- Une charrette pleine d'étoiles - Frédéric H. Fajardie - Mille et une nuits Éditions
30 mars 1938. Ivry-sur-Seine. A l'Electromécanique de Savoie, Henri Sajer - dit Riton - est un membre sémillant du comité de grève qui bloque l'entrée de l'usine. A ses côtés et pour soutenir les revendications syndicales, Robert Harszfield - "le savant" ou "la guenille levantine" - selon la lecture du Populaire ou de l'Action française, et Louis Mena, ancien délinquant ayant versé dans le militantisme actif après un coup de force contre les Camelots du Roy, en février 1934. Depuis cette date, ces trois-là sont devenus inséparables. A l'autre bout de la scène politique et sociale, Xavier Chastenet, cadet d'André Chastenet, propriétaire de l'Electromécanique de Savoie. Suite à un viol commis sur une petite employée de l'entreprise paternelle, celui-ci se retrouve embarqué sur un cargo en partance pour La Corogne, en zone franquiste. Là-bas, il doit y rejoindre son aîné - Jean-François - capitaine dans la milice espagnole. "- Le Xavier, il s'est barré. Il a calté définitivement. En plus, le paternel va brouiller les cartes, mélanger les dates, acheter du monde : il pourra prouver que le gosse n'était pas en France au moment de ce qui est arrivé à la petite. Louis Mena releva vivement la tête : - Barré ? Où ça ? - En Espagne, à la guerre. Parti rejoindre son frangin qui est griveton dans l'armée nationaliste. Probable qu'à cette heure il est pas loin d'être rendu là-bas : le vieux l'a emmené ce matin".
Lorsque Louis Mena apprend que le meurtrier de sa fiancée est parti se faire oublier en Espagne, il décide de le suivre jusque-là. C'est décidé. Et comme la guerre civile fait rage là-bas, il s'engagera auprès des Républicains qui se battent pour conserver la démocratie. Il fait ainsi d'une pierre deux coups, la vengeance d'un côté, la solidarité socialiste de l'autre. Et comme Riton et Harszfield sont solidaires des actes de Mena, tous partent comme un seul homme vers leur destin, de l'autre côté des Pyrénées.
La traversée sera pour le moins chaotique. Après un passage clandestin de la frontière franco-espagnole, c'est la plongée dans la guerre sur le front de Catalogne, la difficulté de vivre avec la peur lancinante de mourir en terre inconnue. Ce qu'ils vont découvrir là-bas va faire quelque peu vaciller leur foi dans une guerre que chacun croyait juste, parce que engagée et motivée. Henri Sajer comprendra très vite qu'il est entré dans ce conflit sur un coup de tête, par fanfaronnade, pour ne pas laisser les copains partir seuls. "Riton luttait contre la peur. Il lui fallait oublier cette mitrailleuse franquiste qui leur faisait face, sa femme et ses deux enfants, l'angoisse de ne pas être réembauché à l'Electromécanique de Savoie. Il avait l'horrible impression que cette guerre ne le concernait que d'assez loin, comme s'il se trouvait ici d'abord pour ses amis, et il éprouvait un sentiments de culpabilité qu'avait accentué le souvenir du soldat qu'il avait abattu". Louis Mena prendra conscience que la mort de Lucie - sa fiancée - n'avait été qu'un prétexte comme un autre pour se lancer dans cette bataille où les bons étaient parfois aussi violents que ceux d'en face. Seul, Robert Harszfield prendra goût à ce combat. Lui qui refusait de se servir d'une arme et de porter l'uniforme, verra là une occasion de se venger des progroms qui avaient anéanti ses parents.
Cette belle amitié entre eux trois sera quelque peu malmenée par la querelle interne aux Républicains, Mena soutenant ouvertement les poumistes, Harszfield, les brigadistes. Après le front de Catalogne et la perte de Barcelone, ce sera le front de l'Ebre pour tenter de colmater les brèches ouvertes par les troupes franquistes dans les lignes adverses. Puis, l'ultime bataille de Madrid pour conserver la capitale ibérique, symbole de la suprématie politique.
En ouvrant un livre de Frédéric H. Fajardie le lecteur est sûr de lire un ouvrage politiquement et socialement engagé. Avec "Une charrette pleine d'étoiles" l'auteur traite des étrangers qui se sont engagés aux côté des Républicains durant la guerre d'Espagne. Et en faisant commencer son court roman en 1938, Fajardie joue avec la roue du destin historique. 1938, signe la fin des illusions, des espoirs en France comme en Espagne. 1938 sonne le glas du Front Populaire et de son rêve de jours meilleurs pour beaucoup d'ouvriers. 1938, ce sont les accords de Munich signés par Daladier et Chamberlain et censés assurer la paix en Europe. 1938, c'est l'année de la liquidation des membres du POUM par les Brigades Internationales pour s'accorder l'omnipotence des communistes dans les rangs des Républicains. 1938 c'est la dernière année de paix fragile et ténue en France, en Espagne et partout dans le monde. Moins d'une année plus tard, cet équilibre sensible volera en éclats déclenchant le Second Conflit mondial. Dans "Une charrette pleine d'étoiles, Frédéric Fajardie explique en filigrane le conflit interne et cruel, la bagarre idéologique entre les combattants du POUM - anarchistes et trotskystes - et ceux des Brigades Internationales, communistes et staliniens. Conflit qui entraînera non seulement l'éradication des poumistes, mais surtout la fin de la démocratie pour de nombreuses années en Espagne.
A travers l'histoire de ses trois personnages, c'est toute cette année dramatique que le lecteur revit. On sait que la Frente Popular est à terre, presque achevée au profit des nationalistes et des franquistes. On pressent que le prochain conflit sera - à tout le moins - européen. Malgré tout, on espère jusqu'au bout une embellie qui ne viendra pas de si tôt. Dans une langue saccadée, hachée, heurtée, Frédéric Fajardie nous raconte la dernière année d'une guerre qui n'aura été qu'une longue introduction à la Seconde Guerre Mondiale. Chaque chapitre est une date et un lieu, qui s'égrène comme autant de stations vers un calvaire futur.
Lorsque Louis Mena apprend que le meurtrier de sa fiancée est parti se faire oublier en Espagne, il décide de le suivre jusque-là. C'est décidé. Et comme la guerre civile fait rage là-bas, il s'engagera auprès des Républicains qui se battent pour conserver la démocratie. Il fait ainsi d'une pierre deux coups, la vengeance d'un côté, la solidarité socialiste de l'autre. Et comme Riton et Harszfield sont solidaires des actes de Mena, tous partent comme un seul homme vers leur destin, de l'autre côté des Pyrénées.
La traversée sera pour le moins chaotique. Après un passage clandestin de la frontière franco-espagnole, c'est la plongée dans la guerre sur le front de Catalogne, la difficulté de vivre avec la peur lancinante de mourir en terre inconnue. Ce qu'ils vont découvrir là-bas va faire quelque peu vaciller leur foi dans une guerre que chacun croyait juste, parce que engagée et motivée. Henri Sajer comprendra très vite qu'il est entré dans ce conflit sur un coup de tête, par fanfaronnade, pour ne pas laisser les copains partir seuls. "Riton luttait contre la peur. Il lui fallait oublier cette mitrailleuse franquiste qui leur faisait face, sa femme et ses deux enfants, l'angoisse de ne pas être réembauché à l'Electromécanique de Savoie. Il avait l'horrible impression que cette guerre ne le concernait que d'assez loin, comme s'il se trouvait ici d'abord pour ses amis, et il éprouvait un sentiments de culpabilité qu'avait accentué le souvenir du soldat qu'il avait abattu". Louis Mena prendra conscience que la mort de Lucie - sa fiancée - n'avait été qu'un prétexte comme un autre pour se lancer dans cette bataille où les bons étaient parfois aussi violents que ceux d'en face. Seul, Robert Harszfield prendra goût à ce combat. Lui qui refusait de se servir d'une arme et de porter l'uniforme, verra là une occasion de se venger des progroms qui avaient anéanti ses parents.
Cette belle amitié entre eux trois sera quelque peu malmenée par la querelle interne aux Républicains, Mena soutenant ouvertement les poumistes, Harszfield, les brigadistes. Après le front de Catalogne et la perte de Barcelone, ce sera le front de l'Ebre pour tenter de colmater les brèches ouvertes par les troupes franquistes dans les lignes adverses. Puis, l'ultime bataille de Madrid pour conserver la capitale ibérique, symbole de la suprématie politique.
En ouvrant un livre de Frédéric H. Fajardie le lecteur est sûr de lire un ouvrage politiquement et socialement engagé. Avec "Une charrette pleine d'étoiles" l'auteur traite des étrangers qui se sont engagés aux côté des Républicains durant la guerre d'Espagne. Et en faisant commencer son court roman en 1938, Fajardie joue avec la roue du destin historique. 1938, signe la fin des illusions, des espoirs en France comme en Espagne. 1938 sonne le glas du Front Populaire et de son rêve de jours meilleurs pour beaucoup d'ouvriers. 1938, ce sont les accords de Munich signés par Daladier et Chamberlain et censés assurer la paix en Europe. 1938, c'est l'année de la liquidation des membres du POUM par les Brigades Internationales pour s'accorder l'omnipotence des communistes dans les rangs des Républicains. 1938 c'est la dernière année de paix fragile et ténue en France, en Espagne et partout dans le monde. Moins d'une année plus tard, cet équilibre sensible volera en éclats déclenchant le Second Conflit mondial. Dans "Une charrette pleine d'étoiles, Frédéric Fajardie explique en filigrane le conflit interne et cruel, la bagarre idéologique entre les combattants du POUM - anarchistes et trotskystes - et ceux des Brigades Internationales, communistes et staliniens. Conflit qui entraînera non seulement l'éradication des poumistes, mais surtout la fin de la démocratie pour de nombreuses années en Espagne.
A travers l'histoire de ses trois personnages, c'est toute cette année dramatique que le lecteur revit. On sait que la Frente Popular est à terre, presque achevée au profit des nationalistes et des franquistes. On pressent que le prochain conflit sera - à tout le moins - européen. Malgré tout, on espère jusqu'au bout une embellie qui ne viendra pas de si tôt. Dans une langue saccadée, hachée, heurtée, Frédéric Fajardie nous raconte la dernière année d'une guerre qui n'aura été qu'une longue introduction à la Seconde Guerre Mondiale. Chaque chapitre est une date et un lieu, qui s'égrène comme autant de stations vers un calvaire futur.
9 commentaires:
Un bien beau billet pour un sujet difficile et qui aujourd'hui encore fait débat, cela me rappelle le beau film de ken Loach "le jour se lève" et bien sûr Orwell et Hémingway c'est émouvant cette histoire et même si elle est inventée elle doit être proche de l'histoire de pas mal d'hommes
@ Dominique : Ce très court récit rappelle beaucoup "Hommage à la Catalogne" de George Orwell, qui j'avais adoré ... Pour l'aspect historique entre le POUM et les Brigades Internationales, c'est tout à fait dans la ligne du magnifique film de Ken Loach ! Frédéric Fajardie avait vraiment un don pour raconter des fictions proches du vécu ! Dans tous les cas, une très émouvante lecture sur un épisode tragique du 20ème Siècle.
J'aime beaucoup le film "Land and freedom" de Loach que j'ai revu récemment alors ce roman pourrait bien me plaire. Je crains un peu le style heurté mais je tenterai sûrement.
@ Isil : Ce très court roman se lit très vite et très facilement ... Et le style ne gêne pas la lecture, au contraire ! C'est un beau roman sur l'engagement pour une cause perdue.
Coucou Nanne, je dois passer en coup de vent mais je te souhaite quand même une très bonne fin de soirée.
Gros bisous,
"Une charrette pleine d'étoiles", le titre est poétique, et on a du mal à imaginer que l'œuvre puisse contenir toute cette violence. Je le lirai sans doute.
A très bientôt!
@ Muad'Dib : Heureuse de te relire sur mon blog, même en coup de vent ! J'espère que tu as passé une bonne semaine ...
@ Alicia : C'est un petit récit à lire absolument, surtout avec un titre aussi poétique ! Celui-ci est sans doute plus optimiste que son contenu ...
Fajardie est un écrivain que j'apprécie énormément pour toutes ses veines: polar, histoire, engagement politique et social... Une plume merveilleuse. Celui-ci est un de ceux qui me restent à lire!
@ Chiffonnette : C'est un écrivain qui écrivait avec ses tripes et qui mettait beaucoup de lui-même dans ses livres. Un peu comme Daeninckx, Pouy ou Pécherot ... Et ce petit livre se lit d'une traite en quelques heures ! Il nous donne une autre vision de la guerre d'Espagne, personnelle et engagée.
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