvrir des livres connus ou pas, des auteurs nouveaux ou pas, des envies de lire ou pas. Au choix de chacun.

En ce joli mois d'avril qui nous proposera une belle histoire d'amour télévisée directement venue d'Outre-manche comme seuls nos amis Britanniques savent encore en fabriquer, et pour vous faire patienter un peu avant les falbalas et autres fanfreluches bariolées, les bibis ornés et colorés, les robes mousselines aériennes et bigarrées, place aux sorties du mois.

  • 10/18

Le destin miraculeux d'Edgar Mint – Brady Udall

À chaque époque son destin, à chacun sa route, à chacun son chemin. Or, le destin d'Edgar Mint, aussi singulier soit-il, colle parfaitement aux années 2000. Imaginez un gamin de sept ans, élevé par une mère apache alcoolique et une grand-mère qui n'ouvre la bouche que pour pousser des cris à l'attention des dieux. Imaginez que ce même gamin se fait rouler sur la tête par la jeep du facteur un brûlant après-midi d'été tandis que sa mère cuve ses bières sous un arbre à canettes. On le croit mort, il est sauvé in extremis par un docteur Mabuse sans scrupule. Heureusement sorti du coma, Edgar commence ainsi sa seconde vie dans un hôpital, côtoyant les autres gueules cassés de la vie et découvrant ses nouvelles facultés émotives et sensorielles. Car si l'accident a laissé des séquelles indélébiles, il a en même temps développé chez l'enfant une formidable acuité à décrypter la frénésie et l'incohérence du monde qui l'entoure. Poursuivi sans relâche par son sauveur de médecin devenu dealer et un complice junky, Edgar se retrouve dans un pensionnat pour jeunes Indiens délinquants, sorte d'antichambre du chaos généralisé. Il n'en sortira indemne qu'en tapant comme un fou sur sa vieille machine à écrire puis en finissant par découvrir la foi auprès de deux représentants de l'Église Mormon !

Un beau jour de printemps – Yiyun LI

En ce jour de printemps 1979, la ville de Rivière-Fangeuse se prépare à l'exécution de Gu Shan, une ancienne garde rouge devenue dissidente. Pour ses parents et les quelques habitants écœurés par cette ultime injustice, plus rien ne sera comme avant. Sous l'œil omniprésent du Parti, contre la terreur ordinaire dans la Chine post-maoïste, ils tentent de modifier la trajectoire imposée.

Mémoires captives – Azar Fanisi

Briser le silence. De l'ascension politique de son père en Iran à la trahison, de l'idéal révolutionnaire à la désillusion totalitaire, Azar Nafisi raconte. Entre secrets de famille et secrets d'État, il n'y a qu'un pas, que l'auteur de Lire Lolita à Téhéran franchit pour réaffirmer sa foi en sa patrie de cœur, celle de l'imagination. Un témoignage à la beauté mélancolique.

La mer noire – Kéthévane Davrichewy

À Paris, le jour de son anniversaire, Tamouna repense à la Georgie, ce pays qu'elle a dû fuir à quinze ans. A l'âge où les souvenirs s'effritent, les siens sont restées intacts : son exil, la déchirure de sa famille, et ses amours manquées... Et tandis que passé et présent se rejoignent doucement, se dessine le portrait d'une femme toujours habitée par la joie et le désir, malgré les caprices de l'Histoire.

La vie financière des poètes – Jess Walter

La quarantaine passée, Matt se réveille un beau matin sans boulot, criblé de dettes et face à un compte à rebours plus que flippant : il n'a que huit jours pour sauver sa maison des griffes de ses créanciers. Sa rencontre inattendue avec deux minables dealers va lui ouvrir les yeux : investir dans le lucratif commerce de l'herbe qui redonne goût à la vie en ces temps de crise. Mais au pays des rêves et des dollars qui partent en fumée, il faut savoir se méfier des mirages. Entre magistrale arnaque et fiasco annoncé, Matt, en bout de course, n'aura peut-être pas perdu l'essentiel...

Le papillon de papier – Diane Wei Liang

Pas facile de retrouver dans une ville survoltée, une pop star rebelle disparue depuis plusieurs jours ! La détective privée Wang Mei n'a que quelques mots d'amour et un papillon de papier pour la guider dans Pékin où, des taudis tentaculaires aux buildings flambant neufs, plane l'ombre tragique du soulèvement de la place Tian'anmen. Trahison et vengeance dans une Chine tourmentée par les fantômes de son passé.

  • Livre de poche

Histoire de mes assassins – Tarun Tejpal

A Delhi, un journaliste renommé apprend par un flash d'information, qu'il vient d'échapper à la mort et que cinq suspects ont été arrêtés. Il ignore pourquoi on a voulu le tuer. Est-ce parce qu'il a révélé une affaire de corruption au sein du gouvernement indien dans les colonnes de son magazine ? A moins que les services secrets pakistanais ne soient les commanditaires ?... Protégé par des policiers, il se retrouve bientôt face à ces cinq hommes. Originaires de l'Inde du Nord, ils ont grandi dans le monde impitoyable des millions de laissés-pour-compte du pays et sont prêts au pire pour quelques roupies… Dans cet ample roman, plein de compassion, l'auteur de Loin de Chandigarh met à nu les plaies de l'Inde contemporaine.

L.A. noir – Tom Epperson

Après un terrible accident, vous avez perdu la mémoire. Vous ne savez plus qui vous êtes. Vous vous rappelez juste votre nom, Danny Landon, et que vous avez de (très) mauvaises fréquentations. Votre boss, par exemple, Bud Seitz, un ponte de la mafia. Comme vos amis, des criminels impitoyables. Selon la rumeur, vous avez aussi un net penchant pour la violence. Vous n'êtes plus sûr de rien, sauf de votre attirance pour Darla, la copine de votre boss… Tout cela risque de mal finir, non ? Salué par une critique unanime, ce premier roman nous offre une intrigue parfaite, pleine de rebondissements, digne des frères Coen. Les droits d'adaptation cinématographiques ont été achetés par Ridley Scott, qui signera la mise en scène du film.

Le miracle de San Gennaro – Sandor Marai

Situé en 1949 à Naples, où Márai passa quelques années avant d'émigrer aux États-Unis, ce roman, largement autobiographique, brosse un tableau plein de vie et d'humour du petit peuple du Pausilippe. Comme égarées dans ce quartier haut en couleur, deux ombres : un couple d'étrangers discrets, jamais nommés autrement que « l'homme » et « la femme ». Viennent-ils d'Amérique, d'Angleterre, de Pologne, nul ne sait. Un jour, l'étranger est retrouvé mort au pied d'une falaise. À travers l'enquête du vice-questeur et les récits de ceux qui côtoyaient le disparu (sa femme, se dégage un portrait paradoxal de ce réfugié au statut fragile, qui tenait, malgré lui, le rôle d'un messie dans cette ville où, chaque année, le sang de San Gennaro se liquéfie miraculeusement. Récit de l'exil et du déracinement, ce roman désenchanté confirme l'immense talent de l'auteur des Braises.

Petit lexique amoureux du théâtre – Philippe Torreton

T comme Trac Le trac c'est cette sensation diffuse qui vous envahit le bas-ventre lorsque la représentation s'approche avec ces gros sabots de salle qui se remplit. C'est une solitude de derrière le velours, personne ne peut plus rien pour vous, alors vous faites le tour de tout plusieurs fois, à commencer par le texte que vous savez pourtant depuis longtemps. […] Le trac vous raccroche à l'enfance et à son ignorance dans un monde tellement savant. C'est être définitivement puceau. De A comme Admiration à Z comme ZZZZ (ronflement du spectateur qui dort…) en passant par Bide, Critique, Intermittents du spectacle, Marivaudage ou Ministère de la Culture, Philippe Torreton nous promène dans les coulisses de son art, de son métier, de ses joies et de ses peines. Avec modestie et panache.

Une fois deux – Iris Anika

Senta et Thomas, deux êtres que tout oppose, tombent l'un sur l'autre dans un café du quartier de Kreuzberg à Berlin. Coup de foudre, coup de fil : la rencontre est scellée en 127 secondes. Mais, très vite, le doute, la peur s'installent. Les monologues intérieurs des protagonistes témoignent de leur résistance émue, surprise, face à cette histoire. De l'analyse scientifique du sanglot au fragment du discours informatique amoureux, un véritable arsenal stylistique est mis en œuvre pour dynamiter leur relation, la disséquer avec un humour désopilant, le tout dans la canicule estivale de Berlin, croquée avec la précision d'une Berlinoise d'adoption. Ce roman bourré d'humour, de tendresse aussi, se présente comme un brillant exercice de style sur toutes ces coulées de langage qu'emprunte le désir pour se raconter, se mettre en scène, s'alimenter, bref, s'inspirer… Sophie Deltin, Le Matricule des anges.

Le dernier crâne de M. Sade – Jacques Chessex

Qui est cet homme de soixante-quatorze ans enfermé à l'hospice de Charenton, au printemps 1814, qui a commis tant de crimes et semble ne se repentir en rien ? Fuyard, brûlé en effigie, embastillé, sodomite, blasphémateur, soupçonné d'inceste, et pourtant encore là, bouillant d'idées et d'ulcères, désireux de poursuivre l'œuvre de chair. Cet homme se nomme Donatien-Alphonse de Sade. Il meurt en décembre 1814. En 1818, sa tombe est ouverte, et son crâne passe dans les mains du docteur Ramon, le jeune médecin qui le veilla jusqu'à la mort. Relique, rire jeté à la face de toutes choses, effroi érotique, le crâne de M. de Sade roule d'un siècle à l'autre, incendiant, révélant et occupant le narrateur de ce roman.

Pour mon plaisir et ma délectation charnelle – Pierre Combescot

Dans le tumulte de la guerre de Cent Ans, princes et ducs s'assassinent pour la couronne de Charles VI, frappé de démence. Gilles de Rais, l'un des plus sombres criminels de l'Histoire, vient au monde. Compagnon d'armes de Jeanne d'Arc qu'il révère, adepte de la magie noire mais fervent chrétien, immensément riche et prodigue, l'homme qui a inspiré Barbe- Bleue est aussi parmi les plus puissants du royaume. Aux juges qui l'interrogeront sur les raisons de sa folie sanguinaire, il dira n'avoir agi que « pour son plaisir et sa délectation charnelle »...

Cela lui a permis, sans sa verve habituelle, de sauter de la mortification à l'horreur avec une grâce d'État : depuis la Vie de Rancé on sait que ces livres- là, qui forcent la nature, sont les meilleurs de leurs auteurs. Stéphane Denis, Le Figaro magazine.

Un hiver avec Baudelaire – Harold Cobert

Sa femme l'a mis dehors, son CDD n'est pas prolongé. Philippe est happé dans une spirale infernale et passe de l'autre côté de la barrière sociale : SDF, confronté à la dure loi de la rue, faite de solitude, de honte et de violence. Jusqu'au jour où il rencontre Baudelaire. Grâce à cet inénarrable compagnon d'infortune, et avec l'aide d'un vendeur de kebab, d'une riche veuve et d'une dame pipi, il réussit à remonter la pente. Et à retourner à une vie normale. Plongée sans fard dans le quotidien des plus démunis, Un hiver avec Baudelaire, en mêlant romanesque et réalité sociale, poésie et âpreté, nous rappelle à quel point est précaire l'équilibre qui régit nos vies.

Le goût des pépins de raisins – Katharina Hagena

À la mort de Bertha, ses trois filles et sa petite-fille, Iris, la narratrice, se retrouvent dans leur maison de famille, à Bootshaven, dans le nord de l'Allemagne, pour la lecture du testament. À sa grande surprise, Iris hérite de la maison. Bibliothécaire à Fribourg, elle n'envisage pas, dans un premier temps, de la conserver. Mais, à mesure qu'elle redécouvre chaque pièce, chaque parcelle du merveilleux jardin, ses souvenirs font resurgir l'histoire émouvante et tragique de trois générations de femmes. Un grand roman sur le souvenir et l'oubli.

Si, entre les pages, on sent les odeurs « de pomme et vieilles pierres », c'est que, dans un style dont la sobriété touche toujours juste, elle sait à merveille donner vie au souvenir. Elvire Emptaz, Elle.

  • Folio

Diderot le génie débraillé – Sophie Chauveau

Diderot l'écrivain, le philosophe, l'Encyclopédiste nous est ici révélé sous un autre jour. Voici un adolescent, fuyant son père avec la complicité de sa sœur, qui plonge avec délices dans le Quartier Latin. Voici un bon vivant, gastronome et séducteur, navigant d'amour en amour. Surveillé par les censeurs sous le règne du Roi Soleil, il se passionne pour toutes les causes, entraîne d'Alembert, La Condamine dans l'aventure de l'Encyclopédie. Avant de quitter la France pour la Russie et de rejoindre à Saint-Pétersbourg la cour de la Grande Catherine… Après avoir ressuscité Lippi, Botticelli, et Léonard de Vinci dans le « Siècle de Florence », Sophie Chauveau se penche avec la même verve sur le siècle des Lumières. Des années bohème aux cercles de l'Encyclopédie, elle nous raconte la vie passionnée et passionnante d'un de nos plus grands penseurs.

Les enfants de la veuve – Paula Fox

A la veille d'un voyage en Afrique, Laura Maldonada Clapper et son mari, Desmond, boivent du scotch assis dans une chambre d'hôtel new-yorkaise, en attendant leurs trois invités : Clara, la timide fille de Laura née d'un précédent mariage ; Carlos, l'exubérant frère de Laura, critique musical raté ; et Peter, un éditeur falot et mélancolique que Laura n'a pas revu depuis un an. Ce qui s'annonçait comme une petite fête de départ se transforme bientôt en un amer et angoissant règlement de comptes familial. Laura, sorte de « diva », qui tout au moins semble se considérer comme telle, orchestre la soirée avec une impériale cruauté et multiplie insinuations et hostilités pour tenter de cacher une terrible nouvelle qu'elle vient d'apprendre. Paula Fox révèle une fois de plus son incontestable maîtrise esthétique et sa capacité à raconter les relations humaines telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être. Elle met en scène avec une grande subtilité la toute-puissance maternelle dans ce qu'elle peut avoir de manipulateur et de déstabilisant.

Le bateau brume – Philippe le Guillou

Deux destins entrelacés. Deux frères, Gilles et Guillaume Vègh. L'un est attiré par l'histoire et l'action politique, l'autre dessine et peint. Des bords de l'Elorn, la rivière finistérienne auprès de laquelle ils grandissent, à Paris, du Périgord à Rome, de Dublin à Bologne et du Marais breton à Shanghai, on suit, dans la seconde moitié du XXe siècle et au début du suivant, leurs itinéraires, leurs passions, leurs éclipses et leurs passages douloureux, parce que si les chemins bifurquent, si les vies en apparence se séparent, la force d'un lien et d'un amour hors du commun fait que jamais ils ne se perdront. Plus que le mystère de la gémellité, Le bateau Brume explore la singularité sensible de ces deux vies en miroir.

Le pigeon voyageur – Meir Shalev

«Les pigeons, qui se croisèrent très probablement en chemin, arrivèrent et se posèrent. Leur gorge lustrée battait très fort. La Fillette et le Bébé, chacun de l'endroit où ils se trouvaient, défirent les fils de soie qui reliaient les plumes aux queues puis firent un pas sur le côté pour lire les mots qui leur étaient destinés. Comptés et laconiques comme il se doit en colombophilie : oui-oui-oui-oui. Oui, nous nous aimons ; oui, nous nous manquons ; oui, nous n'oublions pas ; oui, nous nous souvenons.» Yair est guide touristique en Israël. Au cours d'une excursion près de Jérusalem, un Américain lui raconte ses souvenirs de la guerre d'Indépendance de 1948 et la tragédie qui toucha un jeune homme surnommé «le Bébé». Or Yair connaît cette histoire : celle de l'amour qui unit deux enfants, bientôt deux adolescents, passionnés de colombophilie…

La tête perdue de Damasceno Monteiro – Antonio Tabucchi

Cela se passe à Porto. Un vieux gitan, Manolo, fait une macabre découverte : un corps décapité. Où est passée la tête de la victime? Qui l'a assassinée? Qui avait intérêt à empêcher l'identification du cadavre? Un journal populaire de Lisbonne va dépêcher un enquêteur sur place, le jeune Firmino, étudiant en lettres. Commence alors une sorte de faux polar à portée métaphysique, notamment sous l'impulsion de l'avocat Don Fernando, dit Loton, un homme cultivé, bizarre, excentrique même, d'esprit à la fois anarchiste et aristocratique. L'avocat pointe les énigmes, amorce des hypothèses, développe ses théories de la justice et son obsession de la Norme juridique. Et Firmino poursuit son enquête, qui finit par impliquer la police. Un roman surprenant, une réflexion aiguë sur les abus de pouvoir, sur l'illégalité, sur la xénophobie qui revient. Bref, les infamies de l'Europe contemporaine.

Les fantômes de Breslau – Marek Krajewski

Début septembre 1919. Sur une petite île de l'Oder, des collégiens découvrent les corps atrocement mutilés de quatre jeunes hommes en bonnet de marin. A côté des victimes, la police retrouve une feuille avec une citation de la Bible, adressée à l'assistant criminel spécialisé dans les affaires de mœurs, Eberhard Mock. A travers les sombres ruelles de Breslau marquées par le désœuvrement de l'après-guerre, le crime et des établissements douteux où circule la drogue et fleurit la prostitution, l'enquête que mènera Mock dans l'" affaire des quatre marins " fera resurgir son propre passé, encore très proche... Premier volume d'une série nous plongeant au cœur de l'Europe centrale de l'entre-deux-guerres, Les fantômes de Breslau ravira les amateurs d'Histoire et de mystères.

  • Points Seuil

Orages ordinaires – William Boyd

Par une succession de terrifiantes coïncidences, le jeune climatologue Adam Kindred se retrouve suspecté de meurtre. Pour échapper à la police et au tueur à gages lancé à ses trousses, sa seule issue est de se défaire de tous les signes extérieurs de son identité et de rejoindre la multitude de ces exclus anonymes qui hantent la capitale londonienne. Né au Ghana en 1952, William Boyd a été critique de télévision, scénariste, réalisateur et professeur avant de se consacrer à l'écriture. En 1980, son premier roman, Un Anglais sous les Tropiques, rencontre un succès immédiat.

Nuit et jour – Virginia Woolf

« C'était un dimanche après-midi d'octobre et, tout comme nombre de jeunes filles de sa condition, Katherine Hilbery servait le thé » : Katherine Hilbery, résignée à la vie domestique que lui réserve la tradition, se prépare à épouser William Rodney. Mary Datchet, indépendante et moderne, travaille pour les suffragettes. L'arrivée du jeune et ténébreux Ralph Denham pousse les deux amies à s'interroger sur l'amour, le mariage, le bonheur. Le quatuor est entraîné dans une valse des sentiments fébrile, passionnée et mal accordée à ce siècle vieillissant.

La reine et moi – Sue Townsend

L'impensable s'est produit : le Parti républicain populaire britannique abolit la monarchie. La famille royale est sous le choc : mise à la porte de Buckingham Palace, la reine, le prince Philip et leurs enfants deviennent les Windsor, une famille comme tout le monde, eux qui n'ont jamais appris à ouvrir une boîte de conserve ni même une porte sans assistance. Récit corrosif et néanmoins très tendre de la vie quotidienne de Ma'am dans une banlieue populaire anglaise. Née en 1946 à Leicester, Sue Townsend est l'auteur du Journal secret d'Adrian, 23 ans ¾ et du Journal secret d´Adrian, 15 ans. Engagée en politique, elle dépeint la société britannique avec cynisme et humour.

La passerelle – Lorrie Moore

À Troie, Tassie Keltjin, vingt ans, mène une vie insouciante. Entre les cours et les copains, elle est la baby-sitter de Mary-Emma, une adorable métisse. Tout juste adoptée, la fillette ne passe pas inaperçue : les regards sont lourds, les injures pleuvent et ses parents la rejettent peu à peu. Bouleversée, Tassie découvre le visage sombre d'une Amérique où l'hypocrisie se mêle au racisme ordinaire.

La traversée des fleuves – Georges-Arthur Goldschmidt

Contraint de quitter son Allemagne natale pour échapper aux décimations nazies, Georges-Arthur Goldschmidt se réfugie dans un internat de Haute-Savoie. On l'y croit idiot, incapable d'apprendre le français, on le bat fréquemment. Pourtant, un jour, l'un de ses camarades s'exclame devant la neige : « Les premiers flocons ! », et là, Georges-Arthur Goldschmidt s'aperçoit qu'il comprend déjà le français, et depuis longtemps. C'est le début de son amour pour une langue que cet enseignant émérite adoptera pour de bon en prenant la nationalité française.

L'histoire très ordinaire de Rachel Dupree – Ann Weisgarber

Isaac et Rachel Dupree avaient de quoi être fiers. Premiers fermiers noirs des Badlands, à la tête d'un domaine de cent soixante hectares, l'ancien soldat et la petite cuisinière de Chicago se voyaient déjà faire jeu égal avec les pionniers blancs. Mais face à la sécheresse et à la pénurie de 1917, l'ambition démesurée d'Isaac ne fait qu'aggraver la situation de sa femme enceinte et de leurs cinq enfants, poussant cette dernière à prendre de graves résolutions.

Les courants fourbes du lac Tai – Xiaolong QIU

En vacances à Wuxi, l'inspecteur Chen rencontre la troublante Shanshan. Militante pour l'environnement, elle lui raconte son combat : sauver le lac Tai des déchets toxiques. Quand le directeur d'une usine chimique est assassiné, tous les regards se tournent vers la jeune activiste. Chargé de l'enquête, Chen oscille entre les beaux yeux de Shanshan et ses soupçons. Les écologistes seraient-ils plus dangereux que la pollution ?

Le poisson mouillé – Volker Kutscher

Après la répression des émeutes communistes du 1er mai 1929, la police de Berlin n'a plus droit à l'erreur. Et avec le cadavre d'un mystérieux Russe sur les bras, la tâche s'annonce ardue. Seul le commissaire Gereon Rath, fraîchement débarqué de Cologne, connaît son identité. Face à l'hostilité de ses collègues et à la corruption, il va devoir se salir les mains s'il veut gagner ses galons.