- Plongée dans la vie nocturne - Henry Miller (Folio 2€ n° 3929)
Deux nouvelles pour nous plonger dans l'univers paradoxal et scandaleux de Henry Miller. Deux nouvelles à l'écriture particulière, vision onirique, violente, érotique, désenchantée de la société moderne par un grand auteur de la littérature américaine.
"La boutique du tailleur" est une vision tout à la fois merveilleuse et dantesque de New York au début du 20ème Siècle ; nouvelle largement inspirée de son enfance à Brooklyn dans le milieu des petits boutiquiers juifs de ce quartier typique. "La journée commençait ainsi : "Demande à un tel un petit quelque chose en acompte. Mais surtout ne l'offense pas". C'est qu'ils étaient chatouilleux tous ces vieux cons de nos clients. Il y avait bien de quoi pousser le meilleur des hommes à boire. Nous étions installés juste en face de l'Olcott, tailleurs de la Cinquième Avenue, bien que nous fussions pas sur l'Avenue même. Association du père et du fils, avec la mère pour s'occuper du pognon".
Dans cette boutique se côtoie une clientèle pour le moins baroque, digne d'un inventaire à la Prévert. A commencer par les trois frères Bendix. H.W. Bendix toujours à grogner contre quelque chose ou quelqu'un ; A.F. Bendix qui collectionnait les gilets à pois et R.N. Bendix, cul-de-jatte. Ces trois frères s'évitaient comme la peste, se détestant et s'ignorant royalement. Dans la rue, en face de la boutique paternelle, se trouvait l'Olcott, hôtel où officiait Georges Sandusky. Georges partageait son temps entre le chargement de malles des clients sur les taxis, les ouvertures de portes et les courbettes aux clients. "Il avait élevé le léchage de cul à la hauteur d'un art. Je fus stupéfait de le voir monter chez nous un jour et nous commander un complet. Pendant ses heures de congé c'était un Monsieur que Georges Sandursky ! Il avait des goûts discrets - toujours une serge bleue ou un gris Oxford. Un homme qui savait se conduire à un enterrement ou un mariage".
Parmi cette clientèle extravagante, il y avait Tom Moffat. C'était le seul ennemi du tailleur, parce que celui-ci avait l'impression que l'autre le méprisait et qu'il avait refusé de payer sa commande de costumes sur mesure. Pour se venger, le tailleur allait manger tous les jours dans le restaurant de Moffat à ses frais, pour se rembourser de son travail ! On y trouve aussi Paul Dexter, chômeur professionnel, et portrait-type du rêveur éternel. Il possédait une telle capacité de persuasion et un tel magnétisme qu'il en devenait irresistible. Mais Paul avait un défaut, l'alcool. Dès qu'une frénésie de boire le prenait, rien ni personne ne pouvait l'empêcher. Ils disparaissait des jours et des semaines entières sans que l'on sache où il était. Et lorsqu'il revenait, penaud et honteux, il discourait sans fin sur Marc Aurèle, son idôle.
Dans la deuxième partie de cette nouvelle, l'auteur élargit son champs d'observation à sa famille. Il a toujours été impressionné par la joie émanant d'eux, malgré les catastrophes vécues. "Gais, en dépit de tout ! Il y avait le cancer, l'hydropisie, la cirrhose du foie, la folie, le brigandage, le mensonge, la pédérastie, l'inceste, la paralysie, les vers solitaires, les avortements, les trijumeaux, les idiots, les pochards, les bons-à-rien, les fanatiques, les marins, les tailleurs, les horlogers, la scarlatine, la coqueluche, la méningite, les otites suppurantes, la danse de Saint-Guy, les bredouilleurs, le gibier de prison, les rêveurs, les fabulateurs, les barmans - et enfin il y avait l'oncle Georges et Tante Mélie". Oncle Georges et tante Mélie ne sont pas tout à fait sain d'esprit, tout ça parce que leur mère - la grande Maggie - couchait avec tout le monde sauf le principal intéressé, son mari !
On aurait pu en rester là de la vision particulière et personnelle de la ville moderne selon Henry Miller. Ville au corps chaud dont l'auteur à l'impression de fouiller, de fourrager dans les entrailles tièdes et gluantes. Une ville-fleuve qui charrie aussi bien de l'amour que de la haine. Seulement voilà, il y a une 2ème nouvelle, titre éponyme de ce petit recueil. Et avec "Plongée dans la vie nocturne" la lecture s'est avérée, très, très difficile, laborieuse, pénible, pesante, harassante. En bref, une vraie catastrophe. Et là, c'est mon cauchemar qui a commencé. Une lente et sournoise descente aux enfers pour tenter de comprendre l'idée sous-tendue dans cette nouvelle. Impossible d'aller plus loin que les trois premières pages. Trop long, trop âpre, trop avant-gardiste et peu aisé à interpréter. Vision fantasmagorique et fictionnelle d'un monde devenu moderne trop vite, engloutissant tout sur son passage, broyant les rêves et les individus, un monde peuplé de monstres, d'horreurs, d'hydres, un monde méphistophélique, glauque, sombre, ignominieux. En un mot, un monde à la Henry Miller où se coudoie sexe et violence, résumé d'une société en déliquescence. Je ne sais si c'est l'effet d'une fatigue qui me pèse ou si j'ai été vraiment hermétique à ce style d'écriture, mais je n'ai pas retrouvé l'auteur de romans sulfureux qui a fait mon bonheur en d'autres temps et d'autres lieux.
"La boutique du tailleur" est une vision tout à la fois merveilleuse et dantesque de New York au début du 20ème Siècle ; nouvelle largement inspirée de son enfance à Brooklyn dans le milieu des petits boutiquiers juifs de ce quartier typique. "La journée commençait ainsi : "Demande à un tel un petit quelque chose en acompte. Mais surtout ne l'offense pas". C'est qu'ils étaient chatouilleux tous ces vieux cons de nos clients. Il y avait bien de quoi pousser le meilleur des hommes à boire. Nous étions installés juste en face de l'Olcott, tailleurs de la Cinquième Avenue, bien que nous fussions pas sur l'Avenue même. Association du père et du fils, avec la mère pour s'occuper du pognon".
Dans cette boutique se côtoie une clientèle pour le moins baroque, digne d'un inventaire à la Prévert. A commencer par les trois frères Bendix. H.W. Bendix toujours à grogner contre quelque chose ou quelqu'un ; A.F. Bendix qui collectionnait les gilets à pois et R.N. Bendix, cul-de-jatte. Ces trois frères s'évitaient comme la peste, se détestant et s'ignorant royalement. Dans la rue, en face de la boutique paternelle, se trouvait l'Olcott, hôtel où officiait Georges Sandusky. Georges partageait son temps entre le chargement de malles des clients sur les taxis, les ouvertures de portes et les courbettes aux clients. "Il avait élevé le léchage de cul à la hauteur d'un art. Je fus stupéfait de le voir monter chez nous un jour et nous commander un complet. Pendant ses heures de congé c'était un Monsieur que Georges Sandursky ! Il avait des goûts discrets - toujours une serge bleue ou un gris Oxford. Un homme qui savait se conduire à un enterrement ou un mariage".
Parmi cette clientèle extravagante, il y avait Tom Moffat. C'était le seul ennemi du tailleur, parce que celui-ci avait l'impression que l'autre le méprisait et qu'il avait refusé de payer sa commande de costumes sur mesure. Pour se venger, le tailleur allait manger tous les jours dans le restaurant de Moffat à ses frais, pour se rembourser de son travail ! On y trouve aussi Paul Dexter, chômeur professionnel, et portrait-type du rêveur éternel. Il possédait une telle capacité de persuasion et un tel magnétisme qu'il en devenait irresistible. Mais Paul avait un défaut, l'alcool. Dès qu'une frénésie de boire le prenait, rien ni personne ne pouvait l'empêcher. Ils disparaissait des jours et des semaines entières sans que l'on sache où il était. Et lorsqu'il revenait, penaud et honteux, il discourait sans fin sur Marc Aurèle, son idôle.
Dans la deuxième partie de cette nouvelle, l'auteur élargit son champs d'observation à sa famille. Il a toujours été impressionné par la joie émanant d'eux, malgré les catastrophes vécues. "Gais, en dépit de tout ! Il y avait le cancer, l'hydropisie, la cirrhose du foie, la folie, le brigandage, le mensonge, la pédérastie, l'inceste, la paralysie, les vers solitaires, les avortements, les trijumeaux, les idiots, les pochards, les bons-à-rien, les fanatiques, les marins, les tailleurs, les horlogers, la scarlatine, la coqueluche, la méningite, les otites suppurantes, la danse de Saint-Guy, les bredouilleurs, le gibier de prison, les rêveurs, les fabulateurs, les barmans - et enfin il y avait l'oncle Georges et Tante Mélie". Oncle Georges et tante Mélie ne sont pas tout à fait sain d'esprit, tout ça parce que leur mère - la grande Maggie - couchait avec tout le monde sauf le principal intéressé, son mari !
On aurait pu en rester là de la vision particulière et personnelle de la ville moderne selon Henry Miller. Ville au corps chaud dont l'auteur à l'impression de fouiller, de fourrager dans les entrailles tièdes et gluantes. Une ville-fleuve qui charrie aussi bien de l'amour que de la haine. Seulement voilà, il y a une 2ème nouvelle, titre éponyme de ce petit recueil. Et avec "Plongée dans la vie nocturne" la lecture s'est avérée, très, très difficile, laborieuse, pénible, pesante, harassante. En bref, une vraie catastrophe. Et là, c'est mon cauchemar qui a commencé. Une lente et sournoise descente aux enfers pour tenter de comprendre l'idée sous-tendue dans cette nouvelle. Impossible d'aller plus loin que les trois premières pages. Trop long, trop âpre, trop avant-gardiste et peu aisé à interpréter. Vision fantasmagorique et fictionnelle d'un monde devenu moderne trop vite, engloutissant tout sur son passage, broyant les rêves et les individus, un monde peuplé de monstres, d'horreurs, d'hydres, un monde méphistophélique, glauque, sombre, ignominieux. En un mot, un monde à la Henry Miller où se coudoie sexe et violence, résumé d'une société en déliquescence. Je ne sais si c'est l'effet d'une fatigue qui me pèse ou si j'ai été vraiment hermétique à ce style d'écriture, mais je n'ai pas retrouvé l'auteur de romans sulfureux qui a fait mon bonheur en d'autres temps et d'autres lieux.
7 commentaires:
Ben mince, ça n'a pas l'air facile. J'ai souvent eu envie de lire sa trilogie qui commence par "Sexus" mais je me dis que ça doit être ardue comme lecture, en plus d'être très dérangeant...
Hmmm... Je vais passer mon tour sur celui-là... même pour un petit prix, je ne suis pas sûre d'accrocher au style en fait... [Excellente la vidéo des lapins crétins ! J'adoooore ! ]
Souvent ces petits folio permettent de découvrir un auteur. Ce n'est peut-être pas le cas ici. Je n'ai jamais lu cet écrivain.
Repose-toi bien Nanne, cet hiver rigoureux nous fatigue tous. Je suis moi aussi très fatiguée en ce moment!
J'ai bien reçu le livre :-). Merci pour le petit plus qui est délicieux !!!
Je crois que je passe mon tour moi aussi ...
@ Ys : Henry Miller n'est pas un auteur très facile à aborder parce que avant-gardiste, mais sa trilogie érotique est beaucoup plus aisée à aborder que ses nouvelles !
@ Alwenn : J'ai été déçue, comme cela arrive parfois ... Mais je garde quand même un bon souvenir de cet auteur, particulièrement avec sa trilogie en rose ! Je suis fan des Lapins crétins ...
@ Manu : Je crois que c'est un mauvais choix de textes de la part de Folio, comme cela arrive de temps en temps ! Mais cet auteur est intéressant à lire dans ses romans ... Merci pour tout et heureuse de savoir que le petit plus t'a plu ;-D
@ Leilonna : Avec celui-ci tu peux passer ton tour, mais d'autres ouvrages de Henry Miller sont vraiment à découvrir !
zut alors j'ai lu les premières lignes de ton billet et je me suis dit ça promet! puis je lis que tu n'as pas trop aimé!! alors je vais passer mon tour mais je suis intriguée!
@ Lael : Le début était très prometteur ... mais trompeur !! La suite a dérapé et le style s'est transformé en délire fantastique ! J'ai vraiment regretté cette fin ;-D
Enregistrer un commentaire