10 mars 2010

QUAND LE VIN RENCONTRE L'ART

Le vin dans l'Art - Montserrat Miret i Nin - Glenat Éditions


"La vigne et le vin ont joué, depuis des millénaires, un rôle prépondérant dans toutes les civilisations méditerranéennes. On constatera leur présence lors d'événements importants de l'histoire, dans la mythologie et diverses liturgies où ressortent leurs aspects sacré et symbolique. Le vin a été, et reste sans l'ombre d'un doute, objet de plaisir et source de joie. Dans le passé, on lui attribuait même des vertus curatives et antiseptiques, à l'express condition qu'il fût consommé avec modération. [...]. La vigne et le vin ont été, de toute évidence, des acteurs de premier ordre, comme en témoigne leur manifestation iconographique dans toutes les cultures. On pourrait ajouter, enfin, que la civilisation et le vin ont cheminé de concert. Comme l'écrivait Victor Hugo, "Dieu créa l'eau, mais l'homme fit le vin"".

Dans "Le vin dans l'Art", Monserrat Miret i Nin aborde la vigne et le vin à travers un voyage dans le temps et l'histoire de l'art et des cultures. Ainsi, apprend-
on que depuis l'origine, le vin a inspiré - consciemment ou non - le monde de l'art. En effet, les premières manifestations artistiques de l'ère préhistorique sont des peintures rupestres présentant des scènes de récolte de miel, d'olives et de raisin. Les plus anciennes et les plus connues étant celles du Levant Espagnol, dans les grottes des "Mallaetes" près de Valence, et dans les "Calaveres". Des vestiges archéologiques dans tout le pourtour méditerranéen confirment l'existence de vignobles dans les temps les plus reculés de l'humanité. Parmi les plus anciennes, celles découvertes à Jéricho, remontant à 7 000 ans avant J.C. Dans l'Égypte ancienne, le vin est une offrande aux dieux multiples lors de nombreux rituels religieux afin d'obtenir l'immortalité. De même, dans les tombes des premières dynasties découvertes dans la région, des amphores de vin ont été mises à jour lors de fouilles. Diverses peintures ornant ces tombes montrent les vendanges, le foulage du raisin, la pressée et les différentes méthodes d'élaboration et de conservation du vin, comment était servi celui-ci, à quel moment et à quelle personne.

La mythologie grecque et romaine, quant à elle, dévoilera une réalité mêlant
subtilement religion, philosophie et scènes du quotidien. Les représentations artistiques de la vigne et du vin dans le monde antique feront références aux mythes de Dionysos et de Bacchus. Ainsi, Dionysos, dieu du panthéon grec, fondateur de la civilisation du vin et de la fertilité, apparaît en Grèce au XVe Siècle avant J.C à Pylos. Il diffusera dans l'ensemble des contrées méditerranéennes la culture de la vigne et le culte du vin. Une légende prétendra même que le sang de Dionysos aurait été, en fait, du vin ! La tradition voudrait que Dionysos ait grandi à l'écart de la civilisation, dans une nature sauvage. C'est là qu'il y aurait planté des vignes et - avec le vin fabriqué - se serait enivré avec les satyres, les ménades et autres nymphes, ses compagnes et compagnons habituels. Actuellement, il reste peu de sculptures connues de cette époque hellénique : "Silène et Dionysos" au musée du Louvre, "Satyre avec Dionysos enfant", au musée Pio Clementino du Vatican et "Satyre au panier de raisin" de Pietro da Barga - qui date du 16e Siècle - au musée de Bargello à Florence. En l'honneur du dieu du vin et de la fertilité, les Grecs organisaient des agapes qui se déroulaient tout au long de l'année. Celles du printemps étaient les plus importantes par leur durée dans le temps. Les scènes qui s'y déroulaient alors seraient à l'origine du théâtre moderne.

C'est en Lydie exactement que Dionysos se transforme en Bacchus par les Romains. Les bacchanales consacrées à ce dieu ont perduré durant plus d'un millénaire. C'étaient essentiellement des fêtes de transgression de la morale au cours desquelles les cités étaient prises d'agitation frénétique, ses habitants se livrant à des orgies de toutes sortes, désobéissant à l'ordre établi. Les participants se peignaient le corps de sang, de jus de mûre ou de lie de raisin. Ces bacchanales ont été interdites en 186 avant J.C parce que considérées comme dangereuses pour la sécurité de l'État et contraire à la morale et à la religion. Plusieurs évocations artistiques existent, dont celle d'Albrecht Dürer, "Bacchanale avec Silène" à la galerie de l'Albertina à Vienne, "La Bacchanale" de Nicolas Poussin au musée du Louvre ou encore celle de Pierre-Paul Rubens, qui se situe au musée national de Stockholm.

C'est particulièrement avec la Bible que le vin va se développer. Il y est cité pas moins de quatre cent quatre trois fois, directement ou indirectement. Dans les Saintes Écritures, le vin a un caractère ambivalent. D'un côté, il a un rôle social prédominant et positif, participant à de nombreuses célébrations (mariages, anniversaires, fêtes laïques et religieuses). C'est le symbole de la joie et du partage, de la gaité. De l'autre, il a un sens clairement négatif, quand on en use et en abuse. L'ivresse est source de maux menant à la solitude du sujet et à sa disgrâce sociale. "Avec le vin, ne fais pas le brave, car le vin a perdu bien des
gens" (l'Ecclésiastique, XXXI, 25). La vigne, le raisin et le vin, produits de la terre et du travail des hommes, sont incarnés dans les paraboles des Évangiles. Deux épisodes de la foi chrétienne se déroulent dans le Nouveau Testament - la transformation de l'eau en vin dans "Les noces de Cana" et "La Cène" - devenant le sacrement du pain et du vin comme symbole du Christ. Dès lors, ces éléments seront associés au sang du Christ dans la religion catholique. Leurs représentations chrétiennes sont apparues au cours des premiers siècles de notre ère, sous domination romaine, donnant naissance à l'art paléochrétien.

Avec le Moyen-Âge, le vin dans les œuvres d'art sera d'essence religieuse. Il possédait une valeur surnaturelle et fondamentale dans la célébration de l'Eucharistie. Mais l'activité agricole constituant la base de l'économie à cette période, le temps, les changements climatiques, les cycles de la végétation et des travaux des champs régulaient la vie des hommes. Les calendriers feront leur apparition, dépeignant ces travaux de la terre. Les illustrations de la culture de la vigne, les images de la taille en mars, des vendanges et de l'élaboration du vin en septembre et octobre, étaient fréquentes. Dans son aspect laïc, le vin occupe aussi une place importante dans cette société médiévale qui s'organise. On le retrouve dans la tapisserie, forme artistique majeure de l'époque, appartenant aux classes sociales les plus élevées. Celles-ci faisaient tisser des thèmes aussi variés que les travaux des champs tout au long de l'année, les guerres, les banquets, la vie urbaine. L'œuvre la plus célèbre et la plus ancienne, "La Tapisserie de Bayeux" (1080 - 1090), met en scène un banquet normand, composé de soixante-dix tableaux réalistes, décrivant aussi bien la vie à la cour, les tournois, les scènes de chasse que la galante des chevaliers.

Dans les peintures du 16e et 17e Siècles, le vin était clairement présenté contrairement au 18e Siècle où il se transformera en invitation aux plaisirs. Au 19e Siècle, il acquiert un intérêt surtout esthétique. Bien que la fin du 19e et le début
du 20e Siècles soient ceux des bouleversements artistiques et thématiques dans l'art, la vigne et le vin continueront d'occuper une place certaine dans la peinture. Parfois, ils ont joué un rôle actif ; dans d'autres, ils n'ont été que des accessoires reproduisant le quotidien et la fête. En perdant leur sens religieux, mythologique et sacré d'autrefois, la vigne et le vin ont exprimé les sensibilités de l'artiste qui les peignait. "Le vin dans l'Art" de Montserrat Miret i Nin nous invite à un voyage iconographique et culturel rare. Grâce à cet ouvrage de qualité et riche d'enseignement, le lecteur peut mieux aborder un thème artistique que l'on retrouve à travers les différentes époques, les différentes cultures et mouvements au long des siècles précédents.

8 commentaires:

Bénédicte a dit…

il est très intéressant cet article et bien documenté Bonne journée

Lyvie a dit…

Ce livre a l'air beau et très intéressant. Allez ! je note !

Dominique a dit…

Le Plaisir et l'érudition dans un même livre : tout un programme
Quel beau billet Nanne j'aimme particulièrement cette alliance des deux

Lilibook a dit…

Oh très intéressant ! et le livre m'a l'air d'être vraimen très joli.

Nanne a dit…

@ Bénédicte : Merci beaucoup pour le compliment ! C'est un livre qui mêle art et vigne avec une belle iconographie ...

@ Sylvie : Je l'ai trouvé à la bibliothèque, par hasard et je reconnais que j'aime me plonger de temps en temps dans ce genre d'ouvrage ! Je suis heureuse de te revoir parmi nous ;-D

@ Dominique : C'est tout à fait cela ! Servi avec une iconographie rare et recherchée et l'on a entre les mains un très bel ouvrage sur l'alliance du vin dans l'art ...

@ Lilibook : Si tu tombes dessus à la bibliothèque, cet ouvrage vaut que l'on y jette un œil son érudition et la qualité des illustrations !

Lounima a dit…

Un livre que je m'empresse de noter !
Ton article est vraiment très intéressant ! ;-)

chiffonnette a dit…

Intéressant et beau! Je connais quelqu'un pour qui e serait le cadeau parfait! En en plus je pourrai le regarder avant! Merci du tuyau Nanne!

Nanne a dit…

@ Lounima : Merci pour le compliment ! C'est un livre intéressant, car il montre une autre manière de voir le vin, au travers de l'art depuis l'origine du monde ... Avec des images absolument magnifiques !

@ Chiffonnette : C'est tout à fait cela, intéressant et beau à la fois ! Un livre qui peut faire plaisir à offrir, particulièrement à quelqu'un qui aime le vin et l'art ... Et, en plus, tu peux le feuilleter avant pour voir les tableaux présentés ;-D