7 novembre 2010

CHOPIN, L’ÂME DE LA POLOGNE

  • Frédéric Chopin, l'âme du piano - Claude Clément - Éditions du Jasmin


Le 1er mars 1810 voit la naissance de Frédéric Chopin sur le domaine de Zelazowa Wola à quelques kilomètres de Varsovie. Personne ne le sait encore, mais ce nouveau-né va bouleverser la musique classique, la faire entrer dans ère nouvelle, celle des Romantiques – dont il sera le chef de file – et influencer toute une génération de compositeurs au début du 20ème Siècle.

Frédéric Chopin aurait pu naître en France, dans le Dauphiné, région d'origine de ses ancêtres paternels. L'histoire des Hommes étant ce qu'elle est, et certains ayant l'âme plus aventureuse que d'autres, c'est dans la province de Mazovie – dont dépend Varsovie -, que ce dernier verra le jour. Issu d'un père Français – professeur de langue et de littérature française au lycée de Varsovie qui reçoit les enfants de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie polonaises -, et d'une mère venant de la noblesse polonaise, Frédéric Chopin grandira et s'épanouira dans un milieu privilégié. « Les Chopin sont heureux dans cette ville cosmopolite, riche en couleurs, où les dandys aristocrates côtoient les Juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Français, les forains montreurs d'animaux étranges, les moines et les religieuses … ».

Dès l'âge de six, le jeune Chopin écrit déjà des poèmes de qualité. De plus, il est parfaitement bilingue, comme ses trois sœurs. Ce qui lui permettra de toujours se sentir chez lui en France comme en Pologne. « On y parle le polonais, mais aussi le français et l'allemand. Du fait de la dualité de leurs origines, les enfants Chopin sont tous parfaitement bilingues. Plus tard, Frédéric sera à Paris, séparé de sa famille, il écrira à son père en polonais. Nicolas lui répondra en français. Dans l'esprit du musicien, les deux langues sont aussi familières l'une que l'autre. Il gardera toute sa vie un léger accent en français, trace de cette double appartenance ». A sept ans, il écrit sa première composition musicale, « Polonaise pour piano forte, en si bémol majeur », largement inspirée du folklore local. Un prodige est né, à l'égal de Wolfgang Amadeus Mozart. A la différence que Chopin n'est pas Autrichien, mais Polonais, et que son pays natal reconnaîtra toujours son talent. Son entourage perçoit très tôt ses prédispositions pour la musique en général, le piano en particulier. On loue d'ores et déjà son génie, ses dons exceptionnels, ses aptitudes tant dans l'écriture que dans l'interprétation musicales.

A peine jeune homme, tout juste sorti de l'adolescence, Frédéric Chopin étouffe à Varsovie. Le poids de l'empire Russe pèse sur la Pologne qu'il cherche à engloutir, à faire disparaître. Surtout, brillant musicien et compositeur, Frédéric Chopin veut découvrir l'Europe, rencontrer d'autres grands musiciens et artistes, s'en inspirer. L'Autriche, l'Allemagne, l'Italie, la France. Tel sera l'essentiel de son périple. « Libre de s'épanouir à sa guise au gré de son inspiration, de ses recherches et de ses rencontres, le jeune homme ne ressent qu'une entrave : les frontières. En mai 1829, un nouveau tsar, Nicolas 1er, se fait couronner roi de Pologne à Varsovie. Le désenchantement que le peuple polonais avait ressenti durant le règne d'Alexandre ne fait que s'accentuer. En effet, le nouveau souverain se comporte plus durement que son prédécesseur, supprimant la liberté de la presse, installant un contrôle policier d'acier, renforçant les intérêts russes dans le pays au détriment de ceux des patriotes. Ce n'est qu'avec une apparente soumission que ceux-ci se résignent et participent, de mauvaise grâce, aux festivités lors de bals et de concerts ». Ses parents l'y encouragent vivement, alors que l'année 1830 voit l'Europe s'embraser par des soulèvements sociaux et révolutionnaires.

En France, sa rencontre avec Franz Liszt sera déterminante pour son avenir de concertiste et de compositeur, de même qu'avec Camille Pleyel, inventeur du piano moderne. Bien que de caractères diamétralement opposés, ces deux là se complèteront au point de devenir les deux facettes d'une même médaille musicale, romantique et novatrice, préfiguration d'une musique classique dépoussiérée de ses anciennes scories.

L'année 2010 voit le bicentenaire de la naissance de Frédéric Chopin. De fait, il paraissait difficile, voire impossible, de faire l'impasse sur l'ouvrage de Claude Clément, « Frédéric Chopin, l'âme du piano », et de rendre un hommage appuyé à celui qui va rénover – par ses apports créatifs, son approche très personnelle de la musique populaire polonaise et juive – les canons de la musique classique. Précoce, imaginatif, génial, tels sont souvent les adjectifs qualifiant Frédéric Chopin. Enfant éveillé, cultivé, binational, il prendra très vite conscience que pour évoluer dans son art, l'ouverture à d'autres cultures lui sera nécessaire, vital.

Il voyagera donc, souvent et beaucoup. Vienne, Berlin, Dresde, Prague, Breslau, Cracovie sont les villes visitées, partant à la découverte de ses pairs, Berlioz, Schuman, Liszt et Mendelssohn aussi doué que lui. De même, sa rencontre avec le peintre Eugène Delacroix sera l'amorce d'une solide amitié qui ne se démentira pas avec le temps. Partout où il se produira – de concerts publics en récitals privés – Frédéric Chopin sera ovationné, admiré. Ses qualités artistiques lui ouvriront les portes des plus grandes familles aristocratiques, les Radziwill, les Rothschild, les Beauvau, les Esterhazy, les Noailles, les d'Agoult. Les femmes, surtout, seront sensibles à son charme de dandy à l'élégance raffinée, à sa mélancolie, à sa douceur et à sa fragilité.

Cependant, toujours planera sur Chopin un mystère, celui de son éventuelle homosexualité. En effet, son côté artiste, sa précocité en toutes choses, sa correspondance ambigüe avec son ami de jeunesse Tytus Woyciechowski, sa fréquentation du marquis de Custine – homosexuel reconnu et affiché -, les écrits post mortem de Liszt, jetteront un doute sur sa réelle orientation sexuelle. Et ce n'est pas un hasard si Frédéric Chopin et George Sand se reconnaîtront l'un dans l'autre, même si les débuts de leur relation sont difficiles. Chopin sera révulsé par l'aspect masculin, hommasse de la romancière ; George Sand appréciant les hommes cachant leur côté féminin. Très vite, celle-ci le prendra sous son aile protectrice, devenant tout à la fois l'amante, la mère, la soignante, l'amoureuse et l'égérie d'un Frédéric Chopin de plus en plus fragile moralement et physiquement. Ces deux-là étaient fait l'un pour l'autre. Le destin, dans son immense mansuétude, les a réunis pour le meilleur de l'art.

« Frédéric Chopin, l'âme du piano » est une biographie qui en dit long sur cet artiste romantique, neurasthénique et phtisique qu'était Chopin. L'auteure le montre tel qu'en lui-même, tantôt doutant de ses capacités artistiques avérées, tantôt faisant preuve d'inconstances et de fantaisies. Dandy précieux, évoluant dans un univers où l'argent coulait à flot, Frédéric Chopin s'est servi intelligemment de sa notoriété pour vivre dans un monde fastueux, à la richesse ostentatoire.

Cette hagiographie, aisée à lire pour qui ne connaît ni Chopin, ni la musique classique, se concentre avant tout sur l'homme et sa relation aux autres. Elle aborde le couple atypique, singulier formé avec George Sand qui a permis l'épanouissement artistique d'un compositeur prolifique et imaginatif.

Au final, Frédéric Chopin était bien ce qu'a écrit Cyprian Norwid dans le « Quotidien polonais » à l'annonce de son décès : « Varsovien de naissance, Polonais de cœur et, par le talent, citoyen du monde ».

D'autres blogs en parlent : Alice, Izabel, Mimipinson ...

"Frédéric Chopin, l'âme du piano" a été lu dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.


12 commentaires:

juliette a dit…

Chopin, comme Haendel, me transporte complètement!

Dominique a dit…

Alors que j'aime beaucoup la musique classique bizarrement je n'ai presque pas lu de biographies de musicien, j'avais repéré quelques bio chez Actes sud, je vais me fier à ton billet et noter celle ci
Comme d'habitude ton billet est un plaisir de lecture supplémentaire

Aifelle a dit…

Je le note aussi, j'aime lire des biographies d'écrivains ou autres et je ne pense jamais aux musiciens.

Belledenuit a dit…

J'adore ta chronique et je note avec plaisir ce titre même si je ne lis quasiment pas de biographie. Celle-là m'attire tout particulièrement.

L'or des chambres a dit…

Un bien beau billet comme d'habitude. Comme Dominique je ne lis pas de biographie sur de grands musiciens... Mais Chopin me fascine, un "grand" homme... Et quel destin...
Bonne soirée Nanne

L'or des chambres a dit…

Rien à voir mais tu es tagguée chez moi Nanne (un tag vite fait qui devrait te plaire !!!)
Bises

Nanne a dit…

@ Juliette : Je dois reconnaître que Chopin, comme Liszt ou Schubert, fait partie de mes compositeurs et interprètes préférés. J'en ai d'autres, mais cela deviendrait un véritable inventaire à la Prévert ! Je lis actuellement une biographie sur Vivaldi ... Je suis transportée à Venise !!

@ Dominique : J'aime bien les biographies, quand elles permettent plusieurs niveaux de lecture. Celle-ci a le privilège d'être simple et de se concentrer sur l'homme qu'était Chopin, et ses relations avec les autres ... Ici, pas d'interférences avec ses œuvres. Ce qui en simplifie l'approche pour des profanes et donne envie d'en savoir plus sur lui et ses compositions. Il y a une belle biographie de Chopin chez "Acte Sud Classica", que j'ai aussi repéré !

@ Aifelle : Je pense qu'il y a moins de biographies sur les musiciens, d'une part, et que tout lecteur n'est pas mélomane, d'autre part. Et souvent, quand on aborde une hagiographie d'un compositeur, on s'attend à lire des éléments techniques sur son œuvre musicale ! Or, dans celle-ci, il n'y en a pas et c'est ce qui la rend accessible et facile à lire ...

Nanne a dit…

@ Belle de Nuit : Il y a peu de billet de biographies et c'est bien dommage ! Parce que par la biographie, on comprend beaucoup mieux l'environnement du personnage et ses attitudes ou comportements face à certains évènements ... Je vais te renvoyer "Obscura" que j'ai terminé et t'envoyer cette biographie. Tu prendras le temps qu'il faut pour la lire ;-D

@ L'or des chambres : Chopin a marqué son temps et a permis à la musique classique de se renouveler ... Il est un des plus grands compositeur interprète de son temps et a influencé les musiciens du 20ème Siècle ! Je vais aller voir ce tag pour savoir de quoi il retourne ;-D

La plume et la page a dit…

Mon compositeur préféré! L'autre jour j'écoutais le concerto n°1 pour orchestre et piano et c'était tout simplement sublime!

Nanne a dit…

@ La plume et la page : C'est aussi un de mes compositeur préféré ! J'aime particulièrement sa "Polonaise" n°6 l'Héroïque Opus 53 ... Surtout quand elle est jouée par Vladimir Horowitz !

Anne a dit…

Je suis moi aussi emportée par ses concertos pour piano !

Nanne a dit…

@ Anne : J'avoue un faible pour Chopin, Liszt et Schubert ... Dès que j'entends leur composition jouée, je suis emportée, emballée, émue et heureuse !