26 décembre 2008

L'ABECEDAIRE DE M. CYCLOPEDE

  • Fonds de tiroir - Pierre Desproges (Points P1891)


"Hélène Desproges a eu cette lumineuse et légitime idée, et, pour notre plus grand bonheur, les fonds de tiroir de l'ami Pierrot recelaient des trésors qu'il eût été dommage, voire injuste, de ne pas nous livrer, classés ainsi par ordre alphabétique, parce qu'il aimait bien quand c'était bien rangé".

L'abécédaire de ce "Fonds de tiroir" commence par le A de Abruti pour terminer en feu d'artifice par le Z de Zèle. Et personne n'est épargnée. Je ne peux m'empêcher de commencer par le Père Ducon au "regard de lavabo douteux de gros mou de petit-bourgeois, bouffi d'inexpugnable sottise", attaché au peloton d'exécution pour avoir laissé son chien faire ses besoins naturels sur le trottoir. Et de se rendre directement au B de Bestiaire avec un Pierre Desproges ami des animaux - particulièrement de son chat persan -, pourfendeur de corridas et des bouchers. Âmes sensibles, ne lisez pas ses conseils sportifs. Surtout lorsqu'il nous propose d'égailler une classique partie de tennis en remplaçant la petite balle jaune par ... un poussin !! Fou rire garanti. "Moi, je n'aurais pu être boucher. J'avais pas les tripes. Je n'aurais pas pu être matador. J'avais pas les tripes. Je n'aurais pas pu être Bardot. J'avais pas les fesses".

Continuons encore un peu dans la registre "la vie des animaux", et penchons-nous sur le C de Cochon. Outre les nombreux points communs avec cet animal si proche de l'homme, une différence nous distingue : notre comportement au seuil de l'abattoir. "[...] le cochon renâcle au portes de l'abattoir alors que l'employé aux écritures ou aux fourches monte à Verdun en chantant [...]". A méditer sérieusement pour l'avenir !! Je prie les défenseurs des animaux et autres âmes compatissantes de bien vouloir m'excuser pour ces quelques passages douloureux,
mais comme l'a si brillamment fait remarquer Pie XII à Himmler - au C de Confession -, "Faute avouée est à moitié pardonnée".

Dans son "Fonds de tiroir", Pierre Desproges a tenu à faire des excuses publiques au
E de son abécédaire. Lui qui disait malicieusement : "Peut-on rire de tout ? Oui, mais pas avec n'importe qui", a souhaité rectifier son comportement insolant face à un détail de l'Histoire. "[...] c'est pourquoi, afin qu'ils ne me tiennent pas rigueur de l'esprit grinçant que j'affiche dans le seul but d'être à la mode, je prie sincèrement les anciens nazis de bien vouloir m'excuser de me moquer d'eux aussi sottement et aussi peu charitablement". Au G de Genèse, on refait l'origine du monde, avec une Line Renaud créée au 3ème jour par un Dieu à la forme olympique. Après avoir créé la terre et l'univers, l'eau, le feu et les éléments, Dieu a fait l'homme à son image. Du moins, le pensait-il encore. Et avec l'homme, la femme. Et de croquer la pomme qui a provoqué leur expulsion du Paradis et le rachat de la faute par le travail. "Dieu est peut-être éternel, mais pas autant que la connerie humaine".

Tout est sujet à méditation au I de Interrogation, les rapports humains, le mépris, le dédain "Où est Dieu ? Que fait la police ? Quand est-ce qu'on mange ?". Lorsque Pierre Desproges s'inquiète de l'absence de religion chez les catholiques, il leur propose de réviser les fêtes au J de Jours de fête. A Noël, c'est Marie qui sera de la fête. La célèbre opération du Saint Esprit a consacré "la mode des mères porteuses [qui] devait tomber en désuétude pendant près de 2000 ans". Pour Mardi Gras, tout le monde se déguise pour ressembler à son héros. "Les cons se déguisent en imbéciles pour passer inaperçus". La Pentecôte est le traditionnel jour de visite aux belles-mères.

Malgré son ironie mordante, Pierre Desproges sait aussi faire profil bas au M de Montand. Alors que quelqu'un s'esbaudit de la grande simplicité de l'artiste malgré sa rencontre avec Krouchtchev, Desproges rappelle que son oncle Gaspard est - lui aussi - un homme discret. "[...] il a serré la main de Goering, mais il ne le crie pas sur les toits ! Y s'écrase !".

Mais Pierre Desproges n'est pas que l'ami des animaux, des cons, des imbéciles, des fachos, des cocos, des militaires, des hommes politiques et autres stars du show biz, il est aussi l'ami des sportifs. Au nom d'une moitié de Français que les joies du sport laissent de marbre, il remercie - à sa façon triviale -, au R de Remerciement, l'autre moitié d'imposer leur passion. "[...] je remercie vivement les tennismen qui se cassent une patte et les footballeurs qui ont la chiasse". Enfin, au Z de Zèle, de fustiger la femme seule qui - quelles que soient les raisons de cette solitude -, a toujours tort. "La femme seule n'a d'issue que dans l'héroïsme, où nul ne se plaindra de la voir sombrer".

"Fonds de tiroir" de Pierre Desproges est un recueil posthume de ce poil à gratter, artisan d'une langue française qu'il maniait à merveille. Cet abécédaire en est une ultime preuve, au cas où vous auriez encore quelques doutes sur son talent. Composé, pêle-mêle, de sketches, d'articles de presse, de citations, ou de lettres ouvertes, "Fonds de tiroir" offre au lecteur un instant de pure jubilation, d'éclats de rire, de ricanements et de grincements de dents. Écrit dans une langue riche et rabelaisienne sans être jamais vulgaire ou céder à la facilité, ce recueil aborde ses sujets de prédilection sans aucun tabou. "Fonds de tiroir" se lit d'une traite, le sourire aux lèvres. On le referme à regret en se disant que - décidément -, Pierre Desproges nous manque beaucoup par ces temps mélancoliques.

Pour continuer un peu, le site de Pierre Desproges à visiter ... Et, bonus, un sketch pour rire encore un peu après cette saine lecture.


2 commentaires:

Anjelica a dit…

pour ma part, je pense que je n'ai pas suffisamment d'humour mais c'est tout à fait le genre qui plairait à mon homme ;)

Nanne a dit…

@ Anjelica : Achète-lui ce petit bijou de l'irrévérence selon Desproges ... C'est un vrai moment de bonheur à lire ;-D