7 avril 2009

JACK L'EVENTREUR A LA SUEDOISE

  • Un torse dans les rochers - Hélène Tursten - Michel Lafon Éditions


"Rien dans l'atmosphère ne laissait présager ce qui allait suivre. Bien au contraire, pour un début du mois de mai, l'air du large chargé d'embruns était étonnamment doux. L'eau scintillait sous le soleil, dont les reflets jouaient sur les crêtes douces des vagues, comme pour nous faire croire que l'été était déjà là. C'était une de ces journées inespérées qui surgissent au printemps comme un cadeau et disparaissent aussi vite qu'elles sont venues. Une femme et son labrador noir se promenaient seuls au bord de la mer. Le chien faisait tout ce qu'il pouvait pour titiller une mouette sur la rive. Elle s'élevait à quelques mètres au-dessus de la surface de l'eau, décrivait un petit arc de cercle et poussait son cri caractéristique".

Alors qu'Eva Melander et son chien Allan profitent des premiers rayons de soleil printanier sur la plage de Killevik en Suède, elle tombe nez à nez avec un sac poubelle contenant un cadavre éviscéré en décomposition avancée. Seul indice, un énigmatique tatouage asiatique sur ce qui semble avoir été l'épaule de la victime. C'est mince. Mais c'est tout ce qu'il reste de ce qui a été - un jour - une personne. Et pour le commissaire Andersson de Göteborg et l'inspecteur Irene Huss - chargée de l'enquête - le travail semble très difficile. Tous deux savent très bien que ce genre de crime n'est que rarement résolu. Et la façon dont le corps a été minutieusement vidé de ses organes vitaux, la tête séparée du tronc à la base du cou, laisse à penser que cela pourrait être l'œuvre d'un sadique nécrophile !

A quelque temps de là, Irene reçoit un appel désespéré d'une amie perdue de vue, Monika Kind. Celle-ci est très inquiète car elle est sans nouvelles de sa fille Isabell, partie à Copenhague tenter une carrière de mannequin. Cela fait d'un coup beaucoup pour l'équipe du commissaire Andersson qui doit, en plus, coincer Robert Larsson - proxénète et dealer de cocaïne - pour le meurtre d'un petit revendeur du coin. Sans compter qu'Irene a la charge de caser trois adorables chiots, fruit des
amours de Sammy - son terrier - avec une caniche pur race. En attendant, Irene Huss peine à trouver quel artiste tatoueur aurait pu exécuter le motif trouvé sur l'épaule du puzzle humain. Il faut dire que le petit monde des tatoueurs n'est pas très causant. "Le tatouage était une piste qui devrait les aider à trouver l'identité de la victime. A moins que ... Elle n'en était plus si sûre tout à coup. Ils ne savaient pas qui était l'homme, ni quelle était sa nationalité. Ils ne savaient pas non plus où le tatouage avait été réalisé, ni où et comment l'homme avait trouvé la mort. L'espace d'une seconde, la pensée la traversa qu'au fond elle aurait préféré ne pas le savoir. Mais bien sûr, qu'elle voulait le savoir".

C'est par Yvonne Stridner, le médecin légiste, qu'Irene découvrira qu'un meurtre identique a eu lieu à Copenhague deux ans auparavant, sur une prostituée. Le meurtrier n'a jamais été interpelé. Direction le Danemark pour tenter d'élucider cet assassinat atroce et pervers et essayer - par la même occasion - de trouver des éléments concernant la disparition d'Isabell Lind. C'est dans le quartier chaud de Vesterbro que l'inspecteur Irene Huss rencontrera Tom Tanaka, géant japonais propriétaire d'une boutique de sex toys, dont l'enseigne a servi de modèle au tatouage de la victime. Grâce à cette entrevue, l'enquête d'Irene avancera d'un coup à grands pas.

Avec la découverte du corps d'Isabell dans un hôtel de Vesterbro, Irene Huss comprendra qu'elle est le lien ténu entre ces deux étranges affaires. La pauvre fille subira - à peu de chose près - un sort identique aux deux précédentes victimes. Fait encore plus étrange, Irene Huss recevra chez elle, une carte postale représentant la célèbre Petite Sirène d'Andersen, avec un message pour le moins sybillin, "The little mermaid is dead". Qui veut lui faire comprendre qu'il est informé de ses investigations et la suit pas à pas ? Quel lien - autre que sexuel - existe-t'il entre ces trois victimes ? "C'était là tout le texte. La carte avait été oblitérée à Copenhague deux jours plus tôt. Irene reposa aussitôt la carte sur
la table. Le traitement à la poste avait dû brouiller les empreintes digitales, mais il pouvait malgré tout rester quelque chose d'utilisable. Qu'est-ce que ça signifiait . Était-ce un avertissement ou une menace ? The little mermaid ne pouvait être qu'une allusion à Isabell Lind. Qui avait envoyé cela ? La réponse était claire : l'assassin d'Isabell. Personne d'autre n'aurait eu intérêt à ce genre de mise en garde. Mais pourquoi ? Ils étaient plusieurs policiers à enquêter sur ces affaires, ici et à Copenhague. Le meurtrier semblait, pour une raison quelconque, l'avoir choisie, elle".

Enfin, quand Emil, le fils de Beate Bentsen - la divisionnaire du commissariat de Copenhague - disparaît à son tour, pour Irene Huss il n'y a plus
l'ombre d'un doute. Le criminel appartient à son entourage professionnel et la connaît bien. Si les deux premiers cadavres du pervers nécrophile étaient transformés en vrai puzzle avec pièces manquantes, les deux derniers avaient été bizarrement inachevés. Pour quelles raisons le meurtrier n'avait pas terminé son macabre travail de dépeçage ? De plus, d'après les quelques indices trouvés dans l'appartement d'Emil Bentzen, le cadavre au tatouage et lui se connaissaient plutôt bien, même très bien, puisqu'ils avaient été amants. Qui peut être le maillon reliant tous des meurtres sordides ?

Tous les lecteurs de bons romans policiers le savent, les auteurs suédois sont doués. Et depuis que Henning Mankell leur a ouvert la voie, beaucoup s'y engouffrent pour notre plus grand plaisir. Bon sang ne saurait mentir et "Un torse dans les rochers" d'Helene Tursten est de cette trempe là. Dans ce roman, on ne s'ennuie pas une seule seconde. A peine ouvert, on entre dans l'histoire comme on plonge dans l'eau sombre d'un fjord, pleine d'appréhension et de frissons. On s'attache au personnage principal d'Irene Huss, jeune femme dynamique, enthousiaste et passionnée par son travail, sportive accomplie et spécialiste en jiu jitsu, ainsi qu'à sa petite famille. Krister, le mari fin cuisinier et gastronome qui s'occupe avec amour de la gourmandise de sa femme tout autant que de son moral, les jumelles - Katarina et Jenny - adolescentes sans problèmes et heureuses de vivre, sans oublier Sammy, le chien, le don juan du quartier, l'insouciant de la famille qui drague les femelles de race et refuse d'endosser une quelconque paternité.

Bien que l'auteur prenne pour décor les bas-fonds de Copenhague et de Göteborg, les quartiers glauques où règnent en maître la prostitution de tous les sexes les trafics de drogue, l'atmosphère n'en est pas sombre pour autant. Ce qui pourrait
paraître paradoxal. Les meurtres sont certes violents, cependant le sang ne coule pas à chaque page. Les descriptions sont sobres et minutieuses, comme peuvent l'être les rapports d'expertises légales. Et c'est justement là ce qui fait toute la force de ce roman policier. Mais pas seulement. L'écriture est vive, nerveuse, rapide. Il n'y a aucun temps mort, pas de pause qui puisse - à un moment où à un autre - venir en ralentir le rythme de la lecture. Le lecteur va de rebondissements en surprises. Helene Tursten prend un malin plaisir à nous semer dans cette enquête complexe et psychologique où l'on ne sait pas - jusqu'aux ultimes pages - s'il y a un ou plusieurs meurtriers. L'auteur a pour elle de maîtriser son sujet de bout en bout, ne laissant pas de place à l'improvisation. Tout au long de ce dense roman policier, Helene Tursten distille les indices au compte-gouttes, les diluant dans le quotidien de l'enquête et dans le train-train du commissariat. Au final, cela nous donne un policier prenant, captivant, intelligent et subtil. Dès les premières lignes, le lecteur est happé, obnubilé, accaparé par l'ambiance qui émane du "Torse dans les rochers". On ne le lâche qu'à contre-cœur, une fois la dernière ligne lue.

Les avis de Hilde qui l'a trouvé bon mais au bout d'une centaine de pages, Cathulu attend la suite des épisodes avec sa nouvelle copine Irene Huss ... Peut-être d'autres avis, merci de m'en faire part.

10 commentaires:

Dominique a dit…

les atmosphères nordiques sont bien attrayantes (jolie photo) et cette nouvelle héroine a tout pour plaire, je note ce bouquin

Florinette a dit…

Tout ce que tu dis sur ce roman policier me plaît, tout comme cette belle couverture qui invite au voyage même si celui-ci est assez sanguinaire ! ;-)

Lilly a dit…

Je ne lis presque jamais de policiers, je n'en ai jamais lu un seul qui soit suédois, mais j'y songe. Celui-ci m'a l'air quand même un peu cliché : des histoires qui ne se ressemblent pas mais qui ont en fait une origine commune, même moi je tique.

Alwenn a dit…

En matière de Suédois, je n'ai lu que les Stieg Larsson. Une copine m'avait prêté un Mankell mais je n'avais pas accroché. Mais celui-ci me semble sympathique. Je le note !

Manu a dit…

J'aime beaucoup Henning Mankell. Ce que tu dis de celui-ci me plaît ! Je note l'auteur.

Nanne a dit…

@ Dominique : C'est un bon polar, bien construit mais dont l'auteur n'est pas du tout connue en France ... Elle a déjà écrit 7 romans policiers, dont un seul traduit en français !

@ Florinette : Ce n'est pas trop sanguinaire ! Certains passages décrivant les corps sont un peu délicats, mais pas de jets d'hémoglobine à chaque page ... Plus psychologique, que violent. Et c'est ce qui est très bien !

@ Lilly : L'histoire est prenante car on se demande tout au long du livre quel est le point commun entre tous ces morts ! Cela dit, le sujet est assez classique, il faut le reconnaître, mais bien maîtrisé. Ce qui n'est pas toujours le cas dans les romans policiers !

@ Alwenn : Larsson est islandais, je crois ... Dans tous les cas, les auteurs nordiques sont très à la mode et ont la cote ! Celui-ci est plutôt classique dans l'histoire, mais prenant par son côté psychologique ... Et sans violence !

@ Manu : Il faut découvrir cet auteur qui écrit très bien. Son personnage, Irene Huss, rend l'histoire moins violente et plus psychologique ...

Lyvie a dit…

J'ai reçu ce livre. Quand on m'avait fait la proposition de lecture... Je m'étais dit : "pourquoi pas", et puis... je l'ai laissé de côté. Tu réactives ma curiosité nanne, merci! Je vais le lire pendant les vacances!

Nanne a dit…

@ Sylvie : Tu as bien fait d'accepter cette proposition. Ce roman a été une belle surprise, même si j'ai eu peur après la lecture du 4ème de couverture ! L'histoire est classique, mais bien racontée et l'intrigue tient jusqu'au bout du roman ... Bonne lecture de vacances !

Lou a dit…

Je n'ai pas donné suite à l'offre de l'éditeur même si je pense que je pourrais apprécier. J'ai du mal à choisir mes lectures en ce moment, ayant accepté certaines offres d'éditeurs et lisant cinq romans dans le cadre du prix des cinq continents. Alors je me force à dire non plus souvent, pour enfin revenir vers ma PAL pleine de titres qui m'attirent depuis très longtemps. Mais je pense que ce roman m'aurait plu.

Nanne a dit…

@ Lou : C'est dommage, parce que c'est un roman policier vraiment captivant. Je suis sûre qu'il t'aurait plu ... Mais il y a des périodes où les choix sont plus difficiles à faire ! Je peux te le prêter si tu as envie de le lire un jour où l'autre. Il n'y a aucun problème pour cela. Personnellement, j'ai du mal avec "La condition" ...