23 avril 2009

DE GAULLE EN TONGS

  • De Gaulle à la plage - Jean-Yves Ferri - Poisson Pilote Éditions


Été 1956. Le général De Gaulle ayant claqué la porte du gouvernement provisoire dix ans plus tôt pour cause de mésentente chronique avec les veaux de Français, se sent d'un coup bien seul. Quelque peu oublié par ses compatriotes - peu reconnaissants du don de sa personne durant la 2ème Guerre mondiale -, entrés de plein pied dans l'ère de la consommation et des loisirs grâce aux Trente Glorieuses, le libérateur de la France décide de prendre quelques jours de vacances bien méritées sur la côte bretonne. Accompagné de son épouse tricoteuse, de son rejeton Philippe - son sosie adolescent -, et de son dévoué aide de camp Lebornec, le général De Gaulle va découvrir les joies des vacances en famille, pour tous, sur les plages populaires. Fou rire garanti !

Il faut dire, pour sa défense, que le général De Gaulle a gardé quelques souvenirs de son passé historique et professionnel. En effet, l'installation quotidienne du parasol sur la plage donne lieu à un salut aux couleurs
réglementaire. A chaque parole du général, son adjoint se met au garde-à-vous pour lui répondre, comme au temps de sa grandeur passée. Parce que Lebornec est un fidèle parmi les fidèles. Toujours aux petits soins pour le général et sa famille, à expliquer la situation au chef de la France Libre, à agréer sa tactique d'approche des plages. Il est la main qui rédige les mémoires du général De Gaulle, les yeux qui lui lisent les nouvelles des journaux, la pensée qui termine ses envolées lyriques, la conscience qui le ramène à la réalité lorsqu'il s'égare et louche sur les jeunes femmes de la plage.

Dans son entourage, il y a aussi Yvonne. Femme effacée s'il en est, elle sait aussi revenir sur les sujets qui fâchent comme les causes de son soudain départ pour
Londres le 17 juin 1940, ce qu'il avait bien pu faire là-bas tout ce temps, qui était cette mystérieuse Mrs. France Lemercier-Twiningham, secrétaire bilingue attachée au gouvernement de la France Libre et - surtout - quel lien avec la France à libérer ? Le rejeton, toujours considéré comme un éternel enfant et qui passe son temps à lorgner lui aussi les femmes sur la plage, sans jamais oser les aborder.

La rencontre inopinée avec son allié de toujours, Sir Winston Churchill, est l'occasion de quelques pages truculentes. C'est l'instant de se remémorer quelques moments de la grande histoire entre deux fortes personnalités qui ont dû se supporter tant bien que mal pendant quatre ans. Cette incompréhension, volontaire et assumée, se porte même jusque dans la langue. Particulièrement lorsque De Gaulle et Churchill discutent littérature, mémoires et Prix Nobel !

Et celui que personne n'attend dans cette bande dessinée pleine d'humour, de bons mots, allusions subtiles à la situation politique de l'époque, le chien-loup ! Rebaptisé pour l'occasion du petit nom guttural de Wehrmacht, l'animal a un passé lourd et trouble. Récupéré par un officier de la 2ème DB après le suicide de son maître, le cerbère n'est - ni plus, ni moins - que le rejeton du chien personnel de Hitler ! Il faut avouer que le pauvre Wehrmacht a des séquelles profondes et irréversibles venant
du tréfonds de son passé. Surtout lorsqu'il repense aux troupes russes et à ses croquettes !!

"De Gaulle à la plage" de Jean-Yves Ferri est un condensé et un concentré d'humour pur jus. En 48 pages, il n'y a pas un seul temps mort. Chose plutôt rare qui mérite d'être signalée. Tout est fin, adroit, drôle. L'auteur a su éviter les truismes, parfois faciles dans ce genre de littérature. Car c'est loin d'être une caricature sordide et stupide du général De Gaulle. Plutôt une autre façon de le percevoir, plus proche du commun des mortels. Jean-Yves Ferri déboulonne la statue du Commandeur De Gaulle où l'avaient placé trop d'historiens, pour oser nous le montrer dans son quotidien, entouré de ses proches, avec ses qualités et ses petits défauts. Jusqu'à présent, on imaginait mal le Général De Gaulle en tongs et bermuda lançant des appels au mégaphone de la plage le 18 juin. Avec Jean-Yves Ferri, c'est désormais chose faite ! Tout cela nous donne des planches hilarantes, mêlant avec allégresse la grande histoire avec des préoccupations et des considérations beaucoup plus terre à terre. L'auteur ne s'est pas gêné pour reprendre à son compte quelques expressions ou grandes phrases du général et les a
distillées dans ses dialogues, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Les dessins, simples en
apparence, semblent être tout droit sortis des bandes dessinées des années 1950, et nous offrent à voir un De Gaulle éminemment bienveillant, sociable, presque enfantin quand il s'agit de ses relations avec les femmes ou avec son meilleur ennemi, Churchill. Bref, en un mot comme en cent, "De Gaulle à la plage" est à lire et à relire dans les moments moroses que nous connaissons tous comme une ouverture lumineuse, comme un intermède jubilatoire.

Alwenn est tombée sous le charme teuton de Wehrmacht, Kathel, Mireille ainsi que Gachucha, l'interview de l'auteur sur Evene. D'autres, peut-être ... Merci de me le faire savoir !

15 commentaires:

EmiLie a dit…

Je n'ai pa lu cette Bd, mais je crois avoir apperçu quelques planches très sympas dans un journal de ma région!!

Nanne a dit…

@ EmiLie : Je crois que cette BD hilarante a été diffusée dans des journaux avant d'être éditée en album ! Si tu as l'occasion de la lire, tu vas te régaler ...

Isil a dit…

Rien que le titre, c'est tout un programme :-D Ça me tente beaucoup.

Alwenn a dit…

Aaah ! Wehrmacht ! Le chien traumatisé ! ^^ Elle m'a bien fait rire cette BD !

Dominique a dit…

Une excellent idée de cadeau à un amateur merci

sylire a dit…

Je l'avais déjà repéré chez une blogueuse, puis oublié. Il me tente bien !

Nanne a dit…

@ Isil : C'est tout à fait cela, tout un programme ! Et pas triste, en plus ...

@ Alwenn : J'ai appris que ce chien avait réellement existé, mais ne répondait pas au doux petit patronyme de Wehrmacht ... C'est une vraie vedette, ce chien !

@ Dominique : Je suis sûre que cet amateur va apprécier la qualité des dessins et l'écriture tout en finesse de cette merveilleuse BD !

@ Sylire : Même si tu lis peu de BD, celle-ci ne peut laisser indifférente par son humour et sa poésie aussi ! Un vrai moment de jubilation ...

Alwenn a dit…

Ah bon ? Il a vraiment existé ? Il a été "adopté" dans les mêmes conditions ? Racoooonte ! Tu as su ça où ? Je suis affreusement curieuse, là...

Nanne a dit…

@ Alwenn : Oui, "Wehrmacht" a réellement existé ! Il a été adopté dans les mêmes conditions. En fait, il a été trouvé par un officier de la 2ème DB au Berghof, qui l'a offert à Yvonne De Gaulle ! C'est en faisant des recherches sur De Gaulle que j'ai appris cela. Et Jean-Yves Ferri en parle dans l'interview sur Evene ... Je l'avais lu dans un ouvrage sur De Gaulle, il y a longtemps.

Florinette a dit…

Si je la vois à la biblio, je n'y manquerais pas d'y jeter un oeil ! ;-)

Nanne a dit…

@ Florinette : A lire pour oublier la grisaille du temps ! Personnellement, je l'ai relu 3 fois, rien que pour le plaisir ...

Constance a dit…

Tu me tentes bien car tout à l'air très réjouissant.
Hop je le note.

Véro a dit…

Je l'ai acheté à sa sortie et je ne le regrette pas. Le charme désuet de l'ouvrage avec la tranche granuleuse jaune, l'humour (les tongs qui font du bruit et plein d'autres comme l'appel du 18 juin), j'ai adoré et je la relis volontiers quand il fait mauvais temps comme en ce moment. Tous ceux qui l'ont lu (trop jeune pour les événements racontés) ont adoré ! Nanne a raison, lisez-la !

Nanne a dit…

@ Constance : C'est tout le bonheur des blogs d'être tentée par des lectures réjouissantes ! Et cette BD en fait partie ... A lire d'urgence pour une belle partie de rigolade !

@ Véro : Ah ! les tongs entre le pouce et l'index de la main et qui font du bruit ! L'appel du 18 juin et tant d'autres petites scènes font de cette BD une vraie anthologie ... Hormis les scènes du chien perturbé par ses origines, j'ai adoré les passages avec Churchill ! J'avais l'impression que cela avait été vécu par les protagonistes. Mais c'est réellement à lire pour chasser le stress ...

Didier a dit…

Je ne me lasse pas de voir mon nom dans cette BD géniale... ;-)
(NB. pour la petite histoire : j'ignore si mon grand-père Gilbert Le Bornec était l'aide de camp du général ;-) mais à l'époque, il est parti le rejoindre en Angleterre comme de nombreux Bretons !)
Didier LE BORNEC
http://juliette-presse.fr/Porcelaine/