24 février 2011

JEUDI C’EST CITATION !

« Elle entend juste que c'est le plus beau jour de sa vie. C'est aujourd'hui que ça va arriver. Dix-sept ans le plus bel âge. L'âge pour ça. Viens, je connais un coin, l'entraînant par la main. Elle ne parlait pas sa langue, ni lui la sienne. Bien sûr il avait compris, tous les hommes du monde comprennent quand on leur dit ça. Il s'est laissé faire, tous les hommes du monde se laissent faire quand on leur dit ça. Aux lèvres, il avait le même sourire que celui qu'elle avait vu la première fois à la fontaine ».

« Elle savait plus comment elle avait fait pour qu'il la remarque. Elle avait fait ce qu'il fallait et ça avait marché. C'était arrivé. Exactement comme elle le voulait. Les rendez-vous, les baisers. Maladroits, fougueux au début. Sa langue allait vite, lentement, de nouveau vite. Elle aimait ça. Terriblement. La fougue puis la lenteur. C'est ça qu'elle aimait le plus, le changement de rythme. Ils s'étaient à peine cachés ».


« Dix-sept ans. Quand je viendrai vers toi il fera nuit car la nuit est le plus beau moment pour les amants. Car la nuit bruisse de mille microscopiques frissons, de mugissements infimes, de brins d'herbe luisant de petites vies, la nuit est animale plus animale que le jour ce sera la nuit mon amour que je viendrai vers toi. Et le noir sera l'écrin de ton souffle tiède sur moi sur ma nuque, la connaissance sera désormais au bout de mes doigts je perdrai toute autre forme de savoir. Je viendrai vers toi et déposerai à tes pieds mes doutes et mes certitudes il n'y aura plus ni passé ni avenir le temps s'arrêtera je ne saurai plus rien que cette seconde qui brûlera comme l'allumette frottée à la nuit. Tu ouvriras un à un les boutons de ma robe et je m'allongerai près de toi dans l'herbe et le vent de la nuit ».


« Ma science est au bout de mes doigts. Je peux, par exemple, mesurer le taux d'humidité des corps. Quand je touche les femmes je sens affleurer les rivières souterraines. Certaines en comptent plus que d'autres, leurs corps sont de lourdes fleurs tropicales ouvertes et humides ».


Chaque jour, Monika arrive la première à l'Institut de beauté. Elle est étrangère, d'origine polonaise, et n'aime pas cette ville impersonnelle et grise où elle travaille. Chaque jour, avant l'arrivée des clientes, elle pense avec nostalgie à son enfance, dans une ferme, dans un vrai pays, avant, avec de vraies saisons. Elle se souvient qu'avec sa sœur elles ne pensaient qu'à une seule chose : comment vient-on au monde ? Monika observe, écoute, juge parfois les femmes qu'elle voit défiler dans sa cabine. Toutes lui racontent des histoires, des plus anodines aux plus intimes. Alix qui ne veut pas d'un homme qui l'aime, Adèle une vieille femme qui a été tondue à la Libération, la femme du boucher, blanche, frileuse, si solitaire… Corps est un roman poétique. Loin des chairs lisses et insipides que la presse féminine jette en pâture à notre imaginaire, Fabienne Jacob fouille le corps des femmes. Voici un portrait sensible de la femme contemporaine ; entre enfance, âge de tous les possibles, et maturité, âge de quelques lucidités.


« Corps » - Fabienne Jacob – Buchet Chastel Éditions


2 commentaires:

Isa a dit…

Je n'avais pas du tout accroché à ce roman. Je m'attendais à autre chose et c'est sûrement la raison de ma déception.

Nanne a dit…

@ Isa : Personnellement, je l'ai trouvé beau et sensuel. Il y a dans ce roman une atmosphère qui m'a beaucoup séduite ! Et j'ai voulu mettre quelques extraits parce que certaines lectrices ne l'ont pas apprécié à sa juste valeur ...