- L'aigle à deux têtes - Jean Cocteau - Folio n°328
Dans "L'aigle à deux têtes", Jean Cocteau met en scène une reine, jeune, veuve et vierge qui doit faire face au poids de son destin. Ce sort dramatique propre à toutes les héroïnes romantiques, prend la forme d'un jeune homme, poète et anarchiste, venu l'assassiner dans le château où elle avait trouvé refuge. Lui désire libérer son pays d'une monarchie jugée opprimante. "Dans votre capitale, j'ai trouvé la misère, le mensonge, l'intrigue, la haine, la police, le vol. J'ai traîné de honte en honte. J'ai rencontré des hommes que ces hontes écœuraient et qui les attribuaient à votre règne." La reine, elle, attend la mort depuis la disparition tragique du roi, survenu le soir même de ses noces. Elle qui ne vivait que par et pour son futur époux, sa mort devenait aussi la sienne propre. Elle se sentait une communauté de destin avec ce roi qu'elle aimait passionnément. "J'allais vivre. J'allais devenir femme. Je ne le suis pas devenue. Je n'ai pas vécu. Frédéric est mort la veille de ce miracle."
Cette reine déjà virtuellement morte, a donc scellé son destin avec ce régicide arrivé à point nommé. Sauf que - hasard ou coïncidence - ce poète est le sosie du roi tant aimé. C'est grâce à cette rencontre fortuite, inespérée, que la reine se dévoilera, au propre comme au figuré. Elle révélera sa personnalité profonde, son esprit anarchiste face à un poète d'esprit royal. "Si je n'étais pas reine, je serais anarchiste. En somme je suis une reine anarchistes. C'est ce qui fait que la cour me dénigre et c'est ce qui fait que le peuple m'aime." Mais lors de ce face à face, Stanislas, poète régicide, avouera son amour, sa passion destructrice pour cette reine inaccessible. Dans un ultime élan romantique, ils décident d'unir leur destin pour n'en plus faire qu'un. Jusqu'au dénouement fatal. Mais la reine le poussera dans ses ultimes retranchements pour obtenir ce pour quoi il est venu. "Les reines n'ont guère changé depuis Cléopâtre. On les menace, elles enjôlent. Elles choisissent un esclave. Elles en usent. Elles ont un amant, elles le tuent."
"L'aigle à deux têtes" est une pièce tragique qui s'inspire de l'histoire dramatique et mystérieuse des maisons de Bavière et d'Autriche. En lisant cette pièce, on ne peut s'empêcher de faire l'analogie avec la fin terrible de l'impératrice Élisabeth d'Autriche, tombée sous les coups de poignard d'un anarchiste. Jean Cocteau l'écrit dans la préface de la pièce. "Elle aurait l'orgueil naïf, la grâce, le feu, le courage, l'élégance, le sens du destin de l'impératrice Élisabeth d'Autriche." Tout s'y retrouve dans cette très belle pièce que l'on prend plaisir à lire : le romantisme lyrique des personnages, la tragédie, les complots, la haine, l'amour, les rapports de force et de pouvoir entre hommes et femmes. C'est une pièce terriblement moderne et d'actualité sur le jeu des pouvoirs et les rapports entre les individus, ainsi que sur les intrigues de palais pour tenter d'obtenir les rênes du régime.
5 commentaires:
Coucou Nanne, je ne connais pas vraiment l'univers de Jean Cocteau mais ton billet a su exciter ma curiosité.
Merci pour cela et à très bientôt.
Je t'embrasse,
Les destins des reines sont souvent plus à plaindre qu'à envier! Je n'ai pas lu cette pièce de Cocteau. A vrai dire,il ne m'est plus très agréable de lire du théâtre!
Bonnes vacances, si j'ai bien lu ton post-it!
Jamais lu Coteau! J'ai vu quelques films, mais c'est tout! Ca me fait un peu penser à Montherlant le propos de cette pièce!
Coucou Nanne ! Un film que j'ai visionné lors de mes études, j'ai lu également à l'époque quelques pièces de Cocteau qui abordent des thèmes qui m'intéressent en général...
@ Muad'Dib : Je crois qu'il est nécessaire de redécouvrir ces grands classiques un peu oubliés au profit des auteurs contemporains. Ils ont écrit des œuvres merveilleuses. Bonne semaine et à très bientôt !
@ Mango : Je ne voudrais surtout pas être reine, parce que (presque) toutes ont connu des destins tragiques ! C'est dommage que tu ne prennes plus plaisir à lire du théâtre, il y a de très beaux textes ... Pour mes vacances, je pars ce matin !!!
@ Chiffonnette : Même pas "Les enfants terribles" ?! Ses films sont de vrais chef d'œuvres. Et c'est vrai que cette pièce fait penser à Montherlant et à sa "Reine morte" !
@ Antigone : Je n'ai pas vu le film tiré de cette pièce, parce que je l'aime beaucoup ! Cela ne m'étonne pas que tu aimes Cocteau, ses pièces sont tout à la fois légères et tragiques ... Et puis, il aime aussi Antigone ! Bon retour parmi nous ...
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