18 août 2010

LE SCRIBE DU SEIGNEUR

  • Le Livre des morts – Glenn Cooper – Le Cherche midi Éditions

2009. Lorsque David Swisher, trader arrogant et sûr de lui, trouve dans son courrier une carte postale datée du 22 mai 2009 avec un petit cercueil dessiné, il croit d'abord à une plaisanterie de potache. C'est à peine s'il en tient compte. Il a mieux à faire que de se soucier de blagues d'écolier en mal de sensation. Consuela Lopez, femme de ménage hispanique à Manhattan rentre chez elle très tard, comme à son habitude. Elle est éreintée et souffre terriblement de sa cheville qu'elle a blessée à son travail. Qu'à cela ne tienne, elle demandera à la Vierge de lui venir en aide. Cela coûtera toujours moins cher qu'une visite chez un médecin, surtout qu'elle vit aux États-Unis en situation irrégulière. Et puis, elle souhaite voir rapidement le Père Rochas au sujet d'une étrange carte qu'elle a reçue et qui l'inquiète. Celle-ci indiquait la date du 22 mai 2009 avec ce petit cercueil tracé à la main. David Swisher et Consuela Lopez seront tous deux victimes d'un tueur qui sévit à New York et aux alentours depuis déjà quelques temps. Les grands quotidiens vont se faire l'écho de ces meurtres et de l'assassin - surnommé le tueur de l'Apocalypse - qui averti ses futures victimes par un courrier envoyé de Las Vegas indiquant la date de leur présumé décès. « Les dates se résumaient à ça : les victimes, quatre hommes et deux femmes, étaient âgées de 18 à 82 ans. Trois avaient été tuées à Manhattan, une à Brooklyn, une à Staten Island, et une dans le Queens. Le modus operandi était toujours le même : une personne recevait une carte postale représentant le dessin d'un cercueil, affichant la date du lendemain, ou du surlendemain. Chacune était morte à la date indiquée. Deux par arme blanche ; une par balle ; une par overdose d'héroïne ; une fauchée par une voiture qui était montée sur le trottoir avant de prendre la fuite ; la dernière victime, enfin, était passée par la fenêtre ».

Le FBI est sur les dents. Aucun indice probant. Rien qui puisse signifier l'once d'une moindre piste pour débuter l'enquête. Et avec la presse sur le dos, en plus ! Dans de tels cas, inextricables et impossibles à résoudre dans les délais les plus brefs, c'est Willy Piper, spécialiste des tueurs en série qui s'y colle. Un vrai professionnel du profilage, reconnu par ses collègues pour sa finesse psychologique et ses réussites passées, notamment dans l'affaire du violeur d'Ashville et du tueur de White River à Indianapolis. S'il n'avait pas pour meilleur ami Johnnie Walker, il aurait sûrement fait une brillante carrière. En attendant, Willy Piper et sa collaboratrice, Nancy Lipinsky, se retrouvent d'un coup avec huit cadavres sur les bras, tous éliminés entre le 22 mai et le 11 juin 2009. Entre eux, aucun indice tangible, aucun lien commun permettant de mettre en exergue un rapport avec leurs disparitions. « Chaque crime est différent. C'est comme s'il s'en remettait exprès à la chance. Peut-être les victimes sont-elles aussi choisies au hasard. Il leur envoie des cartes postales pour nous montrer qu'il y a un lien, et que c'est lui qui décide qui va mourir. Il a lu les articles sur le tueur de l'Apocalypse dans les journaux, et passe son temps à regarder les reportages à la télé, ce qui lui donne un sentiment de toute-puissance auquel il est devenu accro. Il est très intelligent et très pervers. Voilà notre homme ».

1947. Ernest Bevin, secrétaire aux Affaires Étrangères du Gouvernement Attlee, est chargé de prendre contact avec Winston Churchill, retiré de la politique depuis sa défaite électorale de 1945. Le gouvernement britannique a encore besoin de ce vieux renard madré, rusé, pour négocier avec Harry Truman, actuel président des États-Unis, au sujet d'un dossier ultra confidentiel classé secret défense . Des fouilles archéologiques ont été menées par une équipe de spécialistes sur l'île de Wight. Ces découvertes risquaient de bouleverser l'ordre des événements et de paniquer une population qui se remettait lentement d'une guerre qui avait laissé l'Europe à bout de souffle. « Le Premier ministre veut que vous vous occupiez des tractations avec Truman. Leurs rapports sont plutôt tendus. Le gouvernement souhaite vous déléguer cette affaire. Après aujourd'hui, nous ne voulons plus être impliqués. Les Américains ont proposé de tout prendre en charge, et au terme de longs débats internes, nous avons décidé de tout leur laisser. Nous ne voulons pas nous occuper de cette affaire. Ils ont déjà toutes sortes de projets, mais, pour être honnête, nous ne voulons être au courant de rien. Reconstruire ce pays nécessite un effort énorme, et nous ne nous ne pouvons pas nous laisser distraire de cette tâche, et encore moins avoir à porter la responsabilité de ces choses. Car imaginez les conséquences s'il y avait une fuite … ».

777. Ile de Wight. Le Père Josephus est préoccupé depuis plusieurs jours. Les Bénédictins de l'abbaye ont constaté l'apparition d'une comète dans le ciel printanier du mois de mai. Deux mois après, on perçoit encore sa queue de feu barrant la nuit. L'ensemble des moines est persuadé que le Jour du Jugement dernier serait pour ce 7 juillet 777. Le chiffre sept, mystérieux, ésotérique, impénétrable, occulte, inscrit dans tous les grimoires et manuscrits religieux. « Sept. Le chiffre mystérieux de Dieu. Ce chiffre figurait partout dans le livre de la Genèse : sept ciels, sept trônes, sept sceaux, sept églises. Les murs de Jéricho étaient tombés au septième jour du siège. Dans l'Apocalypse, sept esprits de Dieu étaient envoyés sur la Terre. Sept générations séparaient David de la naissance de Jésus-Christ, le Seigneur. A présent, on était à la veille du septième jour du septième mois de l'an de grâce 777, en conjonction avec l'arrivée de la comète que Paulinus, l'astronome de l'abbaye, avait par prudence nommée Cometes Luctus, la comète de la lamentation ». Or, en ce jour de damnation, un enfant venait de naître chez le tailleur de pierre de l'abbaye, Ubertus. Cet enfant avait tout pour être ostracisé. Son père n'en voulant pas, il l'avait amené au prieur Josephus pour l'éduquer et en faire un religieux. Considéré comme arriéré mental, ne sachant ni lire, ni écrire, taiseux, Octavus avait surpris Josephus en écrivant dans toutes les langues connues et inconnues des moines des listes entières de noms. Cela relevait de la pure sorcellerie, de la théurgie, de l'occultisme, du satanisme. Mais qui est réellement, Octavus ? Œuvre de Dieu ou du diable ?

Trois périodes de l'histoire de l'humanité, le Moyen-âge et ses grandes peurs millénaristes, la guerre froide et sa course à la conquête spatiale, le 21ème Siècle et l'attentat du 11 septembre 2001 qui a réveillé une phobie du terrorisme et de la guerre chimique. Voilà en résumé succinct et sommaire le cocktail explosif du « Livre des morts » de Glenn Cooper. Hormis le classique couple d'enquêteurs se complétant professionnellement tout en se chamaillant gentiment, de l'agent spécial du FBI dilettante, un brin alcoolique et séduisant malgré tout, à l'esprit aiguisé et à l'analyse pertinente et brillante, « Le Livre des morts » est un thriller remarquable, singulier et inattendu. Il faut avoir une imagination féconde et foisonnante pour concevoir un roman aussi machiavélique que haletant, complété d'une enquête historique sur l'une des recherches du 20ème Siècle les plus secrètes et les plus invraisemblables qui soit. Avec « Le Livre des morts » le lecteur voyage dans le temps, à la recherche d'éléments probants servant de fil conducteur autour d'une série de meurtres dont les victimes n'ont aucun rapport entre elles, si ce n'est une carte postale annonçant la date de leur prochain décès. Seul point commun, tous sont morts à la date exacte indiquée sur la carte. Comme si le destin s'était annoncé par voie postale ! Du fin fond du Moyen-âge au 21ème Siècle balbutiant à internet, « Le Livre des morts » nous parle des grandes peurs de l'humanité que sont la crainte d'un lendemain aléatoire, l'absence de maîtrise de son propre destin et du libre arbitre de chacun à la croisée des chemins. Écrit sur un rythme palpitant, oppressant, angoissant, alternant – au fil des chapitres – les trois grandes périodes de l'Histoire avec leurs événements spécifiques dont le lien se dévoile au fur et à mesure, « Le Livre des morts » de Glenn Cooper apparaît au lecteur médusé, désorienté, comme un immense puzzle diabolique. On ne peut s'empêcher de faire la comparaison, par certains aspects, avec « Le nom de la rose » pour l'ambiance pesante et l'atmosphère apocalyptique de ce thriller mené de main de maître par son auteur. Tout est parfaitement conçu, élaboré, réfléchi avec une dose de suspense associée à une enquête historique ahurissante, fascinante, et une aptitude à dérouler le fond de manière scientifique. « Le Livre des morts » de Glenn Cooper est à la fois terrifiant, envoûtant et troublant.

Les blogs qui en parlent : Bladelor, Madame Charlotte, Choco, Leiloona, Ankya, Cathulu, Poupouille, Amanda, Émilie, Pimprenelle, Cryssilda, Sophie, Petite Fleur, Émeraude, Joëlle, Neph, Pat, Emmyne ... D'autres peut-être ?! D'avance merci de vous faire connaître par un petit commentaire que je vous ajoute à la liste.

Un merci particulier à Solène Perronno et aux éditions du Cherche Midi pour m'avoir permis cette découverte dont j'attends la suite avec impatience ...


271 - 1 = 270 livres restant dans ma PAL ...

15 commentaires:

mazel a dit…

donc, ne me reste plus qu'a me le faire offrir !
bises

Clara et les mots a dit…

Il doit faire étape chez moi en tant que livre voyageur, je l'attends impatiemment !

loulou a dit…

il est dans ma PAL, depuis déjà un bon moment, Joëlle me l'ayant prêté, il faut que je me penche sur cette histoire dans les semaines à venir ! (as-tu reçu mon mail?)

Manu a dit…

Ce roman ne m'attire pas du tout, surtout à cause de la période du Moyen-Âge.

emmyne a dit…

Je l'ai lu aussi, pas autant apprécié que toi mais pourtant dévoré en deux soirées ! Très très efficace !

Ys a dit…

Remarquable, singulier et inattendu ? Misère... le mien prend la poussière, j'ai honte parce que j'aime les polars bien construits. Bon allez, il remonte d'un étage.

Nanne a dit…

@ Mazel : Je peux jouer au Père Noël avant l'heure ... Pour cela, envoie-moi ton adresse par mail ! C'est un ouvrage que j'ai réellement apprécier pour son suspense qui tient en haleine jusqu'à la dernière page. Époustouflant !

@ Clara : Dès que tu vas le recevoir, un conseil, déguste-le, parce que c'est vraiment un très bon thriller à la construction singulière et machiavélique de la part de l'auteur ... Premier livre prometteur ! J'attends le suivant avec une certaine impatience !

@ Loulou : J'ai bien reçu ton mail et suis heureuse de savoir que cet envoi te fait plaisir ... Puisque tu es dans la veine des thrillers, celui-ci devrait certainement te plaire, parce qu'il n'est pas violent physiquement, mais plutôt stressant moralement. On veut tellement connaître la suite des événements que les pages se tournent sans que l'on s'en rende compte ! Belle lecture en perspective ...

Nanne a dit…

@ Manu : Même si je te dis que la période du Moyen-âge n'apparaît que peu par rapport au reste du roman ?! Pas même l'once d'un petit effort pour lire un excellent thriller ?! Tu es intraitable et incorruptible ;-D

@ Emmyne : Je n'ai pas retrouvé ton billet, alors qu'il me semblait bien l'avoir lu ! Pourrais-tu me le transmettre en commentaire que je te rajoute ? Je l'ai lu en très peu de temps aussi, prise que j'étais dans l'atmosphère de cette histoire peu banale ...

@ Ys : Comment ?! Tu ne l'as pas encore ouvert ! Et, en plus, il prend la poussière comme un vieux grimoire oublié au fond d'une vieille étagère ... Tsss !! Il faut remettre de l'ordre là-dedans. On sent le relâchement des vacances. Surtout qu'il se lit très vite et très bien, tant l'histoire est bien ficelée. Je regrette un peu l'histoire sentimentale entre les deux agents qui gêne parfois l'ambiance irrationnelle de ce super thriller ! Mais ce n'est qu'un détail ...

emmyne a dit…

C'est vrai que les billets sur les romans adultes sont bien cachés sur mon blog ! :). Ils sont regroupés dans la catégorie Ma page lecture. Voici le lien :
http://lisezjeunesse.canalblog.com/archives/2010/04/05/17478026.html#comments

Emilie a dit…

J'avais apprécié cette lecture, haletante. La partie consacrée aux moins en l'an 700 est glaçante.

Nanne a dit…

@ Emmyne : Pas toujours évident de retrouver des billets sur n'importe quel blog, je te rassure ;-D Merci pour le lien ... Je te rajoute à la liste !

@ Émilie : C'est tout à fait une lecture haletante et prenante ! Et la partie consacrée à l'an 777 est glaçante et assez incroyable ... J'aurais aimé que l'auteur en écrive plus sur cette période-là. On verra avec le prochain opus ce qui en ressort.

Alwenn a dit…

Comme je n'ai jamais été déçue par tes avis et ton sentiment sur les livres, notamment ceux que l'on a en commun, je crois que je vais me laisser séduire. Et pourtant, je disais il y a peu que je saturais avec ce genre d'histoires... Comme quoi, ne jamais dire "fontaine, je ne boira pas de ton eau!" :)

Lilibook a dit…

il est inscrit à ma lal, et je crois même qu'il se trouve à la biblio donc...

Pickwick a dit…

Oups, ce polar fut pour moi une vrai déception... en fait, une fois compris ce qui se passait au Moyen-Age au milieu du récit, la fin de ma lecture a été assez laborieuse. Et le happy end m'a achevé ! Mais je sais qu'à force d'en lire, je deviens de plus en plus exigeante (pour ne pas dire chiante ;-) !) avec les polars !

Nanne a dit…

@ Alwenn : Laisse-toi séduire par cette histoire absolument incroyable, même s'il y a quelques imperfections dues à tous premiers romans ! Celui-ci est quand même de qualité et il faut une imagination certaine pour écrire sur un tel sujet ... Mais attends peut-être un peu, car il a été très présenté sur la blogosphère. Personnellement, j'ai attendu plusieurs mois avant de le commencer pour réellement l'apprécier !

@ Lilibook : S'il est à la bibliothèque, réserve-le ! Je pense que tu as de fortes chances d'apprécier cette histoire plutôt singulière ... Mais une fois plongée dans le livre, tu risques de ne plus en sortir ;-D

@ Pickwick : J'ai très vite compris où l'auteur souhaitait emmener le lecteur, mais je me suis laissée happée par cette histoire qui m'a un peu désarçonnée par sa singularité ! Il fallait quand même imaginer une telle chose. On doit le reconnaître ! La partie happy end du couple d'enquêteurs m'a le plus agacée, en fait. J'ai horreur quand on mélange thriller et sentiments ;-D Par contre, pour éviter de devenir exigeante, voire chiante, j'alterne les ouvrages (classique, histoire, biographie, policier ...). J'ai toujours l'impression de me renouveler de cette façon !