En ce jour de commémoration de l'Armistice du 11 novembre 1918, j'ai eu envie de parler de deux écrivains, lus il y a longtemps, engagés dans la 1ère Guerre Mondiale. Un est de langue française : Henri Barbusse. L'autre est de langue allemande : Erich Maria Remarque.
Chacun de leur livre a été couronné par la critique, encensé par le public. "Le feu" d'Henri Barbusse recevra le prix Goncourt en 1916. "A l'Ouest rien de nouveau" d'Erich Maria Remarque se vendra à plus d'un million d'exemplaires à sa sortie, en 1929.
Ils ont en commun d'avoir connu les horreurs des tranchées et la camaraderie qui est son corollaire. Après la guerre, ils seront deux porte-parole de la Paix et de cette génération sacrifiée sur l'autel des intérêts politiques et financiers.
Erich Maria Remarque - Pacifiste et engagé
C'est avec "A l'Ouest rien de nouveau" qu'Erich Maria Remarque se fait connaître du grand public. Avec son roman il devient le porte-parole d'une génération meurtrie par la guerre et qui s'identifie dans le personnage de Paul Bäumer, jeune recrue de 19 ans. L'histoire, racontée à la 1ère personne et sur un ton flegmatique, contraste avec les récits officiels alors en cours.
Erich Maria Remarque est né en Basse-Saxe en 1898, de vieille souche française. A 18 ans, il s'engage dans l'armée allemande et se bat sur le front ouest. Blessé plusieurs fois et handicapé d'une main, il ne peut espérer la carrière de musicien à laquelle il se destinait. Après la guerre, il fera divers métiers, dont celui d'instituteur, de pilote d'essais automobile. Le journalisme sportif le mènera à sa carrière d'écrivain.
A sa sortie, "A l'Ouest rien de nouveau" se vendra à 1,2 millions d'exemplaires. Il sera qualifié de "meilleur roman jamais écrit sur la guerre". En 1933, les livres de Remarque sont brûlés par les nazis. Il est jugé trop pacifiste par le nouveau gouvernement en place. Déchu de la nationalité allemande en 1938 après avoir rejoint la Suisse en 1932 puis les Etats-Unis en 1939, il acquiert la nationalité américaine en 1947. Il décède en 1970, en Suisse.
Bien qu'ayant écrit d'autres ouvrages de qualité et reconnus par la critique, "A l'Ouest rien de nouveau" restera le roman de référence de cet écrivain allemand.
Quelques romans :
A l'Ouest rien de nouveau - 1929
Les camarades - 1937
Arc de Triomphe - 1946
Un temps pour vivre, un temps pour mourir - 1954
L'obélisque noire - 1956
Henri Barbusse - Le "Zola" des tranchées
C'est par le tambour du garde-champêtre qu'Henri Barbusse apprend la mobilisation générale d'août 1914. Il a alors 41 ans et, bien que réformé, il se porte volontaire. Il s'engage comme simple soldat et demande à être muté au front, malgré son âge. Atteint de dysenterie, il est évacué et commence à écrire "Le feu" à l'hôpital en 1916. Ce journal d'une escouade recevra le prix Goncourt en 1916, et fera beaucoup de bruit.
Il est parti à la guerre en croyant qu'elle était juste. Il en reviendra profondément pacifiste. Gloire littéraire du parti communiste dès son adhésion en 1923, Henri Barbusse consacrera les années d'après-guerre au militantisme et la défense de la Paix. Il accumule les créations de mouvements, de revues, de congrès contre le fascisme et les grandes causes de l'entre-deux-guerres. Dès 1917, il fonde l'ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants) avec Paul Vaillant-Couturier. En 1921, il participe à la campagne en faveur de Sacco et Venzetti. Il fonde, en 1928, la revue hebdomadaire "Monde". En 1933, il participe au "Congrès Européen contre le fascisme", dit "Congrès Amsterdam - Pleyel".
Condamné en 1930 par les Soviétiques qui ne le jugent pas assez communiste, Henri Barbusse n'en continue pas moins son chemin. Il meurt en 1935 à Moscou.
Quelques romans :
L'enfer - 1908
Le feu - prix Goncourt 1916
Clarté - 1919
Manifeste aux intellectuels - 1927
Zola - 1932
Lettre d'Henri Barbusse à sa femme 1914 - 1917 - 1937
La Chanson de Craonne
Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.
Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
{au Refrain}
C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.
{au Refrain}
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !
6 commentaires:
J'ai lu le Remarque il y a longtemps, par contre je n'ai jamais lu le Barbusse. J'ai dans ma PAL aussi Maurice Genevoix. J'ai entendu la chanson de Craonne à la radio hier dans l'émission "2000 ans d'histoire" qui parlait de mutineries de 1917. Les soldats n'étaient pas si passifs qu'on a voulu nous le faire croire longtemps.
Tout comme Aifelle je n'ai pas lu H Barbusse mais quel souvenir de la lecture de Remarque, j'avais 15 ans et c'est la première fois qu'un livre parlait aussi brutalement de la guerre, c'est un souvenir très puissant.
C'est intéressant d'avoir rassembler ces deux écrivains et cette chanson que je ne connaissais pas du tout
Jamais lu Barbusse, mais remarque oui, il y a longtemps. Je pense qu'il est toujours au programme au collège ou lycées.
@ Aifelle : Il me semble que Erich Maria Remarque soit plus connu que Henri Barbusse. Ce qui peut paraître paradoxal, vu que le Français, c'est lui ! Prix Goncourt en 1917 pour "Le feu", il y raconte aussi sa vision de la Grande Guerre. C'est un roman magnifique à lire absolument. La Chanson de Craonne me rappelle mon grand-père maternel ! C'est un hommage personnel ...
@ Dominique : J'avais juste envie de montrer que - d'un côté comme de l'autre - la souffrance a été la même, parce que les conditions de survie étaient identiques ! La Chanson de Craonne est peu connue, car elle rend hommage aux mutins de 1917 qui ont refusé de monter au front pour se faire massacrer ... Mon grand-père maternel en parlait quelque fois avec des trémolos dans la voix !
@ Yv : Erich Maria Remarque est toujours au programme des collèges et lycées ! Il serait sans doute temps de redécouvrir Henri Barbusse, Maurice Genevoix ou Gabriel Chevallier qui ont écrit des textes émouvants et profonds sur la Grande guerre ...
eh, chouette billet !
@ Lilibook : Merci ... C'est un peu ma façon (modeste) de rendre hommage à tous ces hommes qui ont donné leur jeunesse et leurs espoirs pour la Paix ! Et surtout, une belle occasion de les (re)découvrir et les lire sans attendre ;-D
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