31 octobre 2010

ROBERT CAPA, PREMIER REPORTER DE GUERRE

  • De Delphot à Magnum : l'histoire du photo-reportage

"If your pictures aren't good enough, you aren't close enough" (si vos photos ne sont pas bonnes, c'est que vous n'êtes pas assez près).

S'il est un nom connu dans l'histoire du photo-reportage, c'est bien celui de Robert Capa. Et pour cause... Il en est le pionnier. Il arrive parfois que l'histoire avec un grand H vienne se mêler de votre existence pour en modifier le sens. C'est toute la vie de Robert Capa.

Originaire de Hongrie, rien ne prédestinait Endré Erno Friedman à se métamorphoser en Robert Capa. Plutôt les vicissitudes de l'histoire. En 1931, il quitte précipitamment son pays natal et sa dérive fascisante pour un Berlin encore épargné pour quelques temps par la peste brune. Bien décidé à devenir journaliste, il entreprend des études de sciences politiques. Pour aider sa famille, il travaille comme assistant à la Delphot, prestigieuse agence photographique de presse de Simon Gutman. Cette rencontre - providentielle - lui permettra de réaliser son premier photo-reportage sur Léon Trotsky, en exil au Danemark. Son destin est tracé, bien qu'il n'en n'ait pas pris conscience. Il va devenir l'un des plus grands photographes et le premier reporter de guerre du 20ème Siècle. Seulement, des nuages sombres et funestes s'amoncellent au-dessus de la plupart des pays d'Europe. Avec l'accession au pouvoir d'Hitler en 1933 et sa situation de juif communiste, il quitte Berlin pour Paris. C'est là qu'il rencontrera André Kertesz, David Seymour et Henri Cartier-Bresson. De cette amitié, naîtra l'une des plus grandes agences photos connues : Magnum.

Avant cette aventure professionnelle, il rencontre l'amour à Paris, sous les traits de Gerda Pohorylle - alias Gerda Taro - réfugiée juive allemande d'origine polonaise. C'est elle qui façonnera le personnage de Robert Capa qui - pour peu temps encore - s'appelle toujours André Friedmann. Bien avant Magnum, il créera une autre agence : Alliance-Photo avec Maria Eisner. C'est Gerda Taro qui a l'idée de créer la légende d'un prestigieux photographe, travaillant aux côtés de l'équipe. Il est riche. Il est américain. Il est mondain. Petit à petit, André Friedmann cède le pas à Robert Capa. Mais Capa ne serait pas Capa sans la guerre d'Espagne.

En 1936, il couvre la guerre civile aux côtés des Républicains, pour les magazines Vu et Regards. Gerda Taro le suit. A eux deux, ils seront de tous les fronts. C'est aussi là que se développe son style - bien particulier - au plus près de l'action, lorsque l'homme fait face au danger, prend des risques, se met en péril, devient authentique, sincère, fait face à la mort souvent. C'est pourquoi les photos les plus représentatives sont souvent approximatives, floues et mal cadrées. Il obtiendra la renommée grâce à une photo célèbre, intitulée "Mort d'un soldat républicain". Elle sera le symbole de la guerre d'Espagne, même si cette image reste sujette à caution aujourd'hui encore. Beaucoup de spécialistes se demandant si celle-ci est une reconstitution d'une réalité vue, ou bien une photo prise sur le vif. Gerda Taro tombera pendant la guerre d'Espagne sur le front, en 1937. Robert Capa ne se remettra jamais complètement de cette disparition. En 1938, Robert Capa est envoyé par Life sur le conflit sino-japonais. La même année, il est couronné plus grand reporter de guerre du monde. Entre la guerre d'Espagne et la 2ème Guerre Mondiale, Robert Capa va se consacrer à des sujets plus légers. Il abordera des thèmes comme le pèlerinage de Lisieux ou le Tour de France, pour Match ou Paris Soir.

En 1940, toujours menacé parce que Juif et communiste hongrois, Robert Capa se réfugie aux États-Unis. Il sera chargé, par les magazines Colliers et Life, de couvrir tous les combats d'Europe des troupes américaines. Le 6 juin 1944, Robert Capa débarquera avec la 1ère vague d'assaut d'Omaha Beach. Pendant six heures, il photographiera sans relâche la guerre et les hommes qui la font. Au plus près. Une fois de plus. Pour Life, il prend une centaine de clichés, qu'une erreur fera presque tout détruire. Il ne reste que onze photos qui serviront l'histoire et l'horreur vécues par ces hommes se battant et se débattant contre les flots et la mort, aux premières heures de la Liberté. Robert Capa sera toujours à la recherche de la photo différente, qui sorte de l'habituel, du classique et itératif. Il gardera jusqu'au bout une vision humaine et humaniste d'événements souvent douloureux, parfois effrayants et inhumains. C'est au nom de tout cela qu'il refusera de photographier la libération des camps de concentration, contrairement à Lee Miller ou d'autres.

En 1947, il fonde avec Cartier-Bresson et Seymour l'agence coopérative Magnum. Parallèlement à ses activités, son amitié avec John Steinbeck l'amène à visiter la Russie. De ce voyage commun, naîtra un livre "A Russian Journal", dont les photos ont toutes été prises par Robert Capa. En 1948, c'est le Proche Orient qui l'attire et la création de l'État d'Israël. Ses photos feront l'objet d'un livre "Report on Israël", écrit par Irwin Shaw. En 1954, Capa est au Japon et apprend que Life cherche un correspondant pour suivre la guerre d'Indochine. Il se porte volontaire. En parcourant le Tonkin, Robert Capa marche sur une mine. C'était le 25 mai 1954.

Il nous reste de Robert Capa ses photos qui, toutes, reflètent son profond humanisme, son amour des êtres et sa compassion pour les grandes douleurs et les petites misères des humbles, des sans noms, sans titres, des victimes. Lui qui disait "Like people and let them know it" (aime les hommes et fais leur savoir) nous a légués de véritables chefs d'œuvre sur pellicule. Franck et Vautrin se sont largement inspirés de la vie de Robert Capa pour leur série "Les aventures de Boro, reporter photographe". Actuellement, une exposition a lieu à New York autour de clichés relatifs à la Guerre civile espagnole retrouvés dans une valise.

4 commentaires:

Manu a dit…

Je connais assez peu l'histoire de cet homme. Fascinant.

Aifelle a dit…

Je connais sa vie dans les grandes lignes et j'avais vu une expo à Paris il y a quelques années, très intéressante.

zarline a dit…

Et bien, tu me donnes grandement envie d'organiser un petit voyage à NY ;-) Merci pour ce billet sur un photographe qui me fascine.

Nanne a dit…

@ Manu : C'est un homme fascinant, qui aimait autant les femmes que la photo et qui a laissé des clichés entrés dans l'Histoire et passés à la postérité ! C'est l'occasion rêvée pour aller à NY voir cette exposition sur ses photos autour de la Guerre d'Espagne ...

@ Aifelle : Robert Capa a eu une existence bien remplie, faite d'instants qu'il a su capter avec son appareil photo ! Quand on voit ses clichés sur la Guerre d'Espagne ou le débarquement à Omaha Beach, on perçoit toute l'intensité et la proximité de ce reporter ... Il collait à l'action, et allait toujours au plus près.

@ Zarline : Je comprends ta fascination pour ce photographe qui a inventé la profession de "photographe de guerre" ! Il nous a laissé des images puissantes, fortes et remplies d'émotion tout en conservant une certaine éthique ...