- Ragtime - E.L. Doctorow - Editions Pavillons
"La plupart des immigrants venaient d'Italie et d'Europe orientale. Des chaloupes les emmenaient jusqu'à Ellis Island. Là, dans un entrepôt pour matériel humain, étrangement décoré, fait de brique rouge et de pierre grise, ils étaient étiquetés, douchés, parqués sur des bancs dans des boxes d'attente. Ils prenaient tout de suite conscience de l'énorme pouvoir des fonctionnaires de l'immigration. Ces fonctionnaires changeaient les noms qu'ils ne pouvaient pas prononcer et arrachaient les gens à leurs familles, renvoyant d'où ils venaient les vieillards, les mauvais sujets, les personnages louches et également ceux qu'ils jugeaient insolents".
"Ragtime" commence en 1902 à New Rochelle - district de New York - pour se terminer en 1917 par le torpillage du Lusitania et l'entrée en guerre des États-Unis. Entre ces deux dates, c'est l'histoire de la société américaine à l'aube du 20ème Siècle qui nous est contés au travers de trois familles représentatives : une blanche, une noire et une juive immigrée d'Europe centrale. Ainsi, Père, Mère et Jeune garçon constituent la famille blanche. Père possède une fabrique de drapeaux, feux d'artifice et autres gadgets patriotiques qui lui assure la prospérité. Les jours heureux semblent installés pour durer. Comme Père a l'âme d'un mécène aventurier, il participera à la grande expédition de Peary au Pôle Nord. Comme Mère est avant-gardiste, elle ouvrira la voie au féminisme, à l'indépendance sexuelle et au droit des femmes.
Viennent ensuite Tateh, Mameh et Petite Fille, immigrants du Vieux Continent fuyant la misère et les pogroms. Par leur présence continue, on découvre les conditions de vie des étrangers aux États-Unis. "La famille vivait dans une pièce et tout le monde travaillait : Mameh, Tateh et la Petite Fille en tablier. Mameh et la Petite Fille cousaient des culottes courtes, qu'on leur payait soixante-dix cents la douzaine. Elles cousaient de l'instant du lever jusqu'à celui du coucher. Tateh gagnait sa vie dans la rue". En racontant leur quotidien, E.L. Doctorow en profite pour écorner le concept de l'American way of life. En décrivant les quartiers insalubres dans lesquels sont entassés les derniers arrivants, il fait toucher du doigt la misère profonde et la précarité dans laquelle vivent ces personnes. Cherchant toujours à fuir la pauvreté, Tateh et la Petite Fille partiront pour Lawrence - Massachussetts - se joindre aux ouvriers du textile, tous d'origine étrangère. Les conditions de travail sont si effroyables, la survie si dure, que la plupart des ouvriers voteront la grève générale engendrant de grandes marches dans toute la ville. Tateh - socialiste convaincu - et la Petite Fille y participeront aux côtés des leaders syndicaux Ettore et Giovanetti. "Un comité de grévistes fut formé avec chacune des races représentées et un message transmis aux ouvriers : pas de violence. Emmenant sa fille avec lui, Tateh alla se joindre aux milliers d'ouvriers qui formaient des piquets de grève et encerclaient l'usine, une construction massive de briques qui occupait plusieurs pâtés de maisons. Ils avançaient à pas lourds sous le ciel gris et froid. [...]. Des miliciens nerveux armés de fusils gardaient les portails de l'usine".
Pour décrire les conditions de la population noire aux États-Unis, E.L. Doctorow inventera un 3ème personnage, homme cultivé, élégant et poli, musicien dans un club de Broadway, Coaldhouse Walker. Ce jeune homme noir qui ne supportera pas d'être humilié par des pompiers volontaires blancs, décidera de porter plainte contre eux auprès d'un tribunal pour faire valoir ses droits. Cette volonté de faire respecter l'ordre et de demander réparation sera vue comme un affront y compris par des personnes bien intentionnées à l'égard des Noirs. Voyant que la justice blanche ne s'applique pas à un homme de couleur, Coaldhouse Walker créera un gang pour lutter contre l'injustice raciale. Emma Goldman, la célèbre anarchiste américaine, prendra fait et cause pour son action.
Si "Ragtime" était simple à raconter, ce serait merveilleux. Dans ce roman d'une extrême densité, on rencontre Freud en visite au Luna Park accompagné de ses deux disciples, Jung et Ferenczi. Tout au long de ce roman inclassable, Harry Houdini fera des apparitions aux fils des chapitres. On y croise Evelyn Nesbit, célèbre Chorus Girl de Broadway, qui avait épousé l'excentrique Harry Thaw, richissime rejeton d'une famille américaine fortunée et meurtrier de l'ancien amant de sa femme. On participe à l'essor du capitalisme triomphant avec la sortie de la Ford Modèle T des premières chaînes de montage. Une nuée de personnages connus apparaissent et se mêlent aux héros inconnus de "Ragtime", formant l'histoire multiforme et kaléidoscopique des États-Unis. C'est aussi une satire de la société américaine sous les traits de chaque personnage présenté. "Ragtime" ressemble aux poupées gigognes où chaque paragraphe de chaque chapitre s'imbrique les uns dans les autres pour dérouler l'histoire des États-Unis. C'est un roman plutôt déroutant et très surprenant à lire pour sa vision originale de la société américaine.
"Ragtime" commence en 1902 à New Rochelle - district de New York - pour se terminer en 1917 par le torpillage du Lusitania et l'entrée en guerre des États-Unis. Entre ces deux dates, c'est l'histoire de la société américaine à l'aube du 20ème Siècle qui nous est contés au travers de trois familles représentatives : une blanche, une noire et une juive immigrée d'Europe centrale. Ainsi, Père, Mère et Jeune garçon constituent la famille blanche. Père possède une fabrique de drapeaux, feux d'artifice et autres gadgets patriotiques qui lui assure la prospérité. Les jours heureux semblent installés pour durer. Comme Père a l'âme d'un mécène aventurier, il participera à la grande expédition de Peary au Pôle Nord. Comme Mère est avant-gardiste, elle ouvrira la voie au féminisme, à l'indépendance sexuelle et au droit des femmes.
Viennent ensuite Tateh, Mameh et Petite Fille, immigrants du Vieux Continent fuyant la misère et les pogroms. Par leur présence continue, on découvre les conditions de vie des étrangers aux États-Unis. "La famille vivait dans une pièce et tout le monde travaillait : Mameh, Tateh et la Petite Fille en tablier. Mameh et la Petite Fille cousaient des culottes courtes, qu'on leur payait soixante-dix cents la douzaine. Elles cousaient de l'instant du lever jusqu'à celui du coucher. Tateh gagnait sa vie dans la rue". En racontant leur quotidien, E.L. Doctorow en profite pour écorner le concept de l'American way of life. En décrivant les quartiers insalubres dans lesquels sont entassés les derniers arrivants, il fait toucher du doigt la misère profonde et la précarité dans laquelle vivent ces personnes. Cherchant toujours à fuir la pauvreté, Tateh et la Petite Fille partiront pour Lawrence - Massachussetts - se joindre aux ouvriers du textile, tous d'origine étrangère. Les conditions de travail sont si effroyables, la survie si dure, que la plupart des ouvriers voteront la grève générale engendrant de grandes marches dans toute la ville. Tateh - socialiste convaincu - et la Petite Fille y participeront aux côtés des leaders syndicaux Ettore et Giovanetti. "Un comité de grévistes fut formé avec chacune des races représentées et un message transmis aux ouvriers : pas de violence. Emmenant sa fille avec lui, Tateh alla se joindre aux milliers d'ouvriers qui formaient des piquets de grève et encerclaient l'usine, une construction massive de briques qui occupait plusieurs pâtés de maisons. Ils avançaient à pas lourds sous le ciel gris et froid. [...]. Des miliciens nerveux armés de fusils gardaient les portails de l'usine".
Pour décrire les conditions de la population noire aux États-Unis, E.L. Doctorow inventera un 3ème personnage, homme cultivé, élégant et poli, musicien dans un club de Broadway, Coaldhouse Walker. Ce jeune homme noir qui ne supportera pas d'être humilié par des pompiers volontaires blancs, décidera de porter plainte contre eux auprès d'un tribunal pour faire valoir ses droits. Cette volonté de faire respecter l'ordre et de demander réparation sera vue comme un affront y compris par des personnes bien intentionnées à l'égard des Noirs. Voyant que la justice blanche ne s'applique pas à un homme de couleur, Coaldhouse Walker créera un gang pour lutter contre l'injustice raciale. Emma Goldman, la célèbre anarchiste américaine, prendra fait et cause pour son action.
Si "Ragtime" était simple à raconter, ce serait merveilleux. Dans ce roman d'une extrême densité, on rencontre Freud en visite au Luna Park accompagné de ses deux disciples, Jung et Ferenczi. Tout au long de ce roman inclassable, Harry Houdini fera des apparitions aux fils des chapitres. On y croise Evelyn Nesbit, célèbre Chorus Girl de Broadway, qui avait épousé l'excentrique Harry Thaw, richissime rejeton d'une famille américaine fortunée et meurtrier de l'ancien amant de sa femme. On participe à l'essor du capitalisme triomphant avec la sortie de la Ford Modèle T des premières chaînes de montage. Une nuée de personnages connus apparaissent et se mêlent aux héros inconnus de "Ragtime", formant l'histoire multiforme et kaléidoscopique des États-Unis. C'est aussi une satire de la société américaine sous les traits de chaque personnage présenté. "Ragtime" ressemble aux poupées gigognes où chaque paragraphe de chaque chapitre s'imbrique les uns dans les autres pour dérouler l'histoire des États-Unis. C'est un roman plutôt déroutant et très surprenant à lire pour sa vision originale de la société américaine.
7 commentaires:
Ça m'a l'air pas mal du tout dis donc.
Je me souviens que le film qui en avait été tiré dans les années 80 avait eu un joli succès.
Ce livre est dans ma PAL. Par contre je me souviens d'avoir vu le film de Milos Forman, à sa sortie, et oui ! Et j'en garde un excellent souvenir prenant et passionnant ;-)
Je le note celui-là! Je suis certaine que ça me plairait! Et puis j'aime bien la couverture un peu vieillotte!
Ca a en effet l'air très intéressant et en même temps, ça a l'air ardu comme lecture, non?
@ InColdBlog : C'est un livre original dans son style d'écriture. Mais il est très intéressant à lire. J'ai appris qu'il y avait un film. J'ai bien envie de le voir ;-)
@ Alice : S'il est dans ta PAL, alors lis-le car il est surprenant. Et le film me paraît très réussi, lui aussi ;-D
@ Allie : La couverture est très belle et si tu t'intéresses à l'histoire des Etats-Unis, il est pour toi ...
@ Manu : Il est effectivement intéressant. Sa lecture surprend car la grande histoire se mêle à la petite histoire. Au début, c'est un peu perturbant. Mais on s'y fait !!!
Justement, l'histoire des États-Unis m'intéresse bien! Après les Fêtes je vais probablement me le commander! :)
@ Allie : Si tu veux le lire, je peux te l'envoyer ... Idem pour InColdBlog ;-D
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