
Happy New Year 2010 !
Meilleurs vœux
Très bonne année 2010 !
Best Wishes
Frohes Neues Jahr 2010 !
Mis Mejores Deseos
Feliz ano nuevo 2010 !

"C'est fini. La plage de Big Sur est vide, et je demeure couché sur le sable, à l'endroit même où je suis tombé. La brume marine adoucit les choses ; à l'horizon, pas un mât ; sur un rocher, devant moi, des milliers d'oiseaux ; sur un autre, une famille de phoques : le père émerge inlassablement des flots, un poisson dans la gueule, luisant et dévoué. Les hirondelles de mer atterrissent parfois si près, que je retiens mon souffle et que mon vieux besoin s'éveille et remue en moi : encore un peu, et elles vont se poser sur mon visage, se blottir dans mon cou et dans mes bras, me recouvrir tout entier ... A quarante-quatre ans, j'en suis encore à rêver de quelque tendresse essentielle". Sur son rocher de Big Sur, aux États-Unis, Romain Gary revient sur ses souvenirs de jeunesse, particulièrement sur le personnage qui a le plus agi sur sa vie, qui a inconsciemment orienté son existence et ses choix, sa mère. Depuis sa prime enfance, Romain Gary s'est juré de soutenir cette femme pas tout à fait comme les autres, singulière, théâtrale, idéaliste, emphatique, fantaisiste, hors du commun.
devenir illustre, sauf à devenir peintre, jugé maudit, ivrogne, bohème et pauvre. Non, il lui fallait un destin à la hauteur du talent de son fis : munificent. Avec les plus belles femmes du monde à ses pieds. A treize ans, on n'en demande sans doute pas autant ! Cette mère qu'il soutiendra contre tous ceux qui chercheront à la rabaisser, à l'insulter et donnera à Romain Gary une réputation de distributeur de paire de claques dans son quartier de Nice.
succès d'écrivain. A travers "La promesse de l'aube", Romain Gary fait revivre tous les rêves de grandeur de sa propre mère, mais aussi de personnages qui ont marqué - à un moment donné - sa destiné. Tous ces hommes et ces femmes qui, de la Pologne à la France profonde, ont façonné, modelé, fabriqué la personnalité originale, fantasque, cynique de cet auteur aussi passionné que passionnant. Tout à la fois roman d'amour pour une femme d'exception, d'humour pour la manière bien particulière d'aborder tous les événements, surtout les plus tragiques, "La promesse de l'aube" de Romain Gary est celui où il a mis le plus de lui-même, où il s'est le plus dévoilé, dénudé, pour nous donner à lire une autobiographie où se côtoie toute la gamme des sentiments humains. Pour un peu, on se croirait chez Molière ou à la Comedia Del'Arte !
315 - 1 = 314 livres ... L'année 2010 sera celle de la cure d'amaigrissement de la PAL !
"Nous avons tendance à oublier que les livres, éminemment vulnérables, peuvent être supprimés ou détruits. Ils ont leur histoire, comme toutes les autres productions humaines, une histoire dont les débuts mêmes contiennent en germe la possibilité, l'éventualité d'une fin". Pour retrouver traces des premiers écrits, sans doute faut-il remonter au 2ème millénaire avant notre ère, dans la Chine ancienne. En occident, par contre, la tradition orale a précédé toutes formes d'écrit parvenus jusqu'à nous. Bien avant d'écrire, on parlait, on chantait, on usait de la voix.
a inventé l'Imprimatur et l'Index des ouvrages prohibés.
événements différemment. Le livre, produit de l'érudition, du savoir, de la culture, de l'ouverture d'esprit est aussi une arme redoutable contre tous ceux qui cherchent à dominer la pensée, à l'enfermer, à l'annihiler, à la diriger dans un intérêt personnel et politique. Les nouvelles technologies, Internet, l'absence de transmission de cette passion de lire pour apprendre, découvrir, réfléchir, s'ouvrir aux autres et à d'autres horizons inconnus, à défricher, a disparu au profit de certains mass media, d'une certaine télé et radio, qui diffusent plus facilement de la platitude, de l'insignifiance évitant la réflexion. La qualité est mise au ban de la société, parce qu'elle nécessite plus de travail et de profondeur d'esprit, mais permet aussi d'accéder à une information plus juste et plus fiable.
316 - 1 = 315 ouvrages en attente ... Sans parler de ceux reçus pour Noël !
extrêmement passionnante, j'ai pensé à deux écrivains que j'apprécie particulièrement pour leurs œuvres, mais surtout pour leurs biographies. Dans mon immense simplicité, j'ai pensé à Pierre Assouline ou - mieux encore - à Stefan Zweig. Je sais, je fais dans la pudeur et la discrétion, dans la qualité et le bon goût. Que voulez-vous, on me demande mon avis, je le donne spontanément !
même la Terre tourne, il y a peu de chances pour que je sorte la tête de l'ouvrage. Ensuite, s'il dit s'appeler Daniel Craig, se balade torse nu et souffre de l'épaule en demandant de l'aide, je lui dirai que je ne suis ni kiné, ni ostéopathe ou médecin et que les surveillantes de baignade seront plus qualifiées que moi pour lui faire passer sa douleur. Par contre, si - par le plus grand des hasards - il se prénommait Ralph Fiennes, je pense que je ferais un petit effort et fermerais mon livre pour quelques heures, jours, mois ... Je sais, je rêve !
cigales, des moutons ou des vaches dans les prés, le bourdonnement des abeilles, le chant des oiseaux. Ou l'hiver, auprès d'un bon feu de cheminée, enroulée dans une couverture avec une théière fumante et odorante de thé noir aux écorces d'agrumes. Bref, le bonheur !
Je le rencontrerais avant le 22 février 1942, date de son suicide, pour lui dire tout simplement que le plus difficile est - presque - passé, et que des jours meilleurs pointent déjà à l'horizon. 1942 est l'année qui marque le tournant important dans la sombre histoire de la 2ème Guerre Mondiale, puisque les victoires changent de camp. Cependant, il faudra encore attendre trois ans avant de voir enfin la Paix ! M'aurait-il seulement entendu du fond de son désespoir ?


La carte reçue faite par Alice avec des timbres représentant des œuvres d'art de toutes les périodes, que je conserverai précieusement comme toutes celles que j'ai reçu de la part de mes swappeuses !










Voilà une montre trépidante, qui a du mal à tenir en place. Elle glisse de main en main, passe d'un propriétaire à un autre, part d'un continent l'autre, sans jamais s'arrêter pour souffler un peu, remontée qu'elle est comme un coucou suisse. "Filibuth ou la montre en or" où les péripéties d'une superbe montre en or achetée chez Breguet en 1804 par Bastien Lafleur. On la retrouve dans les années 1920 chez une concierge - Rose Lafleur - au 105 rue Gabrielle à Montmartre. "La rue Gabrielle n'est pas un quartier moderne. Ses villas à terrasses lézardées semblent construites pour le repos : des travailleurs bien pauvres les habitent". Cette Rose Lafleur n'est pas réellement un personnage fréquentable. "Mme Lafleur ne vaut pas cher, d'abord elle boit, c'est une ivrognesse, ensuite c'est une personne relativement sale et désordonnée, on peut le dire sans exagération, en 3ème lieu, elle ne connaît pas la valeur des objets ni la mesure, il en résulte qu'elle en perd un grand nombre. Elle n'a pas honte de sortir le soir pour courir les rues". Il faut dire que celle-ci a hérité de cette montre agitée à la mort de "Père", petit-fils de Bastien et - accessoirement - employé du gaz.
Ce que l'on peut dire, c'est que cette montre est pour le moins convoitée. Par la famille Lafleur d'abord, dont le fils aîné de Rose - Alfred Lafleur -, qui la lui subtilisera pour la mettre au Mont de Piété afin de survivre. Par l'oncle Georges, ensuite. Frère du défunt propriétaire de la-dite montre et tuteur des enfants Lafleur. Il se considère comme l'héritier légitime de cette montre extravagante. "Il
était poli, prudent, réservé. Son esprit était correct, grave, petit, mince, propre, clair, habile comme sa personne". Enfin, par une bande de pendards. A la suite de multiples péripéties, la montre cavaleuse est lorgnée par une bande de malandrins parisiens en mal de bonne fortune. Elle atterri chez Léonce Sancoin, cafetier de son état."Les bras agiles de Léonce qui frottaient le comptoir étaient plus expressifs que son regard qui accueillait le client". Elle finira par échouer sur le bureau d'un juge d'instruction où elle servira d'appât à un soi-disant réseau d'espionnage franco-autrichien.
De Montmartre à la Chine, de Marseille au Japon, la montre vivra mille vies aux rythmes remuants de ses propriétaires éphémères. Elle servira même de séances d'hypnose à Venise, jouera sur les planches du théâtre San Théodoro "Madame Sans Gêne", sera avalée par un cochon et remarquée par Aristide Briand. Elle reviendra à Montmartre chez Rose Lafleur pour être offerte en cadeau de mariage à son fils aîné. Après autant de rebondissements, on pourrait penser que la montre en or souhaite se calmer un peu. Pas du tout. A force d'être désirée par tous ceux qui l'approchent, la montre écartelée entre tant de convoitises de la part des uns et des autres, finira tristement.
Max Jacob prend prétexte de la course à la montre pour décrire des personnages cocasses et truculents vivant des situations insolites. On y retrouve toute la gouaille, la chaleur, le pittoresque d'un Paris populaire de l'entre deux guerre. C'est un roman sans dessus, ni dessous, où tout se mélange agréablement ; un roman hors du commun qui allie conte moral et poésie fantasque pour le bonheur du lecteur. Un lecteur qui retrouve avec "Filibuth ou la montre en or" toute la verve, la sagacité des œuvres de Max Jacob.
317 - 1 = 316 livres ... Patience !
"L'accès à la propriété n'a pas que des avantages. Les emprunts, les charges, l'électricité vétuste, la plomberie approximative, la peinture à refaire, les plafonds et les murs mal isolés phoniquement. L'insouciance reste à la porte. En m'installant, je me suis demandée si elle reviendrait jamais. Il m'a fallu attendre la réunion de la copropriété pour mesurer l'ampleur de la malédiction. Ces réunions ne sont pas obligatoires, et il paraît exagéré de comparer un supplice facultatif comme celui-ci à l'inévitable souci des traites à payer et de l'emménagement. Dans mon cas, cependant, cette logique ne s'applique pas". Sonia est heureuse. Son rêve d'accession à la propriété a enfin vu le jour. Son petit appartement est niché dans un immeuble au coeur du quartier de Belleville. C'est ici que ses enfants - Moïse et Nestor - sont nés ; c'est ici qu'ils grandiront entourés de l'amour de leurs parents. Cet appartement, Sonia la rêveuse, a tout fait pour le rendre beau et coloré, comme sa vie. Elle en a fait une bulle d'amour, de douceur, de bien-être. Cet appartement, c'est son reflet, tout à la fois généreux, chaleureux, lumineux.
pose beaucoup de questions qui restent le plus souvent sans réponse. Bref, Sonia vivait un peu sur un petit nuage rose jusqu'au jour où apparaît dans son existence Monsieur Dupotier, son voisin de palier. Pauvre M. Dupotier qui, non content d'avoir perdu son chien puis sa femme dans la foulée, a vu disparaître son unique fils. Dans son immense mansuétude, Sonia se sent solidaire de cette souffrance psychique. Elle décide donc de venir en aide à ce vieil homme démuni moralement et abandonné à sa solitude. Et là, Sonia ne le sait pas encore, mais elle vient de mettre le doigt dans un engrenage infernal. "C'est la cinquième fois aujourd'hui que M. Dupotier vient sonner à ma porte. J'ouvre en réprimant une franche envie de meurtre. Pourquoi s'accroche-t-il ? Il ne lui reste rien. Sa seule occupation consiste à guetter mes heures d'entrée et de sortie, à calquer les gargouillis de son estomac sur mon emploi du temps. M. Dupotier a faim. Du matin au soir. - Vous auriez pas un petit quelque chose ? Je vais chercher un paquet de biscuits entamé et lui tend en souriant hypocritement. - Merci, ma petite dame, fait-il de sa pauvre voix. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous. Vous crèveriez, pensé-je en secouant la tête, l'air de dire "c'est bien normal, voyons, entre voisins". Il faudrait que je lui donne autre chose que des gâteaux et du chocolat, autre chose que des quignons de pain et les croissants entamés des enfants. C'est de potage qu'il a besoin, de blanc de poulet, de compte et de laitages frais. Mais si je commence à me laisser aller sur cette pente, je glisserai jusqu'en bas. C'est inévitable".
allusions, les attitudes. Quand le moindre souci intervient, venant gripper la machine à bonheur que chacun s'est patiemment fabriquée, c'est forcément la faute de l'autre, du Juif, de l'Arabe, du Noir, de la concierge, de la femme de ménage, du commerçant, du voisin de palier, des copropriétaires. Il y a aussi la malveillance, la bassesse et la bêtise humaines que l'on retrouve chez tout un chacun à un moment ou à un autre. Dans "Les bonnes intentions" Agnès Desarthe dénonce la dictature des médiocres qui fait régner la terreur sur une majorité silencieuse ou indifférente aux problèmes d'autrui, le pouvoir exercé sur les plus fragiles et les plus démunis, donnant l'impression d'une toute puissance invaincue. Dans un style tout à la fois sobre et limpide, avec un soupçon d'humour noir, Agnès Desarthe nous fait partager le quotidien de cette invraisemblable ménagerie humaine. C'est cocasse et incisif, parfois amère ou cynique, mais c'est un agréable moment de lecture.
317 - 1 = plus que 316 livres à lire et à présenter !
Pour ceux et celles qui ne s'en seraient pas encore rendus compte, j'avoue une attirance particulière pour la littérature allemande. Je la trouve tout à la fois romantique et exaltée, envoûtante et intense, avec une troublante acuité. Je concède que celle-ci ne capte pas toujours l'intérêt des lecteurs. Et c'est bien dommage. Ils y trouveraient de réels petits bijoux à apprécier et s'en délecteraient. Au cours de mes explorations chez les écrivains allemands, j'ai trouvé Klaus Mann. Je connaissais le père - Thomas Mann - et l'oncle - Heinrich Mann - je suis partie à la rencontre du 3ème du nom. Celle-ci s'est transformée en un réel coup de foudre.
Klaus Heinrich Thomas Mann est né à Munich, en novembre 1906. Il arrive un an, jour pour jour, après sa sœur Erika. Les "enfants terribles" de Thomas Mann, surnommé "Le magicien" par Klaus, seront élevés comme des jumeaux et seront très proches l'un de l'autre tout au long de leur vie. A tel point que de sombres rumeurs d'inceste ne se dissiperont jamais concernant l'ambiguïté de leurs relations. Toute sa vie durant, Klaus Mann se débattra pour exister par lui-même et se faire un prénom, à défaut d'un nom déjà connu et auréolé du prestigieux Prix Nobel de Littérature en 1929, obtenu par son père, surdoué de la littérature allemande.
Son enfance munichoise est rythmée par les visites des amitiés intellectuelles, artistiques et politiques de son père. Difficile, dès lors, de ne pas être influencé par cet environnement propice aux découvertes littéraires et aux engagements politiques futurs. En 1915, il est hospitalisé plusieurs mois suite à une appendicite aiguë. "En me frôlant, l'ombre de la mort m'a laissé son empreinte", écrira-t'il plus tard. Désormais, l'idée de la mort le hantera en permanence. Son adolescence est perturbée. Il s'éveille à l'homosexualité, ce qui lui vaudra les foudres des bien-pensants et des bigots de l'époque. Mais pas seulement. Les relations avec son père sont difficiles, voire conflictuelles, lui qui jette un œil intransigeant et exigeant sur le travail de son fils. Klaus Mann cherchera jusqu'au bout la reconnaissance de ce père qu'il admire. De même, sa dépendance aux drogues dures qu'il consommera régulièrement dès les années 20 lui fera alterner cures de désintoxication et rechutes, sans jamais pouvoir décrocher. Très tôt, il sera victime d'un syndrome dépressif qui ne le quittera plus, et dont l'ardeur de son engagement intellectuel ne compensera jamais.
Néanmoins, malgré son homosexualité Klaus Mann se fiance en 1924 avec Pamela Wedekind. Cette même année il devient critique artistique à Berlin et publie ses premiers écrits dans divers journaux. En 1928, après avoir voyagé à travers le monde
avec Erika sa sœur, son double, Klaus Mann fait la connaissance d'André Gide, de Jean Cocteau et de René Crevel, dont il devient l'ami très intime. De cette rencontre avec André Gide, il écrira un excellent essai en 1943 : "André Gide et la crise de la pensée." Cette influence - décisive - le fera évoluer de l'esthétisme vers un engagement moraliste.
Opposant de la première heure au nazisme, Klaus Mann contredira l'image de dandy, de jeune homme futile et décadent que l'on s'imagine facilement, compte tenu de son milieu et de sa façon de vivre. Il mesure très vite l'ampleur du danger qui menace son pays et l'Europe. Il quitte l'Allemagne en 1933 et mobilisera inlassablement en Europe l'opposition intellectuelle contre le nazisme. En exil à Amsterdam, il fonde une revue littéraire anti-nazie "Die Sammlung" à laquelle participe de nombreux intellectuels de langue allemande. En 1935, déchu de la nationalité allemande par le régime en place, il obtient la citoyenneté tchécoslovaque. En 1938, il s'installe aux États-Unis, après une participation à la guerre d'Espagne en tant que correspondant. Il publie en 1939 "Escape to life", un livre témoignage sur l'émigration allemande, encensé par la critique et le public à sa sortie. En 1939, la sortie de "Volcan", son roman le plus important et le plus ambitieux, est l'occasion de cette reconnaissance paternelle, tant attendue, tant voulue, tant espérée. "Je l'ai lu de bout en bout, avec émoi et amusement ... Plus personne ne contestera que tu es meilleur que la plupart. Ce qui explique ma satisfaction en te lisant."
Dégoûté par la langue allemande, pervertie par le nazisme et ses horreurs, Klaus Mann écrira son autobiographie en anglais en 1942, "Le tournant", reprise après la guerre en allemand. C'est un témoignage exceptionnel sur la vie littéraire et intellectuelle allemande des années 1920, sur les espoirs et les désillusions d'une génération face à la République de Weimar et sur la condition des exilés allemands. Naturalisé américain en 1943, il s'engage dans l'armée auprès du service de propagande où il participe à la "guerre psychologique" en Italie, puis lors de la campagne d'Allemagne. En 1945, il retourne à Munich et retrouve la maison familiale pillée et endommagée. Cette vision le perturbera beaucoup, de même que sa fonction d'interprète auprès de Goering lors de son interrogatoire pour le procès de Nuremberg. Après la guerre, Klaus Mann se propose de participer à la dénazification de la société allemande, mais s'aperçoit que les écrivains exilés sont méconnus dans
leur pays et - souvent - sans avenir. Entre cette Allemagne en ruines qu'il retrouve et lui, le divorce est définitif, et rien ne comblera cet abîme d'incompréhension.
En proie à de graves problèmes financiers, désespéré par les suicides de ses amis, profondément déprimé, drogué, il se suicide à Cannes en mai 1949. Thomas Mann écrira à Herman Hesse à son sujet : "Mes rapports avec lui étaient difficiles et point exempts d'un sentiment de culpabilité puisque mon existence projetait par avance une ombre sur la sienne [...]. Il travaillait trop vite et trop facilement."
Il nous faudra attendre les années 1970 - 1980 pour voir ses œuvres publiées ou réimprimées. Celui qui n'avait été - aux yeux de tous - que le fils prodigue de Thomas Mann, sera enfin reconnu comme l'un des écrivains les plus originaux et parmi les meilleurs de sa génération.
Ses principales œuvres
"Tu m'attends ici, dit-elle, en atteignant un banc qu'un vieil homme venait juste de libérer. Ici, il y a des trains qui partent pour Anklam et Angermünde, on pourra peut-être avoir des billets. Je reviens tout de suite. Elle prit Peter par les épaules et l'assit sur le banc. J'ai faim, dit Peter en riant et en s'agrippant solidement à ses bras. Je reviens tout de suite, attends-moi ici, dit-elle. Lui : Je viens avec toi. Elle : Lâche-moi, Peter. Mais déjà il se levait pour la suivre. Alors elle lui fourra la petite valise dans les bras et le rassit sur le banc avec la valise. Obligé de tenir la valise sur ses genoux, Peter ne pouvait plus rattraper sa mère. [...] Peter tenta de la suivre des yeux et repéra sa silhouette au loin, à l'entrée du hall de gare". Été 1945, l'Allemagne n'est plus qu'un champ de ruines fumantes. A Stettin, les Russes sont partout, vainqueurs d'un pays en plein chaos social, économique et moral. Les Allemands fuient vers l'ouest à la recherche d'un improbable mieux-être. Parmi eux, Alice et son petit garçon de sept ans, Peter. Peter qui ne reverra plus jamais sa mère, partie sans un seul regard pour lui, le laissant seul, abandonné, sur le quai de la gare. Pourquoi un tel geste désespéré ? Pourquoi cette séparation subite, inexpliquée et dramatique ? Pour tenter de comprendre un tel comportement inhabituel, il faudra remonter le cours de l'existence d'Alice, tel un fil d'Ariane, passer en revue les événements de sa vie pour mieux la connaître, l'approcher et analyser ce geste inconcevable.
Alice et Martha, c'est fuir Bautzen pour Berlin. Vivre dans la capitale, s'enivrer de la vie et de ses plaisirs, de ses charmes, de ses délices et de son exaltation, des théâtres et des clubs de jazz, de l'art nouveaux et de s'affranchir des contraintes morales imposées par la province, ne plus moisir à la campagne auprès d'une mère déconnectée du quotidien. Et puis, à Berlin, la crise économique, le chômage, l'inflation, les difficultés liées aux conséquences de la Grande Guerre, le regard des autres surtout, seraient sans doute moins prégnants qu'à Bautzen, où des manifestations de mécontentement s'organisaient de plus en plus fréquemment. Berlin, où Martha et Alice seront accueillies chez leur tante maternelle, Fanny. Et là, quel changement d'univers, quel monde nouveau s'ouvre à elles, si différent de celui de leur ville étriquée de province, où le tout Berlin se pressait, où la haute bourgeoisie côtoyait la bohème artistique, où le temps n'avait plus la même valeur. A Berlin, la liberté de penser, d'être, l'art, la manière de vivre et d'aimer étaient si éloignées de leur récent passé. Ici, l'homosexualité masculine et féminine n'était pas un tabou, la drogue et l'alcool ne choquaient personne, la prostitution des deux sexes ne dérangeaient pas. "Aucune chose, aucun être vivant n'était épargné par la musique, elle les transperçait, prenant possession de chaque particule et transformant en fractions de temps cet espace d'éléments agrégés, jusque-là calme et figé, maintenant plongé dans une effervescence qui faisait vibrer chaque molécule, chaque organe, sollicitant à l'extrême, à la limite de l'explosion, les enveloppes des corps tout comme les limites de l'espace, semblait-il à Helene. La musique se dilatait, emplissait l'espace de sa brillance mate, d'un chatoiement délicat, d'une vapeur de très fines mélodies qui ne connaissaient plus la mesure habituelle, elle pliait les corps des danseurs, les recroquevillait, les redressait, roseaux dans le vent".
dans la République de Weimar, intermède débridé, libertin, euphorique, à la fois artistiquement riche et socialement démuni, coincé entre un empire englouti par la défaite de la Grande Guerre et pangermanisme qui marquera l'ascension du national-socialisme. Par-delà la chronique sociale et romanesque de l'histoire d'une "Femme de midi", il y a l'introspection des sentiments humains face aux vicissitudes de la vie. Par la grâce envoûtante et l'élégance de la plume de Julia Franck, celle-ci nous fait part des états d'âme d'Alice / Helene qui l'ont - un jour - conduite à cet acte désespéré. "La femme de midi" est un roman tout à la fois tragique, émouvant, troublant et implacable. Dans une écriture minimaliste, monobloc et circonstancié, la romancière redonne une identité, une âme, un visage, des sentiments humains à une personne inconnue que l'on pourrait mépriser pour son attitude, mais qui - paradoxalement - ne vous laisse pas indifférent. Un véritable chef d'œuvre de pudeur et de sensualité. Peut-être un futur classique de la littérature allemande ?
318 - 1 = 317 livres ... Elle baisse, elle baisse !
Juin 1924, Le Tour de France s'élance de Paris pour rejoindre Le Havre, première étape d'un périple qui ressemblera plus à un chemin de croix qu'à une excursion bucolique à travers la campagne du pays. En ce 22 juin 1924 ils seront cent cinquante sept coureurs à braver les intempéries, la chaleur étouffante, la souffrance physique et mentale, les ennuis mécaniques pour le plaisir du sport en général et de la Petite Reine en particulier. "Ils ne font pas le Tour de France pour se promener, ainsi que j'aimais à l'imaginer, mais pour courir. Ils courent aujourd'hui jusqu'au Havre, sans vouloir respirer, tout comme s'ils y allaient quérir le médecin pour leur mère en grand danger de mort". Ce sont les Henri et Francis Pélissier, Jean Alavoine, Otavio Bottecchia, Hector Tiberghien - marquis de Priolas -, et tant d'autres moins connus, qui sont venus se frotter à l'asphalte des routes françaises pour donner du spectacle aux curieux venus les applaudir, les encourager, les soutenir dans leurs efforts.
d'heure. Parce qu'il fallait absolument avaler trois cent quatre-vingt un kilomètres, trois cent cinquante quatre kilomètres ou quatre cent dix kilomètres de route qui séparaient les étapes et faire avec les conditions atmosphériques, les crevaisons fréquentes, les chutes - parfois mortelles - que ces coureurs vivaient au quotidien. Dans ce peloton hétéroclite des Croisés du Tour de France, on trouve des routiers, coureurs avec une équipe complète à leur service et les ténébreux, ceux qui roulent avec leur équipement personnel, sans soutien, sans matériel, juste pour la beauté et l'amour du sport. Ce sont souvent eux qui font le spectacle. Dans cette troupe anachronique, certains chantent à tue tête des airs de leur pays d'origine, d'autres prennent le temps de compter fleurette aux belles dames venues les encourager. La plupart souffre le martyr. Lorsque le Tour attaque les Pyrénées, c'est la montée au Calvaire qui attendait ces intrépides. Beaucoup abandonneront dans le Tourmalet, à l'Aubisque ou à Aspin. Les cadavres des bords de route se compteront par dizaine. Et les plus fous ne sont pas seulement sur leur vélo. On les retrouve aussi sur les bords des routes en cet été 1924. Le Tour de France draine près de dix millions de déchaînés qui attendent avec impatience le passage de leurs idoles. "On s'habitue à tout. Il suffit de suivre le Tour de France pour que la folie vous semble un état de nature. Le 19 juin dernier, si quelqu'un m'avait dit : vous allez voir sept à huit millions de Français danser la gigue sur les toits, sur les terrasses, sur les balcons, sur les chemins, sur les places et au sommet des arbres, j'aurais dirigé aussitôt mon informateur vers une maison d'aliénés".
- vélo, pneus, boyaux, vêtements - était à leur charge. Pour gagner quoi, au final ? La gloire, parfois. L'anonymat, le plus souvent et le souvenir d'un géhenne inhumain infligé à l'organisme au départ de chaque étape. Il y a tout cela et plus encore sous la plume percutante, nerveuse, vive et très personnelle d'Albert Londres. Il n'hésite pas à prendre position, à dénoncer les conditions dantesques, parfois pittoresques ou picaresques, dans lesquelles ces sportifs amateurs roulaient pour vivre leur amour de la petite reine et la faire partager au public. L'auteur nous raconte l'histoire d'un Tour de France très éloigné de ceux que l'on aperçoit le long de nos routes. Encore que !
319 - 1 = 318 livres qui s'impatientent ...