1 juillet 2009

COSA NOSTRA EN NORMANDIE

  • Malavita - Tonino Benacquista - Folio n° 4283


"Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit. Une autre famille y aurait vu un commencement. Le premier matin de tous les autres. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Un moment rare qu'on ne vit jamais dans le noir. Les Blake, eux, emménageaient à la cloche de bois et s'efforçaient de ne pas attirer l'attention". La famille Blake est bien décidée à ne pas se faire remarquer par le voisinage et arrive ainsi en catimini à Cholong-sur-Avre, Normandie. En s'installant dans ce petit cottage d'une autre époque, ils se sentent un peu nostalgique de leur maison ultramoderne de Newark, New Jersey, États-Unis.

Il faut dire que les Blake ont beaucoup déménagé sur le vieux continent ces dernières années. Paris Cagnes-sur-Mer. Maintenant, Cholong-sur-Avre. Toute la famille se sent fatiguée par ces transits incessants. Elle espère pouvoir se poser un jour où l'autre, ne plus devoir fuir un lieu pour un autre, s'ancrer dans un endroit pour y vivre en paix. Sauf que les Blake ne sont pas tout le monde. A commencer par Frederick, le père, qui ne sait pas ce que travailler veut dire, encore moins se lever tôt. Lui serait plutôt du genre à traîner à longueur de journée en peignoir ou robe de chambre en attendant que passe le temps. Ou, éventuellement, à élaborer des combines pour gagner de l'argent facilement. Tout cela, jusqu'au jour où il tombe nez à nez avec une vieille machine à écrire, modèle 1964, une Brother 900 à clavier européen. Et là, c'est la révélation de sa vie ! "Au commencement était le verbe, lui avait-on dit, il y a bien longtemps. Quarante ans plus tard, le hasard lui donnait l'occasion de le vérifier. Au commencement il y avait sûrement un mot, un seul : tous les autres suivraient. Il leva son index droit et frappa un g, bleu clair, tout juste visible, puis un i, il chercha des yeux la touche o, la touche v, ensuite, histoire de s'enhardir, il parvint à obtenir un a de son annulaire gauche, puis frappa deux n à la suite, de deux doigts différents, et termina, de l'index, par un i. Il relut le tout, heureux de n'avoir fait aucune faute.Giovanni".

D'un coup, il sait. Il sera écrivain pour ses voisins. Il va écrire ... sur le débarquement. Logique pour un Américain en pleine campagne normande. Sauf que Frederick Blake confond Marines et GI, et qu'il ne sait même pas qui était Eisenhower ! Parce que Frederick Blake n'est pas celui qu'il prétend être, ni sa jolie
famille parfaite, mais plutôt Giovanni Manzoni, chef de clan redouté de la mafia new yorkaise. Et que peut bien faire un chef de mafia en plein pays normand ? C'est une idée du capitaine Thomas Quintiliani du FBI, pour le protéger de son ancien milieu. Après quatre ans d'une traque infernale, il avait réussi à transformer Giovanni Manzoni en une balance et à le griller au sein de Cosa Nostra pour des générations à venir. Témoigner dans un procès et faire tomber trois caïds de la côte est avait contraint Manzoni à devenir Blake et à bénéficier du Witsec "Protection Witness Program". Et de de venir s'échouer lamentablement en Europe, pays de ses origines profondes. Sauf que le statut de témoin protégé est une contrainte permanente, qui peut vite virer à l'enfer quotidien. Personne ne doit jamais savoir qui vous êtes réellement. Vous ou les vôtres ne peuvent jamais se trouver sur une quelconque photo de presse, même locale, de crainte d'être - un jour où l'autre - retrouvé par vos anciens amis. Vous devez vous faire le plus discret possible. Et ça, les Blake ne savent pas du tout faire. Aussi, lorsqu'ils décident d'inviter le voisinage pour un barbecue, ils ne savent pas encore qu'ils viennent de renouer avec leur histoire personnelle, leur passé. Chasser le naturel, il revient au galop ! Telle pourrait être la devise des Blake. Parce que, ne vous leurrez surtout pas, il n'y a pas que Fred qui soit comme cela. Pas un n'est là pour récupérer les autres. "Fred prit un temps de répit, se massa les paupières, en proie à une formidable montée de violence. Au moment le plus inattendu, Giovanni Manzoni, le pire homme qu'il eût jamais été, reprenait le pouvoir sur Fred Blake, artiste et curiosité locale. Quand un des cinq types tassés autour du feu crut bon de préciser que seul un peu de white-spirit pourrait arranger les choses, Fred le vit implorant pardon à genoux. Plus que le pardon, il implorait la délivrance et demandait qu'on l'achève. Giovanni avait connu la situation plusieurs fois dans sa vie et ne pourrait jamais oublier le gémissement très particulier de l'homme qui réclame la mort ; une sorte de long râle proche de celui des pleureuses de Sicile, un chant dont il reconnaissait la note entre mille".

Avant tout, il faut savoir que ce n'est pas ce livre que j'aurais dû présenter dans le cadre de Blogoclub de juillet, mais "Nous étions les Mulvaney" de Joyce Carol Oates. Malheureusement pour moi, j'ai connu deux échecs de lecture avec cette écrivain et cela ne passe toujours pas entre elle et moi ! Je ne désespère pas, mais je n'avais pas envie de passer à côté de ma lecture. Je me suis donc rabattue sur "Malavita" de Tonino Benacquista. Et là, je dois avouer avoir ricané comme une hyène du début à la fin de ce truculent roman. Je ne sais si je ferai - un jour - la connaissance des Mulvaney. Par contre, j'ai côtoyé une famille de Cosa Nostra et non des moindres, les Manzoni. Et je demande encore, qui dans cette famille est le moins déjanté ! Entre Fred, le père, dont le témoignage a envoyé toute la famille pour un exil interminable en Europe et qui se rêve soudain en écrivain hagiographe de sa propre histoire. Un homme qui conserve par devers lui les stigmates de son ancienne activité, du temps où il faisait régner la terreur autour de lui ; où le seul
nom des Manzoni suffisait à faire trembler de frayeur n'importe quel commerçant de la côte est. Warren, le fils qui rend son père responsable de cet exil contraint, tout en conservant dans ses gènes l'instinct mafieux en aidant ses camarades de collège en difficultés. Belle, la fille, qui - comme son prénom l'indique - ferait fondre un glacier de l'antarctique avec son physique de star. Mais malheur à qui ose lui conter fleurette. Ou Maggie, la mère, qui culpabilise de son passé et décide de retrouver la voie de Dieu. Dans un style digne des policiers avec un sens de l'humour noir décapent, Tonino Benacquista nous parle d'un milieu qui n'a rien d'humoristique, la mafia. Il réussit à nous apitoyer sur le sort d'un parrain de Cosa Nostra repenti et nous faire presque regretter de ne pas avoir eu ce tueur psychopathe comme voisin. A la limite, je serais prête à accepter la chienne !


Rats de biblio en parle très bien, Jules ne s'est pas ennuyée un instant ... D'autres, sans doute. Faites-le moi savoir.

16 commentaires:

Karine :) a dit…

Malavita fait partie de ma liste... j'ai bien aimé ce que j'ai lu de Benacquista jusqu'ici et cette famille déjanté m'attire bien...

keisha a dit…

Eh bien tu donnes envie! Surtout que dans un coin de ma tête j'ai déjà noté cet auteur...

sylire a dit…

C'était le livre que j'avais proposé... Ravie qu'il t'ait plu. Je tenterai un jour ou l'autre !

Anonyme a dit…

Dommage qu'il n'y ait pas le son, j'aurais aimé t'entendre ricaner comme une hyène (dans la campagne normande...) !

Nanne a dit…

@ Karine:) : Cette famille est très attachante, malgré son lien avec Cosa Nostra ! Le père ne déclenche que des catastrophes et on rigole du début à la fin ... On tombe sous le charme !

@ Keisha : Tu peux lire "Malavita" sans crainte, surtout si tu as envie de rire, de ricaner, de pleurer de rire ! Benacquista est un auteur réjouissant ... J'en ai déjà prévu d'autres de cet auteur !

@ Sylire : Pour un coup de maître, c'est plutôt réussi ... Je te conseille cet auteur qui est un excellent antidépresseur !

@ Ys : C'est regrettable, en effet ... J'ai ricané et pleuré de rire du début à la fin ! A en avoir des crampes d'estomac. Rare de rencontrer une hyène en pleine campagne normande (comme un membre de Cosa Nostra, d'ailleurs !).

Manu a dit…

Je suis triste de lire que tu n'es pas séduite par Oates. Mais soit. J'ai "saga" de cet auteur dans ma PAL. J'espère que je rirai autan que toi avec celui-ci !

Nanne a dit…

@ Manu : Pour Oates, je pense l'avoir lue à un mauvais moment où son écriture ne passait pas ! Je crois que cela vient plutôt de moi ... Mais je retenterai de lire cette écrivain. Seulement, avec un roman de 594 pages, je ne voulais pas prendre de risques ! Concernant Benacquista, je n'ai lu que "Malavita" et une BD, mais le courant est passé avec lui. Je ne connais pas "Saga", mais j'espère qu'il y aura le même humour que dans l'autre ...

Leiloona a dit…

Je ne connais pas encore cet auteur, mais vu ce que tu en dis, j'ai bien envie de le découvrir ! Une hyène en Normandie, dis-tu ? :P

Jumy a dit…

J'avais voté pour ce livre lors du choix....du coup, tu confirmes que je dois absolument le lire.

Nanne a dit…

@ Leiloona : Si tu veux ricaner comme une hyène en Normandie, il faut le lire ! C'est d'un humour noir décapant et à pleurer de rire ...

@ Jumy : J'avais aussi voté pour ce titre et comme entre Joyce Carol Oates et moi ça ne passe pas, je me suis rabattue sur Benacquista ... Cela fait du bien de rire tout le long d'une lecture !

chiffonnette a dit…

J'avais adoré et ricané tout comme toi! La suite est très sympa aussi, c'est un régal de les retrouver avec leurs habitudes cinglées et leur capacité à s'attirer des ennuis!

Nanne a dit…

@ Chiffonnette : J'ai adoré ce roman et ne regrette pas un instant mon choix ! Je ricane encore à l'idée des ennuis qui s'enchaînent les uns après les autres ... J'attends la suite en poche pour continuer avec cette famille de déjantés, juste pour le plaisir de ricaner encore une fois !

Fantasio a dit…

Que ce livre a l'air tentant ! De plus j'ai déjà lu quelques bons livres de cet écrivain.
Alors... hop, je me laisse tenter !

Nanne a dit…

@ Fantasio : Benacquista est un auteur réjouissant, mais avec "Malavita" on atteint des sommets ! Cette famille à l'art de s'attirer des ennuis sans vraiment le vouloir ... Un vrai moment de lecture délirante !

liliba a dit…

Je l'ai lu il y a très longtemps, mais je me souviens avoir beaucoup aimé.

Nanne a dit…

@ Liliba : Je ris encore de temps en temps rien qu'en pensant à cette lecture et aux facéties de cette famille ... J'attends la sortie poche de "Malavita, encore" pour continuer !