25 août 2009

LA COUR DES POISONS

  • La chambre ardente - Max Gallo - Fayard Éditions


14 juillet 1709. Primi Visconti, ambassadeur de la Sérénissime République de Venise auprès de Louis XIV est inquiet. Autour de ce roi craint et admiré - tant en France qu'à l'étranger - des rumeurs circulent concernant des empoisonnements de rivales, maîtresses du Roi Soleil, et usages de filtres pour s'attirer ses grâces. Il se murmurerait même que des dames de la noblesse se rendraient chez des sorcières, des nécromanciennes et autres apothicaires pour acheter breuvages, drogues, poisons ou simplement pour connaître l'avenir. Pire. On y pratiquerait des messes noires. "On s'y livrait à d'étranges pratiques ; la femme, le corps à demi dénudé mais le visage masqué, servait d'autel dans ses célébrations où l'on priait Dieu et le diable afin qu'ils favorisent les projets de la demanderesse qui voulait se faire aimer d'un homme qu'elle jugeait insensible à ses charmes. Et Nicolas Gabriel de La Reynie m'avait laissait entendre que cet homme était souvent le Roi".

Dans l'entourage du roi, certaines useraient de poudres de succession afin de se débarrasser de personnes gênantes pour obtenir un héritage, vivre un amour clandestin au grand jour. Pour mettre un terme à cette situation qui pourrait menacer le trône, Louis XIV allait créer la Chambre ardente chargée d'enquêter, de juger et de condamner tous ceux et celles qui s'adonneraient à ces pratiques occultes. Celui qui sera nommé à la tête de cette police secrète, c'est Nicolas Gabriel de La Reynie, officier probe, intègre, qui va s'acharner à remplir sa mission jusqu'au bout. Mais ce que ni Louis XIV, ni Nicolas Gabriel de La Reynie ne savent, ce sont les personnalités impliquées dans ce vaste réseau. "Or les plus grandes dames de la Cour, Mme de la Motte et la duchesse de Polignac, dénoncées par les sorcières, jeteuses de sorts et faiseuses d'anges, furent appelées à comparaître devant la Chambre ardente. Elles avaient, assuraient ces devineresses, alchimistes et criminelles, réclamé des la "poudre de succession" et d'autres de ces drogues qui plongent ceux qui les absorbent dans le sommeil de la mort, et non dans une courte somnolence".

Car c'est pratiquement toute la Cour royale, ou peu s'en faut, qui usent et abusent
de ces élixirs, aphrodisiaques, poisons, cérémonies sataniques, ensorcellements, dans l'espoir d'influencer leur destin personnel. On aurait pu croire que ces usages ne concernaient que les gens de peu, le peuple frustre, primaire, sans éducation, soumis aux peurs ancestrales. Or, il n'en est rien. Quand il s'agit de vie à influencer et d'argent à gagner, tout le monde se retrouve dans une sorte de confrérie du poison, l'aristocrate, le prêtre apostat et le gueux. Nicolas Gabriel de La Reynie va remonter la filière pour - enfin - arriver au sommet de cette organisation prête à tout pour détenir le pouvoir occulte sur le roi et ses décisions les plus intimes. "Il m'avait dit qu'il se sentait souvent comme un homme cherchant à dévider un pelote aux nombreux fils embrouillés afin de reconstituer la trame d'un tissu d'où ils provenaient, et qui, s'il réussissait dans sa tâche, pourrait recomposer les figures que ces fils avaient représentées". De fil en aiguille, celui-ci arrivera jusqu'à la Montespan ! Femme d'influence et maîtresse officielle du Roi de France dont les bâtards étaient légitimés, beaucoup rêvaient de lui ravir sa place d'honneur ! Jalousée par les unes, haïe par les autres, presque tous espéraient voir la Montespan chuter de son pied d'estale. Mais pouvait-on l'atteindre - directement ou non - sans toucher à Louis XIV lui-même ?

Prévoyant d'entreprendre la lecture des deux tomes consacrés au Louis XIV de Max Gallo, je me suis dis que "La Chambre ardente" était une belle introduction pour commencer avec cet auteur. Ce livre, c'est chez Leiloona que je l'avais repéré à la fin de l'année dernière et il m'avait intrigué. Ce Grand Siècle a cela de passionnant qu'il regorge de secrets d'alcôves et politiques, de bouleversements sociaux et économiques par les frondes populaires. "La Chambre ardente" n'est ni plus, ni moins qu'une idée de génie du Roi Soleil pour surveiller son entourage et découvrir les éventuels complots pouvant ébranler son pouvoir absolu. Grâce à la relation particulière - et imaginaire - écrite par Primi Visconti, on apprend qui sont les personnalités impliquées dans cette vaste entreprise criminelle. Ainsi, Madame Henriette, princesse d'Angleterre et épouse du duc d'Orléans aurait été empoisonnée, car elle avait eu le tort d'être aussi la maîtresse du roi. Ou encore,
l'épouse du duc Louis-Victor de Rochechouart - frère de la marquise de Montespan -, aurait été vue achetant ses Poudres pour se défaire de son époux encombrant ! Des proches de Louis XIV ont été - à un moment ou à un autre - accusés de faire commerce de poisons ou de participer à des messes orgiaques : Racine, la vicomtesse de Polignac, Olympe Mancini - nièce de Mazarin - Madame de Dreux - maîtresse de Richelieu. Tout cet aréopage de beaux messieurs et de belles dames, poudrés, enrubannés, parfumés, ourdissaient des cabales pour s'assurer un regain d'intérêt auprès du roi, pour retrouver un amour perdu, pour éliminer un gêneur, une prétendante ambitieuse. Mais pour assurer la paix du royaume et protéger certains intimes de Louis XIV, seules les sorcières, telles la Voisin, la Lesage, la Bosse ou la Lepère seront châtiées en subissant la question préalable et condamnées à être brûlées en place publique. Tous les nobles - gens de condition - seront simplement sermonnés pour avoir côtoyé ces messagères du diable. Seule la marquise de Montespan ne sera jamais ennuyée, son nom jamais évoqué dans cette affaire d'Etat. Trop complice du rio, trop sûre d'elle, trop de pouvoir en jeu pour oser même l'interroger en tout innocence. Avec "La Chambre ardente", Max Gallo nous plonge dans les bas-fonds du Grand Siècle, dans les coulisses du pouvoir, lorsque les aristocrates - de grandes lignées ou pas - étaient prêts à tout pour s'assure les bons offices du Louis XIV, lui qui pouvait éloigner une personne de sa Cour sur un simple caprice, une mauvaise humeur. Dans un style sobre, dépouillé, objectif, presque rêche, l'auteur nous présente une face de ce 17ème Siècle, bien sombre, où le meurtre d'un nouveau-né pour pactiser avec le diable était chose naturelle surtout pour conserver ses privilèges auprès du Roi Soleil ; une époque où tout paraissait permis dans l'occultisme tant que l'on ne touchait pas à la personne du roi.

Outre Leiloona, l'avis de la Muse agitée, celui de Stephie, le site officiel de l'auteur ... D'autres peut-être ! Merci de vous manifester par un commentaire.

7 commentaires:

belledenuit a dit…

J'ai également l'intention de lire prochainement les 2 tomes consacrés à Louis XIV par cet auteur. Je note ce titre là également. Merci pour cette découverte.

loulou a dit…

je le note car ce côté de l'Histoire m'intéresse beaucoup et Louis XIV encore plus ! J'ai noté dans ma LAL plusieurs livres de Max Gallo, mais je n'ai pas encore lu cet auteur !

Nanne a dit…

@ Belle de nuit : Je vais attendre un peu de faire diminuer ma PAL avant d'envisager la lecture de ces deux tomes sur Louis XIV ... Mais ce petit livre se lit très vite et très bien, et on apprend certaines choses intéressantes sur le Roi Soleil !

@ Loulou : Je ne le connaissais qu'à travers son émission à la radio, tous les dimanches matins sur France Culture, mais sans plus ! Et j'avoue que j'ai envie de récidiver avec cet historien ...

Dominique a dit…

Hasard de lecture, je suis en train de lire Reines et Favorites de Benedetta Craveri, il y a un chapitre sur l'affaire des poisons et Mme de Montespan est en bonne place
j'aime cette auteure qui allie comme max Gallo j'ai l'impression savoir et art du récit

Nanne a dit…

@ Dominique : On lit souvent le même type d'ouvrages ... Cela ne m'étonne pas que tu aies retrouvé cette affaire des poisons dans un autre roman ! Max Gallo allie la rigueur de l'historien au romanesque de l'écrivain. Ce qui donne des ouvrages très faciles à lire et intéressants.

Unknown a dit…

Ce livre m'attire beaucoup je vasi le mettre dans ma LAL.

Nanne a dit…

@ Geisha Nellie : Si tu aimes cette période de l'histoire remplie de mystères, de poisons et de messes noires, alors ce livre est pour toi ! Tu devrais en apprécier la rigueur historique ...