7 février 2011

NEW YORK, VILLE CUBISTE

  • Histoire de New York – François Weil – Fayard Éditions


« Au commencement, une grande baie parsemée d'îles, un véritable archipel où abondent huîtres et brochés, anguilles et esturgeons, outardes et dindons, canards et oies sauvages … A la fin du XVIème Siècle, plusieurs milliers d'Amérindiens sédentaires y sont installés – Munsees, Lenapes, Rockaways, Hackensacks, Nayacks, Raritans, Navasinks, et autres Canarsees issus de la branche Delaware de la famille des Algonquins. Les uns pêchent dans ces eaux poissonneuses ou cultivent le blé d'Inde et le haricot, d'autres chassent le chevreuil et l'ours dans les forêts environnantes. Leurs campements, où habitent parfois plusieurs dizaines de familles, sont dispersés sur les deux rives de l'Hudson et de la Raritan, ainsi que sur les îles appelées aujourd'hui Manhattan, Long Island ou Staten Island ».

New York, mégapole multiculturelle façonnée par les communautés locales qui s'y côtoient, ville hégémonique et libérale à la fois a – de tous temps – aimanté. Objet de convoitises, les Hollandais décideront de créer un comptoir – la Compagnie de Nouvelle-Hollande – au 17ème Siècle pour commercer avec le Nouveau Monde, les Petites Antilles et Curaçao. En 1626, ces derniers achètent la future île de Manhattan aux Amérindiens pour soixante florins. Ils baptiseront l'ensemble Nouvelle Amsterdam et sa population croîtra rapidement, passant de quatre cents à mille cinq cents habitants entre 1640 et 1664. Cependant, son expansion rapide va susciter des envies de la part des Anglais, qui s'en emparent en 1664, la Compagnie de Nouvelle-Hollande commençant à concurrencer dangereusement les intérêts des comptoirs de la Nouvelle-Angleterre dans la région. A l'issue de la guerre anglo-hollandaise, Nouvelle Amsterdam est rebaptisée New York en hommage à Jacques d'Angleterre – frère de Charles II – duc d'York. « C'est la fin de la Nouvelle-Hollande et de la Nouvelle-Amsterdam, abandonnées par les Provinces-Unies au traité de Breda (1667). Devenue possession ducale, la ville est aussitôt rebaptisée New York en l'honneur de son nouveau maître ».

Très vite, New York – ouverte sur l'Europe et le reste du monde – va devenir une ville commerciale florissante et enrichir une partie de sa population. Sans le savoir, elle participe, dès son origine, à l'émancipation de ce qui n'est pas encore les États-Unis, tout en faisant du commerce légal et illégal. Les pirates des 17ème et 18ème Siècles trouveront dans le port de New York un lieu sûr où se ravitailler, se poser et vendre leurs marchandises pillées. D'un coup, boutiques, bordels, tavernes fleuriront partout dans New York qui s'étend d'autant plus sur les deux rives de l'Hudson. Toutes sortes de produits transiteront par le port de New York, y compris des esclaves ! « Cette ville, prophétise l'éloquent DeWitt Clinton, deviendra avec le temps le grenier du monde, le centre du commerce, le siège des manufactures, le foyer de grandes opérations financières, et le lieu de concentration de vastes capitaux, qui s'accumuleront et seront disponibles pour stimuler, vivifier, élargir et récompenser les efforts du labeur et de l'intelligence de l'homme, dans toutes leurs opérations et manifestations ». Toutefois, l'État de New York sera le premier à libérer ses esclaves issus du continent africain engagés dans la Guerre d'Indépendance des États-Unis. Mais la route sera encore longue jusqu'à leur totale émancipation, à la reconnaissance et à l'acceptation de ces minorités ethniques par la majorité blanche.

Tout au long des 18ème et 19ème Siècles, New York se forgera une image de ville républicaine. Elle sera la plus grande, la plus riche et la plus impressionnante des mégapoles américaines. Toutes les nations du monde transiteront par Ellis Island avant de continuer leur route vers l'ouest ou de poser leurs bagages dans le quartier de leurs origines – Little Italy, Harlem, Chinatown, Spanish Harlem, Lower Manhattan, Lower East Side, Greenwich Village. De même, New York est une cité où toutes les religions sont présentes et vivent en symbiose. Véritable melting pot social, culturel, cultuel et intellectuel, New York va modeler son portrait de mégalopole au fil de son histoire et de la croissance exponentielle de son urbanisme. « L'hyperbole est de règle, un sentiment exalté de perpétuel changement et de croissance illimitée prédomine. New York est la « reine du littoral », la « Londres de l'Amérique », la « Liverpool du Nouveau Monde », la « ville empire » ». A la fin du 19ème Siècle, Broadway s'orne d'opulents magasins où l'on trouve tous les articles à la mode en provenance du monde entier, particulièrement de Paris. Ces boutiques de luxe sont surtout réservées aux femmes de la haute bourgeoisie new yorkaise. Le Ladies Mile est né sur Broadway, proche de la célébrissime 5ème Avenue.

Au cours de cette même période, la finance se développe à New York, dans le quartier de Wall Street. Tout en ayant conscience de sa suprématie, New York va devenir – lentement mais sûrement – la plaque tournante de l'économie mondiale. C'est de là que partiront toutes les tourmentes économiques et financières, dont le Krach de 1929 ou celui de 2008. Enfin, le 28 octobre 1886, a lieu l'inauguration de la Statue de la Liberté de Bartholdi par le président des États-Unis Grover Cleveland, confirmant la prééminence et l'influence de New York sur le reste du monde, parfois perçue comme une capitale mondiale. « Dans l'immédiat, la haute torche de la Liberté ne proclame pas seulement au monde la générosité de l'hospitalité américaine, elle éclaire le spectacle de la puissance économique de New York, la vision de son entreprise commerciale, financière et industrielle sur le continent nord-américain et sur un avant-pays toujours plus vaste. La statue tourne le dos à la ville, pour mieux regarder vers le large ».

« Pour les Européens, New York est l'Amérique ; pour les Américains, c'est le commencement de l'Europe » (Paul de Roussiers – 1892). Si l'on pouvait résumer « L'histoire de New York » de François Weil, se serait sans doute par cette phrase. New York a la confluence de tous les métissages, de toutes les cultures, de toutes les religions est certainement la métropole américaine la plus proche du vieux continent par son esprit et son passé. L'immigration européenne a constitué l'essentiel de ce brassage multiethnique, qui va de ses profondes origines amérindiennes iroquoises aux migrants de l'empire Russe ou Austro-hongrois, des Noirs libérés de l'esclavage après la Guerre de Sécession aux Irlandais, Allemands, Anglais, Écossais ou Français, premiers exilés à construire cette ville unique en son genre.

New York, enfant précoce du négoce international et de la finance, sera choyée dès sa création. Son port, débouchant sur le Nouveau Monde sera objet de concupiscence pour les armateurs et les grandes maisons de commerce international. Dès le 17ème Siècle, elle n'aura de cesse de se développer, de croître, de se transformer, d'évoluer pour absorber les nouvelles vagues d'arrivants remplis d'espoir foulant ses quais. Les premières constructions en bois seront remplacées au cours du 19ème Siècle par des structures d'acier, lui donnant cette image de ville verticale, qui impressionneront toujours ses visiteurs émerveillés.

Mais résumer New York à son urbanisme et à son économie serait très (trop ?) réducteur. Cette cité hors norme n'est seulement un formidable laboratoire architectural où l'argent coule à flot. C'est aussi tout un art de vivre et d'être, presque insolite. A tout le moins, est-elle annonciatrice d'un autre mode de vie dans une Amérique largement protestante et presbytérienne. New York brasse une population composite, hétéroclite, bigarrée, métisse qui fait son anticonformisme et son identité sociale. On y trouve aussi bien de vieilles familles issues de la très haute bourgeoisie – souvent associée à l'aristocratie européenne -, au milieu populaire et ouvrier provenant de la paupérisation des premiers artisans arrivés du continent. Dans cette mégalopole plusieurs univers s'effleurent, sans jamais se rencontrer. Ils vivent dans une même ville sans jamais se connaître ou s'apprécier. New York est à l'aune de sa population : complexe, mosaïque, patchwork, puzzle. A elle seule, elle est représentative d'une humanité plurielle et mixte.

Par la grâce de « L'histoire de New York », le lecteur partira à la rencontre du passé, du présent et de l'avenir d'une cité fascinante, ensorcelante, prenante, emblématique du multiculturalisme, du multi-ethnisme, inattendu et surprenante à la fois. New York, épicentre culturel, artistique et avant-gardiste des États-Unis et du monde depuis sa création, ne cesse de nous émerveiller, de nous émouvoir, de nous happer et de nous hanter. Elle demeure – par-delà les époques et les événements tragiques qu'elle a vécus – un repère, un sémaphore pour l'humanité.

« New York était un espace inépuisable, un labyrinthe de pas infinis » (Paul Auster – 1985).


256 - 1 = 255 livres dans ma PAL

10 commentaires:

keisha a dit…

New York, ville fascinante. ce livre a l'air bien complet, j'espère qu'il y a de nombreuses photos?

Dominque a dit…

Un livre comme je les aime, l'histoire d'une ville c'est passionnant. Je suis comme Keisha curieuse de savoir s'il y a des photos

zarline a dit…

Fan de cette ville, j'ai bien envie de m'intéresser à ce livre d'un peu plus près. En plus moins de 400 pages, ça semble être assez pour être détaillé sans que ça en devienne indigeste. Merci pour l'idée!

Yv a dit…

Je n'ai aucune fascination pour New York. Franchement pas une des destinations futures.

dasola a dit…

Bonjour Nanne, photos ou pas, New York mérite un voir cent livres. C'est une ville extraordinaire à tout point de vue. Merci pour ce conseil sur un ouvrage qui m'a l'air complet sur l'histoire d'une ville. Bonne fin d'après-midi.

Tietie007 a dit…

Un mois à New-York, cet été 2008 !

Manu a dit…

Ah New York ! Ca m'a l'air d'être un très bel ouvrage.

Lilibook a dit…

une ville que j'aimerai découvrir

Nanne a dit…

@ Keisha : Une ville fascinante et un ouvrage riche, dense et avec de belles photos ainsi que des gravures sur New York ! Un livre qui se lit comme un roman historique et nous apprend énormément sur une des villes les plus magiques au monde ...

@ Dominique : Je suis sûre que ce livre aurait tout pour te plaire ! L'auteur fait œuvre d'historien et nous retrace New York de ses origines à nos jours ... On comprend mieux ensuite le pourquoi de cette fascination !

@ Zarline : Si tu est fan de New York, alors cet ouvrage est fait pour toi. Je te conseillerai aussi les livres de Jérôme Charyn, dont "Métropolis" qui est une ballade-hommage à cette mégalopole ...

@ Yv : New York peut effrayer et angoisser par sa taille et sa population ! Il n'en reste pas moins que c'est une ville vers qui le monde se tourne pour connaître les tendances actuelles, dans tous les domaines. C'est un peu la capitale du monde ...

Nanne a dit…

@ Dasola : New York est une cité fascinante et angoissante à la fois, et qui mérite bien plusieurs livres pour la raconter ! Personnellement, j'ai commencé avec celui-ci trouvé à la médiathèque, mais j'en ai d'autres dans ma PAL sur l'histoire de certains quartiers ... New York m'attire et m'effraie en même temps !

@ Tietie007 : Il y en a par ici qui ont une sacrée chance ! Un mois entier à New York ?! Je suppose que tu as eu le temps de voir pas mal de choses et de visiter de nouveaux édifices ;-D

@ Manu : J'ai souvent pensé à toi et à Amanda en lisant ce livre sur New York ! Je te l'aurais bien envoyé pour que tu le lises, mais je l'ai emprunté à la médiathèque ... Il faut que tu lises "Métropolis" de Jérôme Charyn. Une merveille pour vivre New York de l'intérieur !

@ Lilibook : Je crois que c'est une des villes qui fascinent le plus, et attirent de nombreux touristes, hormis Paris ... Et à certaines dates, c'est une destination abordable, mais la vie est très chère, malgré tout !