8 novembre 2008

FEMMES, JE NOUS AIME

  • Paroles de femmes - Jean-Pierre Guéno (Librio 2€ n° 848)


C'est en érigeant en dogme la Loi Salique qui interdisait aux femmes l'héritage de la couronne de France que les hommes ont construit l'ordre masculin et bâti une légende qui aura la vie dure : la fonction naturelle des femmes à la soumission, aux seconds rôles, à la domination masculine. Il nous faudra attendre la 1ère Guerre Mondiale et son cortège de haine, d'horreur, de violence, pour que la société remette en cause la répartition traditionnelle des rôles entre hommes et femmes. Pendant les quatre années de guerre, les femmes vont faire tourner le pays et son économie alors que 8 millions de Poilus se battent dans les tranchées. Mais il faudra 1945 et la Résistance pour - enfin - obtenir le droit de vote en France, pays des Droits de l'Homme et du Citoyen. La France accusait un retard en la matière tel qu'elle se trouvait loin derrière la Turquie, les Philippines, la Tasmanie, le Brésil ou la Pologne.

Mais être femme, que l'on appartienne à l'aristocratie ou au prolétariat, aura toujours été un lourd fardeau. Leur sort semblait immuable et scellé par avance par le seul pouvoir des hommes. Clara Malraux - que la Grande Guerre émancipera -, prend conscience très vite de sa condition de jeune fille d'excellente famille et des
mariages arrangés, de la sexualité que l'on découvre mais que l'on doit feindre d'ignorer jusqu'au mariage. Elle décidera de rompre ses fiançailles alors que personne, dans son entourage, n'a jamais osé cette forfaiture. "Dans nos milieux du moins, les fiançailles avaient une valeur qui n'était pas loin d'égaler celle du mariage, j'avais beau chercher honnêtement, personne autour de moi ne s'était encore permis ce geste". Ou Clémence la Bourguignonne, brave fille de la campagne qui - à peine jeune fille et déjà mariée -, portera les habits de deuil pour partager la souffrance de ses amies veuves. Enfin Margot, fille et femme d'alcooliques, qui a vécu une vie de misère et de chagrins, prise qu'elle était entre ses grossesses, la pauvreté ambiante et sa condition de lingère pour la bourgeoisie. "Les filles du peuple ne sont pas faites pour être considérées comme des êtres humains. Le regard glisse sur elles sans s'arrêter".

Dans cet entre-deux, temps des luttes pour certains hommes et les femmes, il en est certaines qui refusent catégoriquement leur sort de femmes et les diktats de leurs origines sociales. Ainsi, Elizabeth Lacoin, Zaza - l'amie intime de Simone de Beauvoir -, déterminée à épouser qui elle le souhaite, même s'il est désargenté ou n'appartient pas à son milieu. Elle ne pourra jamais se marier avec Maurice Merlot-Ponty, considéré comme un saltimbanque de la pensée par sa famille. Pauvre Zaza ! Crucifiée sur l'autel d'une société rigide et bien-pensante. Malheurs à celles qui
deviennent filles-mères à une époque où la morale s'érigeait en grande inquisitrice dans la cité. Comment, dès lors, accepter un enfant qui - par le seul fait de sa conception involontaire -, met sa mère au ban de la communauté. Comment ne pas imaginer l'abandon plutôt que la honte ? Ou l'avortement, tabou et risqué ? Ou pire. Tout, sauf le statut de "mauvaise mère" pour Françoise Giroud. Heureusement, si certaines éprouvent de la gêne à assumer leur féminité, d'autres - dont Marie Cardinale -, la vivent pleinement. Elles sont même fières de revendiquer le droit à l'amour quand elles en ont envie. Et avec le partenaire de leur choix. L'amour peut-être sans passion, certes, mais associé au plaisir.

Dans les années 1970, la femme est encore et toujours infantilisée, reléguée à l'arrière-plan au profit du frère, puis du mari tout-puissant. A quoi servent les études, le bonheur d'apprendre, de savoir, de découvrir et de comprendre le monde puisque l'utilité de la femme se résume à élever ses enfants et à s'occuper de son mari, de sa maison. Toujours dans les années 1970, Le Torchon brûle - premier journal du MLF -, donnera la paroles aux femmes oppressées au travers des témoignages de bénévoles et d'anonymes. D'un coup, la parole se libère ; la femme prend conscience de son existence, de sa réalité, de sa place dans la collectivité.
Elle sait ce qu'elle ne veut plus vivre ni entendre. "Mais j'ai compris, la parole est une chose qui se prend. Ça ne m'intéresse plus d'exister par rapport aux hommes, d'exister en face d'eux, d'être reconnue par eux en tant qu'être humain car j'ai compris qu'ils ne me reconnaîtront jamais comme un être humain, qu'ils me réduiront toujours à n'être que l'objet de leur désir ou la compagne de leurs projets et de leur vie : femme-objet ou femme-enfant, c'est le seul choix".

Le temps de l'ombre, le temps des luttes, le temps de la conquête et le temps de la femme. Quatre chapitres séquencent cet opuscule sur l'histoire du combat des
femmes pour leur reconnaissance, leur juste place dans la société. Toutes ces femmes, connues ou inconnues - romancières, mères au foyer, célibataires, engagées, militantes, indépendante -, parlent de nous, de notre quotidien, des batailles menées et celles qui sont encore et toujours à faire, inlassablement, pour conserver nos droits acquis, pour en conquérir d'autres. A travers "Paroles de femmes", ce sont nos joies, nos doutes, nos peurs, nos réussites, nos bonheurs, nos espoirs, qu'elles racontent. De l'aïeule à l'arrière-petite-fille, quatre générations discutent et se répondent pour mieux témoigner, rendre hommage et nous inviter à une certaine vigilance.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà un article bien intéressant Nanne !! Tout ce que l'on doit à ces femmes là, si courageuses... Je note ce titre pour plus tard...bises et bon dimanche !!!

Nanne a dit…

@ Antigone : C'est ce que j'aime dans ces petits ouvrages, il nous donne à lire et à apprendre l'essentiel sur nous, les femmes. Et j'aime leur courage et leur volonté ... Bon week end à toi ;-D